12. Poisson frais

FTL, Don’t Starve

Une recette délicate

roguelike n.m. (de l’anglais Rogue, jeu à origine du terme, et le suffixe -like, ressemblant à) :

  • 1. Jeu d’exploration d’un donjon en ascii, où le personnage est généralement représenté par un arobase, aux niveaux aléatoires et sans possibilité de sauvegarde excepté pour quitter la partie (voir aussi : permadeath). Ex : NetHack, Crawl.
  • 2. Par extension, tout jeu construit autour d’un univers procédural et sans système de sauvegarde.

Le glissement sémantique qui s’est opéré ces dernières années de la définition 1 vers 2 est pertinent, dans le sens où le principal attrait de ce type de jeu réside dans la découverte, et donc dans la mise au point du moteur aléatoire, qui crée un univers toujours différent et donc intéressant, compensant ainsi la frustration de ne pouvoir continuer une partie perdue. On a déjà parlé ici de ce principe, que l’on nomme génération procédurale, décrivant de façon floue le type général d’algorithme qui se substitue au level designer pour offrir au joueur un environnement toujours nouveau à découvrir.

S’il est au cœur du jeu, ce méchanisme est donc délicat à construire pour les développeurs. Il s’agit bien, comme on l’a vu, de créer des situations originales, et intéressantes à jouer. Illustration en deux exemples des limites du système.

Répétition, punition

Même en ayant repoussé les frontières de la définition, Don’t Starve se qualifie de justesse au titre de roguelike. Le but ce jeu "de survie" est d’apprendre des recettes qui permettent de manger et se défendre contre un environnement de plus en plus hostile. Mais en cas d’échec, on ne recommence pas une partie depuis le début : le savoir-faire accumulé dans les précédentes est toujours disponible, de manière à pouvoir crafter toujours plus d’objets. Ensuite, l’environnement ne change pas d’une partie à l’autre, à moins de le remettre à zéro manuellement, ce qui redémarre également la connaissance. Mais ce n’est pas le but affiché.

Cette fixité fait des parties de Don’t Starve un remake d’Un jour sans fin, où l’on refait à chaque fois les mêmes mouvements. Cueillir de l’herbe, des brindilles. Ramasser des silex. Fabriquer une hache. Couper du bois. Faire des pièges à lapins. Cueillir des baies, des carottes. Faire un feu. Fabriquer une pioche ... toute la flore et la faune sont au même endroit que la dernière fois, il n’y a qu’à faire son petit circuit. Pas terrible dans un jeu où l’intérêt principal est justement l’exploration et la découverte des recettes.

Evidemment, le jeu est toujours en version bêta, même si on peut l’acheter et y jouer directement. Tout est encore possible, si l’on crie assez fort, et on peut espérer plus de variété dans les parties. Tout simplement changer de monde à chaque redémarrage, en conservant le savoir, pourrait être un compromis.

Fast & Furious

A l’inverse, FTL : Faster Than Light cherche à surprendre le joueur au maximum. Le jeu se déroule comme un livre dont vous êtes le héros, où l’on choisit entre la porte bleue (dirigez-vous vers 35) et ouvrir le coffre (allez en 78). Impossible, à la première lecture, de deviner si le piège mortel prendra la forme d’un cobra dans le coffre ou d’une fosse derrière la porte. Ici, c’est encore plus simple, puisque les étoiles sont toutes semblables : à chaque déplacement, on lance un dé pour savoir ce qui nous arrive. On tombe alors sur des ressources gratuites, un ennemi, mais on peut également perdre de précieux membres d’équipage sans rien pouvoir y faire.

Bien sûr, il y a des stratégies possibles dans les choix d’amélioration de son vaisseau, plus ou moins efficaces, et donc une marge de progression pour le joueur. Reste que les rencontres de l’espace ne se valent pas : comment survivre quand son vaisseau se fait envahir par quatre mantis au début du deuxième secteur ? Par ici ou par là, des voix s’élèvent contre une difficulté un tantinet artificielle, si la survie du vaisseau dépend plus du sort que de l’habileté de son capitaine.

La question de cette difficulté est évidemment discutable (et discutée). Certains clameront qu’ils parviennent quand même à gagner une partie sur deux — ce qui reste bien meilleur, par exemple, que ce que l’on peut espérer faire à Dungeon Crawl Stone Soup, roguelike première définition dont les très bons joueurs oscillent entre 5% et 15% de réussite. D’autres parleront (en bien ou en mal) d’une façon de bien jouer qui ne s’apprend pas directement par la défaite, puisqu’elle n’a pas ici valeur d’erreur visible ; elle demanderait une compréhension plus active des principes du jeu, d’où une frustration pour les joueurs trop habitués à ce fonctionnement.

Quoi qu’il en soit, Don’t Starve et FTL illustrent en quelque sorte les deux extrêmes de ce que l’on peut faire de la génération procédurale. Pas assez d’aléatoire, on s’ennuie un peu ; trop, on bascule dans la frustration. Reste que malgré les critiques qui leur sont faites ici sur un point précis, les deux jeux sont très bons l’un et l’autre et surtout inventifs. Le genre du roguelike, à devenir plus large, y a bien gagné une seconde vie... il ne reste qu’à ajuster les algorithmes.

Il y a 8 Messages de forum pour "Une recette délicate"
  • Kiri Vinokur Le 9 janvier 2013 à 15:32

    Je redis ici ce que je précisais sur Twitter : Don’t Starve permet de réinitialiser le niveau sans perdre les découvertes (ni même le taux de science) engrangées. Je le fait systématiquement, Parcourir une map déjà vue ne m’amuse pas non plus !

  • Laurent Braud Le 9 janvier 2013 à 15:42

    Ok, au temps pour moi. Ca ne m’avait pas l’air d’être le cas — mais ça a peut-être changé aussi depuis la dernière fois que j’ai essayé. Je suis bien d’accord que c’est nettement plus rigolo !

  • Jez Le 9 janvier 2013 à 18:37

    Ou pas,
    le niveau de difficulte allant grandissant dans dont starve (la mort etant une composante inevitable et envisagee comme courante), on se prend a vouloir maitriser un niveau, comme un die and retry.
    Je m’acharne sur le meme monde depuis un bon moment, sa configuration me plaisant bien.

    A noter que la version finale proposerait un mode story, en plus de la version beta/sandbox qui offre des nouvelles features/equilibrages toutes les deux semaines. Au dela du farming, il y a aussi un aspect poutrage de monstres non negligeable.

    Je me permets d’etre un peu lourdingue etant donne que meme si c’est un petit jeu sans pretention, c’est mon coup de coeur de ces dernieres semaines, la ou FTL m’a immediatement gonfle, justement a cause de ce hasard trop hasardeux.

  • Guy Le 9 janvier 2013 à 19:05

    Je testouille la version de Don’t Starve en ce moment, et je suis ravi d’apprendre qu’il y aura un mode histoire !

    En état - version bêta, à trois mois de la release au moment où ce message est rédigé, je le trouve très abouti et particulièrement addictif. Et ce, même si pour l’instant je me contente de parcourir le même monde sans utiliser le générateur de maps aléatoires - je garde cela pour plus tard, lorsque j’aurai compris tous les mécanismes du gameplay et visiter entièrement la map que j’occupe. Ces mécanismes sont effectivement répétitifs car c’est difficile de maintenir en vie ses petits personnages. En 5h de jeu, mon barbu est mort 6 fois. Parfois de manière inattendue (bouffe avariée). Souvent les soirs de pleine lune. Record de survie : 13 jours. Et seulement le tiers des aptitudes découvertes. Pas fameux. Et c’est rageant de perdre son bonhomme et son matos en quelques secondes (à la DayZ). Ce qui rajoute aussi une tension que je trouve salvatrice. Il y a bien sûr du die and retry dans l’ADN de ce titre, mais avec une belle part aléatoire qui fait que mon voisin le joueur ne vivra pas la même aventure. Bref. Je suis impatient de voir ce jeu évoluer. Comme Jez, j’ai un coup de cœur pour lui.

  • Florent Le 13 janvier 2013 à 20:03

    Ça me rappelle Flotilla de Blendo Games.
    Le mode histoire nous fait affronter des armadas complètement aléatoires donc souvent disproportionnées même si le jeux laisse un peu de place à la tactique pour s’en sortir.
    Pire : la permadeath forcée au bout d’un temps fixe (et court, une demi heure environ si je me souviens bien) sous prétexte que le personnage a un cancer.

  • Ianis Le 16 janvier 2013 à 16:50

    C’est quand même réducteur de réduire la génération procédurale au rogue-like : prenez les premiers Elder Scroll (I et 2) on sauvegarde, on meure, on reprend, mais le monde est généré procéduralement. Même à Nethack, on peut copier-coller sa save dans un coin (mais c’est mal vu). En soi, la génération procédurale est un outils, pas seulement un gameplay, il me semble que l’on peut en faire bien d’autres choses.

  • Laurent Braud Le 16 janvier 2013 à 23:08

    Tout-à-fait. J’avais fait un rapide tour de la question dans l’article précédent. L’idée de celui-ci c’était plutôt d’illustrer les limites de l’outil avec deux exemples. Et puis c’est plutôt le roguelike qui est réduit au procédural, pas l’inverse.

    Bon, je sens que je progresse encore à FTL, mais que de frustration ...

  • MarsupiLama Le 27 février 2013 à 16:49

    J’ai effectivement commencé à ressentir de la frustration dans FTL après plusieurs parties. Je pense d’ailleurs que c’est inévitable à chaque fois qu’on dépasse le 6e monde.

    Mais le second aspect du jeu permet d’estomper cette frustation.
    Je me permets donc de préciser à ceux qui ne le savent pas, que FTL contient aussi un aspect "scoring" que je qualifierai d’addictif (pour ma part). A la fin de chaque partie, un tableau s’affiche avec le top 5 de vos meilleurs parties et des scores concernant certaines stats (le plus de vaisseaux détruits, la plus grande distance parcourue, le plus d’argent amassé, le personnage ayant tué le plus d’ennemis, réparé le plus de salles...).
    Si vous êtes très "scoring" vous allez toujours vouloir faire mieux malgré la frustration causée par la mort. Personnellement, je ne m’attends pas à arriver au bout quand je commence à jouer, mon objectif est de tenir le plus longtemps possible. C’est tout, et ça me va :)

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