Au détour des réactions à un article voisin sur The Division, on peut lire que Watch_Dogs — une des précédentes grosses productions Ubisoft récentes — est un jeu "réactionnaire" et "consternant", pour sa "vision de la justice et des femmes qui [fait] froid dans le dos". Et si on arguait que Watch_Dogs est un jeu au dispositif subtil, dont la lecture précédente serait alors superficielle ? Ce serait fou ? Vous ne croyez pas si bien dire.
Cet article spoile légèrement Watch_Dogs et massivement Le cabinet du Docteur Caligari.
Bienvenue à Facholand (bis)
Force est d’admettre que Watch_Dogs travaille studieusement son aspect sulfureux : pour toute première interaction, le jeu nous demande d’abattre un type à genoux et manifestement sans défense, et ce dans une mise en scène assez anxiogène (ce qui marquera d’ailleurs la fin du jeu pour certains). Le jeu continue sur sa chaleureuse lancée en racontant un traficage de scène de crime — un acte moralement douteux pratiqué entre deux cadavres — sur un ton très buddy movie. Un petit moment entre la bonhomie et le morbide donc.
Une fois le reste de cette sympathique introduction passé, la promesse du monde ouvert se concrétise. Libre à vous donc de déclencher des fusillades en pleine rue pour éradiquer de sang froid de vilains criminels ou d’en aider des gentils à fuir la police. Enfin, on ignore tout de la morale de ces braves gens, mais le jeu ne demanderait quand même pas de les aider s’ils étaient méchants, et inversement. Nul doute que la même logique s’applique à tous les passants dont on peut siphonner le compte en banque afin d’acheter des éléments chimiques qui permettront de crafter des explosifs.
Si ces chouettes activités vous lassent, pourquoi ne pas suivre l’histoire du jeu ? Accompagnez donc Aiden Pierce dans sa quête de vengeance, liquidez l’intégralité des habitants d’un HLM au nom de la justice, faites subir un blackout à l’entièreté de la ville pour sauver votre peau et attaquez vous à la famille de ceux qui vous veulent du mal parce qu’ils se sont attaqués à la votre et que franchement ça se fait pas ! Je n’ai pas encore joué à The Division, mais quelque chose me dit que son Facholand va faire office de Levallois Perret à côté du Chicago de Watch_Dogs.
Cette description très factuelle — bien que teinté d’ironie — donne une bonne idée des nombreuses possibilités offertes et montrées par Watch_Dogs. On comprend alors aisément pourquoi il est naturel, à partir d’un tel descriptif, d’une observation du jeu ou en repensant à sa propre partie, de le qualifier de facho. Cependant, toutes ces approches mettent de côté l’expérience de jeu, dans laquelle se joue l’ambiguïté de Watch_Dogs, et notamment la représentation de la psyché de son personnage principal. C’est justement pour mieux souligner l’originalité de cette démarche qu’on va faire un petit détour par la folie dans le jeu vidéo.
Représentation invisible
J’ai horreur de la mise en scène de la folie dans les jeux vidéo. Quand Batman, sous l’effet d’une enième toxine de l’épouvantail, se retrouve dans une situation absurde ou à affronter des squelettes, je sais qu’il hallucine. L’écriture et la mise en scène — au sens filmique — sont entièrement pensées pour me le montrer. Quand Spec Ops me met face à des visions délirantes, j’en saisis sans ambiguîté la portée fantasmatique. Je vois le personnage devenir fou du haut de mon statut de joueur rationnel, créant ainsi un décalage. De plus, ces scènes sont généralement lourdement narratives, ce qui renvoie le joueur à son statut de spectateur et renforce d’autant plus la distance qui se crée entre lui et son avatar [1]. Or, ce qu’il y a — il me semble — de terrifiant dans la folie, c’est qu’on peut en être une victime inconsciente. Qu’est-ce qui me prouve que je ne suis pas fou ? Les jeux sus-cités, en intégrant narrativement leur folie, me paraissent à côté de la plaque.
On peut adresser une critique analogue au cinéma, où la mise en scène abuse régulièrement des mêmes effets lourdingues (miroirs, je vous hais) pour souligner le basculement d’un personnage. Ce n’est cependant pas le cas du Cabinet du docteur Caligari, terrifiant film allemand réalisé en 1920 par Robert Wiene, et parallèle inattendu avec la narration de Watch_Dogs. Le film est un long flashback qui s’averera au final être conté par un fou. Rien de révolutionnaire à première vue, si ce n’est la représentation de cette folie : le film appartient au courant de l’expressionnisme allemand, ce qui se traduit par des décors « caractérisé[s] par le chaos, les formes violemment torturées » [2].
L’idée est de mettre en images l’espace mental complètement détraqué du personnage. Cette astuce peut sembler un peu bête et naïve à froid, mais prend une toute autre dimension dans le cadre de l’expérience qu’est le visionnage du film : l’esthétique est étrange et donc malaisante, mais n’est pas clairement identifiée comme un signal de la folie du personnage. Le cerveau du spectateur cherche donc, plutôt que d’y coller du symbolisme, à la rationaliser en la remettant par exemple dans un contexte historique (« Ah, le Cinéma des années 20 ! ») ou culturel (« Ah, ces allemands ! »). Le fait qu’elle apparaisse dans un film expressionniste allemand lui donne aujourd’hui une légitimité, une rationalité qui lui permet d’instiller en sous-marin un malaise qui explosera vers la fin du film, quand les révélations narratives lui donneront un sens nouveau.
En cherchant à expliquer et rationaliser cette anormalité, le spectateur a justement suivi le même parcours mental qu’un fou inconscient de sa condition. C’est d’autant plus vertigineux que le spectateur avait sous les yeux des indices qui, à présent, lui semblent souligner de façon évidente et presque maladroite la folie du personnage qui lui a échappé.
Plein de crimes dans la tête
C’est là, et après une ellipse d’à peu près 80 ans, qu’on en revient à Watch_Dogs. On l’a vu en première partie, le jeu met effectivement en scène un authentique et bien réac’ vigilante. Ce n’est cependant qu’une lecture syntaxique (premier degré, factuelle) du jeu, le sens ne pouvant être lu qu’à travers le prisme du jeu vidéo, tout comme la folie de Caligari se traduisait par le langage purement cinématographique.
De tous les actes dégueulasses commis par Pierce, je n’ai pas encore mentionné mon favori : parmi les collectibles obligatoires des jeux Ubisoft contemporains, on peut ici ... espionner les citoyens dans leur intimité — souvent sordide — sans autre raison interne que remplir une énième jauge et obtenir un succès. Rappelons, histoire de rire, que le jeu — qui veut donc nous faire nourrir nos besoins voyeuristes — et sa communication ont habilement surfé en pleine période Snowden sur la prise de conscience face à la surveillance globale ...
Et en bon joueur dôté d’un cerveau reptilien, difficile de résister à l’appel de ces icônes sur la carte et de ces jauges de progressions qui n’attendent que d’être remplies, sans parler des bonus sous forme d’armes ou de véhicules pour les complétionistes. C’est dans le cadre de ces mécaniques classiques de jeux vidéo (et plus particulièrement ceux d’Ubisoft) qu’on se met à enchaîner les missions, sans se soucier une seconde de la dissonance ludo-narrative qui est pourtant là, sous nos yeux pas ébahis.
De la même façon, la mise à mort originelle est plein de sens pour un joueur : elle présente la mécanique de tir. Les phases de tir en pleine ville et le vol de voiture semblent tout à fait normaux dans un jeu reprenant la grammaire d’un GTA [3] ; aider un criminel à s’enfuir permet de diversifier le gameplay en y ajoutant de l’infiltration ; occuper les radars de la police se traduit en time attack ; l’espionnage introduit des simili-énigmes, certains passants spéciaux valant bien plus que d’autres correspondent à une mécanique de loot pseudo-aléatoire qui a fait ses preuves et son code couleur ; le HLM dont on liquide étage par étage la population a une construction canonique et familière de donjon ...
Watch_Dogs pousse même la blague jusqu’à intégrer dans ses activités secondaires des jeux de réalité augmenté joués par le personnage à même la rue. Aiden se retrouve donc à courir dans tous les sens, bras tendu pour porter un pistolet laser imaginaire lui servant à éliminer des extraterrestres ostentatoirement pixelisés ou pour collecter des pièces tout droit sorties d’un jeu de plate-formes 64. Ces mini-jeux transposent dans un cadre ridicule le gameplay des phases "sérieuses" (fusillades, poursuites), le décalage entre Aiden et les autres passants soulignant le côté artificiel et dérangeant de ces dernières. A ce moment, quand Watch_Dogs met en scène des jeux futuristes qui reprennent l’esthétique historique des jeux vidéo pour souligner que tout ce qu’il raconte cloche à cause des spécificités inhérentes — pour l’instant — au média, on touche au sublime.
Surtout, ces scènes soulignent avec beaucoup d’humour le fond de l’affaire : Le personnage principal, Aiden Pierce, est en fait bêtement un taré avec un flingue et un smartphone, en total décalage avec son univers. On l’a vu deux paragraphes plus haut, Watch_Dogs est entièrement pensé en termes de jeu ; le scénario, la caractérisation des personnages et le contexte sont simplement une surcouche de ce cœur. Il est donc tout naturel que toutes ces mécaniques, par ailleurs si avides de manipuler notre cerveau, accaparent l’attention du joueur et donnent un sens ludique — et donc rationnel dans le cadre d’un jeu — aux nombreuses horreurs dont il est l’acteur. Au lieu d’utiliser la narration "classique" (écriture, mise en scène) pour exposer la psychée dérangée d’Aiden, Watch_Dogs se sert de l’interactivité — c’est à dire du langage propre au média — comme porte d’entrée dans ce cerveau malade. Le joueur passe alors naturellement à travers cette surcouche narrative pourtant si choquante, tandis que la folie du personnage se traduit chez lui par une "ivresse ludique".
Pousser cette (dé)construction aussi loin dans un jeu AAA semble quasiment suicidaire et effectivement amplement critiqué, mais ouvre de nouvelles et fascinantes perspectives pour le média [4], autant sur l’immersion que sur l’analyse idéologique. Voir dans Watch_Dogs un bête jeu réac’ me semble résulter d’une lecture légère et premier degré d’une expérience qui, au contraire, constitue un formidable témoignage des mécaniques mentales pouvant mener à un état d’esprit qui nous semble inexplicable de façon rationnelle. Une "vision de la justice qui fait froid dans le dos" par exemple ...
Considérations bonus
A partir de cette lecture, on peut revenir sur le contexte de la création du jeu pour tirer deux nouvelles questions qui resteront ici sans réponse mais méritent néanmoins d’être posées.
La première, c’est de savoir si cette interprétation résulte d’une vision d’auteur forte ou est au contraire émergente. C’est une question qu’on peut choisir en général de ne pas se poser, mais elle me semble pertinente dans le cadre d’un jeu qui, à l’image des autres productions Ubisoft, a probablement été développé par plusieurs centaines de personnes réparties dans une demi-douzaine de pays. Est-il seulement possible de garder une vision d’auteur dans un cadre industriel aussi complexe ? Se pourrait-il que la lourde dissonance ludo-narrative qui porte un sens si fort dans Watch_Dogs soit dûe à ... des dissonances à l’intérieur et entre les équipes de développement ?
C’est justement le sens qui est au centre de la seconde question : si on admet qu’il utilise les codes du jeu vidéo pour mettre le joueur dans la tête d’un fou, que veut nous dire Watch_Dogs à partir de ça ?
Or, Ubisoft est un éditeur particulièrement soucieux de sa politique éditoriale dont de nombreux jeux sont empreints d’un aspect méta. On pense bien sûr à Assassin’s Creed, donc le jeu vidéo est le ciment narratif — jusqu’à placer l’intrigue meta de Black Flag dans un studio de développement montréalais ; mais la série Far Cry me semble être plus intéressante. Le deuxième a par exemple eu le courage de mettre en danger son gameplay et surtout son sacro-saint plaisir de jeu pour servir son propos sur l’absurdité de la guerre tandis que son successeur est, si j’en crois les écrits de Louis-Ferdinand Sébum dans Canard PC (n’y ayant moi-même pas joué), une fantastique déconstruction du média mettant notamment en exergue la façon dont des mécaniques de jeu construisent la violence dans un personnage / joueur, jusqu’à le changer.
Le but de cet article n’est pas de dresser une zoologie du discours des jeux Ubisoft, mais on a déjà assez d’indices pour avoir des éléments de réponse : il semblerait en effet qu’Ubisoft ait réussi à insuffler une vision forte dans une bonne partie de son catalogue. On ne veut donc plus savoir si Ubisoft crée des blockbusters porteurs de tant de sens (malgré parfois les apparences), mais plutôt comment ils font. Un nouvel élément de réponse se trouve peut-être dans le fait que, surprenamment, les jeux concernés sont les plus grosses productions de l’éditeur, tandis que leurs jeux "auterisants" (en tout cas vendus comme tels) comme Soldats inconnus ou Child of Light ne semblent réveiller aucun discours ou lecture critique allant au-delà de leur direction artistique. Cette situation paradoxale ou les AAA sont fondamentalement bien plus riches et passionnants que l’indiewashing un peu trop timide et propret renforce l’idée que cette créativité malade émerge peut-être de la complexité inimaginable du processus (créatif et industriel) de la création de ces jeux.
Enfin, la deuxième question mérite largement son propre article — et la longue réflexion qui le précédera. Je vais cependant conjecturer un peu en avançant que, jeu après jeu, Ubisoft construit lentement une oeuvre à la fois cohérente et chaotique — on n’est plus à un paradoxe près — sur l’aliénation. Pour revenir à Watch_Dogs, ce thème comme fil rouge, la lecture précédente et le contexte très contemporain et réaliste du jeu, il n’est pas interdit d’y voir par exemple une réflection sur la gamification et des dérives idéologiques qui peuvent en émerger. Ce qui sort amplement du cadre de cet article, mais en ces temps d’embrigadement, une telle lecture pourrait s’avérer passionnante.
Notes
[1] Ce n’est d’ailleurs pas forcément mieux de rajouter au forceps du gameplay dans ces phases de délire : comment considérer sérieusement la menace qui apparaît sous la forme de confrontation classique (les squelettes dans Batman) dans un espace qui, dans le cadre du jeu, est irréel ? Pourquoi les règles du monde concret (toujours dans le cadre du jeu) s’appliquent à cet univers mental ? Cette incohérence est un sérieux danger pour le cercle magique
[3] J’ai relancé le jeu peu de temps après les attentats de novembre dernier, et tirer comme un dératé en pleine rue pour échapper aux policiers fut une expérience particulièrement malaisante, notamment grâce à la direction artistique sans la moindre once de fantaisie.
[4] Eternal Darkness avait déjà une façon maligne de fondre la folie du personnage dans le jeu, mais les hallucinations étaient généralement très courtes — moins prégnantes donc, et surtout elles apparaissaient dans le système de jeu (via la jauge de santé mentale), nuisant ainsi à leur aspect organique.
Vos commentaires
Anonyme # Le 5 avril 2016 à 19:35
Il y a eu cet article à la sortie du jeu sur le site : http://www.merlanfrit.net/Watch-Dog.... Je pense ce qui est entendu par "réactionnaire" est avant tout le propos sur la façon de faire régner l’ordre (par les mécaniques de gameplay) sans qu’il n’y ait vraiment de réflexion intéressante, ou de contrepied proposé*. Au contraire : violence gratuite récompensée par les systèmes de jeux, justification à priori ou à posteriori des meurtres selon des stigmates sociaux, absence de liberté dans l’éventail des actions possibles à une situation, utilisation en toute impunité de la surveillance de masse pour des profits personnels (et incitation à le faire), confusion entre les notions de justice et de vengeance plus largement... Tout cela est profondément inscrit dans le coeur du jeu, et aller chercher dans une partie des mini-jeux "exotiques" quelque chose qui remettrait en cause tout le reste n’a aucun sens et permet difficilement de construire une thèse d’un jeu dont le thème principal serait la folie.
*même maladroit, comme la scène de torture de GTA V
Je veux bien que l’on se détache des à priori et des étiquettes faciles, encore faut-il fournir derrière une analyse pointue pour souligner le génie subversif et sous-estimé que cacheraient les plus grosses productions Ubisoft. Ici, comme pour ce qui a été écrit sur Far Cry 3, on en reste à une interprétation approximative qui lance de grandes hypothèses sur la manière dont la direction créative du projet se construit à cette échelle et sous l’égide d’un tel éditeur (avec tout ce que cela implique). C’est intéressant, mais en l’absence de données (enquête de terrain), on en reste aux tournures de phrases compliquées et aux références lointaines au cinéma.
J’attends par ailleurs l’article qui nous expliquera que l’Assassins Creed sur la Révolution français n’est pas, comme on pouvait le croire, la vision mainstream et historiquement datée-orientée, tendant du côté de la contre-révolution, mais en fait tout le contraire. Peut-être Ubisoft fait-il des jeux avant-gardistes (sans le savoir ?) et sommes-nous trop aveuglés pour nous en rendre compte ?
Pierre-Léo # Le 5 avril 2016 à 22:47
J’avais lu cet article à sa parution, et j’y ai évidement jeté un coup d’oeil en écrit celui-là. Et étrangement, ils ne sont pas - à mon avis - en contradiction ! L’angle de Grégoire c’est "Bon, qu’est-ce que le scénario et les règles du jeu nous transmettent comme morale ?", et en partant de cette question ça me semble en effet dur d’arriver à une conclusion différente. On est d’accord que valoriser (ce qu’implique de présenter comme une mission récompensée) l’abattage de sang froid de criminels au milieu de la rue, c’est pas cool. Tu noteras que le ton de la première partie de mon article souligne d’ailleurs ça.
La question que je me suis posé, c’est plutôt "Dès que je pense au jeu à froid, son aspect dégueulasse me saute aux yeux, mais pendant que j’y joue ça ne me dérange absolument pas, pourquoi ?". D’où les (tentatives) d’explications de pourquoi l’expérience de jeu en change notre perception morale.
Bref, les deux papiers partent de postulats (ou d’axiomes si tu préfères) et questions différents, ça me semble donc normal qu’ils cohabitent et aient des conclusions à priori contradictoires.
Pour ce qui est du mien en lui-même, je pense que y a un malentendu sur ce que j’ai voulu présenter : Je n’affirme pas que Watch_dogs est pensé tel que je le décris, et si ça se trouve il a été conçu par des fachos prenant très au sérieux l’épopée sanglante de leur "héros". Ce n’est pas, dans un premier temps, la question. Ce qui m’intéresse, c’est les mécaniques (au sens large) du jeu qui vont m’amener à penser d’une certaine façon ("flinguer des gens c’est cool"), qu’elles aient été conçues consciemment ou non, ne serait-ce que pour l’étrange plaisir de disséquer un jeu. Et si - dans ce cadre - tu n’es pas convaincu, ben heu dommage. Désolé ?
Pour ce qui est de leur aspect conscient, dont tu sembles douter, ben c’est aussi mon cas. En général je ne me pose jamais les questions du type "mais est-ce qu’il l’a vraiment pensé comme ça ?", parce que ça me semble tristement indécidable, et parce qu’une invention sans intention reste une invention. Là j’ai un peu débordé (dans une partie bonus tu noteras), parce que j’ai cru apercevoir des indices et questions intéressants vis-à-vis des autres jeux d’Ubisoft et de leurs processus de création. Par contre tu as raison, tout n’est qu’hypothèses, et d’ailleurs présenté comme tel (cf. le chapeau qui introduit la dernière partie de l’article).
Et crois-moi, je tuerais (oula, j’ai trop joué moi) pour avoir en face de moi les bons interlocuteurs et pouvoir discuter avec eux. D’ici ce jour béni, cette partie bonus est plutôt une bouteille lancée à la mer, en espérant que quelqu’un de mieux placé que moi tombe dessus. En attendant je trouve que c’est une jolie bouteille moi :)
Enfin (ouf), j’aimerais pouvoir te prendre au pied de la lettre et écrire un truc assez fumeux sur Assassin’s Creed (une autre série qui me fascine, y compris pour sa médiocrité flagrante sur tant d’aspects), mais vue ma culture historique, ce serait un moment assez gênant. Mais sans pouvoir le prouver, j’aime à penser que Ubisoft est un éditeur étrangement à l’avant-garde de la création vidéoludique, oui.
BlackLabel # Le 6 avril 2016 à 00:34
On a déjà eu droit au même angle de réflexion sur Far Cry 3, et pour moi c’est un faux débat.
De mon avis, les devs d’Ubisoft sont conscient qu’en devant suivre un cahier de charges idiot qui rend le jeu narrativement incohérent, ils pondent un jeu de merde, et ils laissent ici et là des indices pour le faire savoir tout en se complaisant à travailler pour un milieu qu’ils méprisent secrètement. Des vaincus.
Après il y a toujours des joueurs qui vont tenter de trouver du sens à ce qui n’en a pas, comme cet article, pour expliquer que finalement la merde n’est finalement pas si merdique, que Watch_Dogs a des choses à dire, que le héros n’est pas une totale incohérence mais la vision d’un fou ou autre.
http://www.merlanfrit.net/Et-si
À peu près toutes les grandes séries de JV à composante narrative engendrent tôt ou tard des spéculations plus ou moins poussées — et bon enfant — sur la cohérence de leur univers.
Pierre-Léo Bégay # Le 6 avril 2016 à 02:02
Encore une fois y a méprise sur le but de l’article (j’ai dû mal m’exprimer), dont l’angle n’est pas du tout idéologique. Je ne prétends pas que Watch_dogs a "des choses à dire", mais qu’on peut en tirer (tu noteras la différence dans l’intention) des leçons de game design, relatives à l’immersion dans la folie / l’apathie blablabla.
Pour ce qui est de l’article que tu cites (et que j’ai également lu), tu noteras qu’il parle des joueurs qui cogitent sur l’univers, la couche purement narrative de leurs jeux favoris. Là je déblatère sur comment les mécaniques d’un jeu m’amènent à ressentir ci ou ça, et en particulier à ne pas me soucier ... de sa couche narrative. Ca n’a juste rien à voir, à part que les deux "disciplines" peuvent rapidement relever de la touchette parce qu’elles s’intéressent à des questions qui resteront de toute façon éternellement sans réponse - ce qui ne veut pas dire qu’elles ne méritent pas qu’on s’y attelle.
Laurent Braud # Le 6 avril 2016 à 22:50
J’ai toujours éprouvé un peu de pitié pour Ubi. J’aimerais bien assister aux réunions préparatoires, je suis sûr qu’il y a des tonnes de bonnes idées, qui se font petit à petit broyer par la machinerie. Faire un FPS il y a 10.000 ans, en soulevant des questions anthropologiques ? Excellent ! Et finalement, on se retrouve avec Far Cry Primal.
Pour Watch_Dogs, c’est plus délicat puisqu’effectivement se pose la question de l’intention.
C’est vrai que la citation s’applique ici. Mais si l’article de Colin propose de ne pas trop pousser l’interprétation abusive, c’est pour ne pas gâcher l’expérience de bons jeux. Or ici, si l’on ne fait rien, Watch_Dogs a bien du mal à passer. La spéculation, ou l’interprétation, permet de se réapproprier la narration. Et si cela permet simplement de faire la paix avec elle et pouvoir profiter du jeu, c’est tant mieux, non ?
Strife # Le 7 avril 2016 à 11:55
Le postulat de départ de Primal c’est surtout "bon les gars on a des assets de jungle, savane, éléphants & co. à rentabiliser, on pourrait faire quel jeu avec ?".
Ce qui n’exclut pas qu’un tas de bonnes idées aient pu émerger en pré-prod et finir à la poubelle, c’est même quasiment certain. La moitié du boulot d’un GD c’est de défendre bec et ongles des features face à la prod et au marketing.
BlackLabel # Le 9 avril 2016 à 13:42
J’ai le même sentiment, d’ailleurs je le disais un peu plus haut, des gars conscients de suivre un cahier des charges. Y’a une vision créatrice chez Ubi, même si j’en suis pas fan les licences Splinter Cell ou Ghost Recon, y’avait de la réflexion derrière les règles du jeu et les contrôles. Mais désormais elle suffoque.
Les jeux comme Watch_Dogs sont tellement absurdes qu’on peut trouver aucune cohérence, tout entre en contradiction, à commencer par ce "justicier" qui siphonne les comptes des citoyens. Même si les gars essayent de dire quelque chose (comme dans Far Cry 3), c’est tellement timide et impuissant que ça en devient plus irritant qu’autre chose. Il y a aussi le fait qu’aujourd’hui on assemble des morceaux de jeux, chacun travaille dans son coin et après seulement ça donne un titre.
Il y a bien une forme de folie, mais je pense qu’elle se trouve dans le produit, sa conception, dans cet amas de n’importe quoi. Ça s’applique d’ailleurs à d’autres jeux. Le pire que j’ai vu c’est Hitman Absolution.
Poisse-caille # Le 13 avril 2016 à 16:21
Le meilleur article-poisson d’avril lu pour l’instant !
Cédric Muller # Le 10 mai 2016 à 11:09
"Dès que je pense au jeu à froid, son aspect dégueulasse me saute aux yeux, mais pendant que j’y joue ça ne me dérange absolument pas, pourquoi ?"
Là, soudain, j’avais Clicker Heroes en tête.
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