C’est l’été. Si vous lisez Merlanfrit, c’est que vous n’êtes pas encore en vacances, à moins que vous veniez justement d’en rentrer. Dans tous les cas, Subnautica a tout pour vous plaire, étirant la période de vacances dans un sens ou dans l’autre, avec ses récifs colorés, ses jolis poissons. Mais attention, le miroir ondulant de l’océan reflète peut-être vos propres peurs.
L’intérêt de Subnautica résidant principalement dans la découverte du jeu, tout l’article peut-être considéré comme un SPOILER. Cela dit, il reste volontairement flou.
Tout le monde connaît la Petite Sirène, en tout cas la version Disney plus pertinente ici que celle d’Andersen : l’héroïne échange sa queue de poisson pour des jambes, afin de découvrir le monde des hommes et le début des ennuis. On a un peu envie de voir Subnautica comme l’inverse de cette histoire, où le protagoniste serait contraint d’enfiler sa paire de palmes pour explorer le fond des océans.
Terror from the deep
Le joueur a pu être attiré dans les filets du jeu par les perspectives de snorkeling près des jolis hauts-fonds coralliens, et les premières minutes correspondent parfaitement à cette jolie image publicitaire. Par contre, les premières incursions en eaux plus profondes lui font chanter tout un autre air. Mon premier réflexe était d’aller voir la carcasse du gigantesque vaisseau dépassant de l’océan ; pour y aller, il fallait traverser une zone profonde et inexplorée. Vers le milieu du trajet, et alors que le soleil se couchait, c’est presque une peur panique qui m’a pris, barbotant en plein milieu d’une mer sombre sans fond visible, privé d’autre repère que la masse inquiétante du vaisseau, tandis que des grondements se faisaient de plus en plus forts. C’est là que j’ai remarqué le signal émis par ma capsule de sauvetage, qui m’a permis de retourner, penaud, vers ce havre rassurant.
Petite nature ? Peut-être. Mais j’ai tendance à penser que chacun possède à plus ou moins haute dose cette phobie que Subnautica exploite sans forcer. En fait, l’expérience m’a rappelé les difficultés que j’ai eues, étant sujet au vertige, à parcourir le monde de Mirror’s Edge et même certains passages des Assassin’s Creed : symptômes physiques — courants électriques dans les bras — et une impérieuse envie de fermer complètement le jeu. Ce n’est pas de la simple peur comme ce qu’un titre comme Amnesia cherche à déclencher, mais bien une phobie selon sa définition médicale : précise, parfaitement identifiée et impossible à aborder rationnellement.
Pour qui est sujet à ce genre de pathologie, le but du jeu devient justement de passer outre ses premiers réflexes, de dominer sa phobie. C’est particulièrement faisable dans le jeu, parce que le cerveau est aidé par la virtualité de ma chose, alors que je suis incapable de descendre 50 mètres en rappel même en connaissant pertinemment la fiabilité du baudrier. Le jeu est donc un des seuls espaces où je peux dominer cette obsession du vide, atmosphérique comme océanique. Le jeu vidéo comme thérapie ? Cela fait bien longtemps que les psychologues expérimentent la réalité virtuelle pour traiter diverses phobies, en particulier le stress post-traumatique des vétérans américains, la peur de l’avion ou de la conduite. Quant à notre écran plat, on n’ira pas jusqu’à crier au remède miracle ; mais toujours peut-on constater que l’on éprouve une immense satisfaction à passer ces obstacles, qui rassure sur notre maîtrise de soi-même.
Routine maritime
Tentative après tentative, on retourne donc aux fosses sous-marines de Subnautica. De plus en plus profond, on y trouvera de nouvelles espèces dans de nouveaux biomes. À la peur — qui ne nous quittera jamais vraiment — se mêle naturellement une autre condition psychique : l’addiction ; un assemblage finalement assez classique. Ici, les recettes de craft sont dispersées bien régulièrement dans les étages du plancher océaniques ; à force de les collecter, on obtient les moyens d’aller toujours plus profond, chercher d’autres recettes, et ainsi de suite.
La collecte routinière finit alors par retomber sur le jeu de survie habituel — n’en déplaise au snobisme des développeurs qui préfèreraient ne pas le classer dans le même panier que les centaines de survival en early access [1]. Entre deux émotions fortes, on est d’autant plus heureux cultiver son jardin : édifier des chambres sous-marines, les alimenter en énergie, y placer des aquariums pour cultiver la flore et la faune. Le résultat, tout en rondeurs chromées, est immédiatement joli et pratique. Délaissant le courage et les palmes de la sirène Ariel, le joueur joue le rôle de son compagnon Sébastien le bernard-l’ermite et profite du confort de sa coquille.
Une fois pris dans ce rythme binaire exploration / construction, le joueur se heurte toutefois aux limites d’une œuvre qui n’est officiellement pas achevée. Le jeu est certes très jouable, mais des graphismes manquent encore et les bugs sont assez nombreux. En fait, difficile de distinguer les bugs des features : la capsule de sauvetage qui se met à dériver, ou encore les poissons qui disparaissent des zones de départ — ce qui est peut-être volontaire, vu qu’il est possible de les élever en aquarium ... mais pourquoi un couple de poissons-boomerangs ne pourrait-il pas se reproduire en liberté ?
Bref, il en manque encore trop pour en profiter pleinement. Et l’attrait principal étant justement l’exploration, on se rend bien compte que le jeu n’est pas tellement rejouable, et que l’early access est contre-productif. Il ne reste plus qu’à remonter temporairement à la surface, et attendre la sortie avant de replonger dans ces eaux pas si hostiles que ça.
Notes
[1] « We’re not making a sandbox game, nor a building game, nor a survival game, although at times we thought we were. We’re building a game where you feel like a scientist who has crash-landed on an aquatic alien world and is learning how it (and its strange inhabitants) work », disent-ils.
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