Ils ont acheté à bas prix, ils ont joué, ils ont écrit. La deuxième et dernière fournée de cette #Soldejam s’emplit de mélancolie. Que l’on cherche à survivre à l’hiver canadien dans Sang-Froid en buvant du whisky, au vide spatial et humain de Lifeless Planet, ou à sa génétique chez Rogue Legacy, on en ressort toujours un peu plus triste.
Sang-Froid - Tales of werewolves
Premier jour : plein de stress et d’excitation je lance le jeu, acheté $1.49 sur GoG après avoir vaguement lu le pitch et accroché au visuel de la jaquette. Une cabane isolée dans le grand nord canadien, des attaques nocturnes de loups garous, un cycle jour-nuit pour alterner préparatifs et combats, 20 nuits à tenir. Trop cool.
Premier jour encore : J’aurais dû faire un peu gaffe, c’est un tower-defense, la phase de préparatifs consiste à cliquer sur une carte. Pas d’aspect survival, tant pis, je peaufine mon plan au max. L’attaque, elle, aura bien lieu, et je serai dans les bois en pleine nuit avec ma hache et en bobette.
Première nuit : mes pièges n’ont pas trop trop marché, j’ai fini tout le monde à la hache.
Deuxième nuit : mes pièges n’ont pas trop trop marché, j’ai fini tout le monde à la hache.
Troisième nuit : mes pièges n’ont pas trop trop marché, j’ai fini tout le monde à la hache avec un début d’empathie pour le gars qui a posté le texte sur Risk of Rain.
Chaque interlude a beau m’offrir un nouveau piège trop puissant et me promettre pour la nuit à venir une bestiole pire que la précédente : Loups, Loups-garous, Feux Follets, Maikans, Maikans chamanes, créatures invisibles ... ce soir on m’annonce le Windigo, et pour demain je mise sur le Chupacabra tiens. Peu importe, de toute manière ça se termine toujours dans un joyeux bazar, les monstres deviennent tout rouges quand ils s’énervent, y’en a qui font presque du kung fu et d’autres qui font tomber des météorites. Moi je balance de grands coups de lattes en vidant des fioles de whisky sur fond de musique folklorique québecoise. Trop cool.
—Laaris
Lifeless Planet
Je sais à quoi ressemble l’enfer. J’y suis déjà allé. Mieux : j’en suis revenu. On n’y trouve ni monstre ni diable. L’enfer est un désert de suie. Les traînées de magma rouge mais sombre, seules, découpent la monotone noirceur de ces lieux. Au milieu de ce décor de charbon, les repères s’effacent et il devient aisé pour l’explorateur de se perdre. Lever les yeux. Alors que le danger oppresse, la pause, l’arrêt est inévitable. L’air qui nous entoure est embrassé par un fin linceul glauque : étrange créature dont la chevelure tisserait sa toile, sans faille au-dessus de nos têtes. Les cieux sont en cendres. J’ai beau ne pas bien être croyant, l’Enfer, le niveau sur Lifeless Planet, me fait peur.
Si vous vous trouviez au beau milieu d’un labyrinthe dont il vous faut absolument sortir et que, par caprice ou par gaité de cœur, une main aimable vous ait donnée les directions à prendre à chaque croisement : diriez-vous que ce labyrinthe est ennuyeux ? En ce qui me concerne, le simple fait de me trouver pris au piège me suffirait pour me rendre anxieux. C’est un peu ce sentiment qui m’a accompagné durant mes longues déambulations sur cette « planète sans vie ». Le chemin a beau être simple, je m’y sens constamment en danger. Je repense à ce court passage : il me faut traverser une vallée suspendu à des câbles entre deux pylônes électriques. Avant de me lancer, j’entends Franck me dire (nommons notre avatar américain et astronaute ainsi) : « Ne regarde pas en bas. » Sachez qu’une caméra de troisième personne n’a rien d’un regard humain : bien sûr que je regarde en bas ! Dieu que c’est haut… Après avoir terminé cette épique traversée et mes sueurs froides, je me demande véritablement comment j’ai pu avoir le vertige dans un jeu vidéo.
Je vois, j’agis. J’écoute également. Sur cette planète sans vie j’entends le bruit de mes pas et du jet-pack, ceux du bras robotisé et des objets que je manipule. Perdu dans le désert, captif de ces immenses paysages bosselés couleurs pastels : il n’y a que moi à écouter. Les enregistrements que je trouve ont été abandonnés là depuis des années : des voix de fantômes. J’écoute encore. Tel des trésors, le jeu est truffé d’étranges musiques. Glauques et tristes : claustrophobes. A la fin du jeu, comme à la fin d’une belle histoire, je reste dans un état second entre les images du jeu et la réalité, hanté par les dernières notes de ma partie. Cette longue complainte, peut-être la voix de la planète, résonne à n’en plus finir. Le corps encore tendu, je revois les couleurs de l’Enfer, moi terrifié au-dessus du vide, perdu par les sons d’un autre monde.
C’est une belle journée d’été. Il est temps de quitter cette planète.
—Da Monkey
Rogue Legacy
Toute la famille s’est réunie autour du feu sacré. Une scène malheureusement banale au creux de l’automne. Le doyen prend la parole.
« Mes chers enfants, j’ai le regret de vous annoncer que la héroïne actuelle, Priscila VI, sixième reine barbare de sa lignée, vient de succomber en marchant malencontreusement sur des pics meurtriers. Nous retiendrons d’elle son courage et sa détermination, ainsi que sa manie de détruire tous les objets qu’elle rencontrait. Elle nous manquera. Que Charon prenne soin de son âme. Le rituel de sélection du nouveau héros va donc bientôt commencer.
— Enfin ! C’est pas trop tôt. Ça fait trois heures qu’on nous fait poireauter dans ce taudis.
— Tais-toi Lancelot ! Et arrête d’exagérer… Bah du moment qu’on me garantit qu’aucun poulet ne hante le donjon, je suis prête à tout.
— C’est aps un dnojno, c’est un cataheu.
— Un peu de silence les enfants. Le grand esprit va maintenant désigner qui aura la noble tâche de perpétuer la lignée des aventuriers de la famille afin de nous apporter gloire et propérité. Je rappelle que l’objectif actuel est la destruction du grand Alexandre, un monstre impitoyable qui met du rose partout. Ce mauvais goût est im-par-do-nnable.
— Oui enfin nos ancêtres étaient des incapables finis. Kenny III le preux marchait la tête en bas, et Lisa VII ne voyait pas plus loin que le bout de son nez. Lamentable.
— Chut Lancelot ! Et puis tu oublies Charlotte II la chauve, qui a quand même occis le terrible Khidr. Moi j’espère que ma petite taille ne sera pas un handicap, snif.
— Ben mio ej vios totu en 2D alros bon…
— Du calme. C’est l’heure. Le curseur divin va apparaître et nous désigner l’heureux élu. Lancelot II, dit le ninja gay hypochondriaque, lève-toi ! Henrietta III, dite la spéléologue naine alektorophobe, avance donc ! Et toi, Johnny XII le géant dislexique à la vision 2D, montre-toi ! »
Le choix fut scellé et l’aventure continua ainsi, sans fin. Qui se souvient désormais de Johnny XII, l’élu qui ne dépassa pas la première salle du château ? Et c’est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée. Heureusement qu’il nous reste les tapisseries généalogiques pour sécher nos larmes.
— zenigata
Vos commentaires
lastbuzz # Le 22 juillet 2014 à 22:32
Je suis bien fan de ton texte zenigata :) Pour avoir passé plus de 100 heures sur ce jeu (et j’y joue toujours), j’ai beaucoup rigolé à sa lecture. Je ne comprends toujours pas comment certains peuvent sélectionner les persos qui se jouent tête en bas... Comme si le titre n’était pas assez dur...
zenigata # Le 22 juillet 2014 à 23:46
Merci d’avoir publié mon message ! Je pense que je vais prendre la fâcheuse manie d’écrire un court texte après chaque jeu fait... @lastbuzz : merci à toi, j’ai essayé une fois et ça m’a suffi... ce doit être la pire tare du jeu. D’ailleurs, pour les experts, j’ai mis une référence à Astérix dans mon texte. Au fait, psssst, mélancolie suffit là où mélancholie n’est que surenchère sulfureuse.
Laurent Braud # Le 23 juillet 2014 à 08:46
Corrigé ce gros anglicisme qui s’en va rejoindre "charactère".
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