Crusader Kings II, Bioshock Infinite, Proteus, Risk of Rain, The Wolf Among Us, Two Brothers
#Soldejam 1
Les soldes, c’est fini ou presque, mais la #Soldejam ne fait que commencer, avec une première sélection de six textes proposés par nos lecteurs. Au programme, du grotir sur Risk of Rain, un ramadan fatal avec Crusader Kings 2, et un petit caillou qui bloque Two Brothers. Et aussi un tour à la plage dans Bioschock Infinite, une balade sur l’île de Proteus, et un rien d’impuissance pour le Wolf Among Us.
Risk of Rain
Je lance la partie. Seul le commando est débloqué. Il fait trois pixels de haut. Un tir principal, un gros tir, un tir à la Rambo et une roulade. Un monstre. Je tire, puis je grotire et tire à la la Rambo. Il est mort.
Un monstre. Je tire, puis je grotire et tire à la la Rambo. Il est mort.
Deux monstres. Je tire, puis je grotire et tire à la la Rambo. Ils sont morts.
Trois monstres. Je tire, puis je grotire et tire à la la Rambo, puis tire et grotire.
Ils sont morts.
Quatre monstres. Je tire, puis je grotire et tire à la la Rambo, puis tire et grotire et roulade et tir à la Rambo. Ils sont morts.
Cinq monstres. Je tire, puis je grotire et tire à la la Rambo, puis tire et grotire et roulade et tir à la Rambo, puis grotire et roulade et tir à la Rambo. Ils sont morts.
Six monstres. Je cours.Je tire, puis je grotire et tire à la la Rambo. Je saute puis je cours et puis je tire et grotire et roulade et tir à la Rambo, puis je saute et cours puis je grotire et roulade et tir à la Rambo. Ils sont morts.
Dix-huit monstres. Je cours. Je suis mort.
J’ai joué vingt minutes, le fiston termine sa sieste. Parfait.
Risk of Rain, un rogue-like moderne, frénétique et en pixel art, idéal pour les papas en manque de temps.
Ps : Le jeu prend, en réalité, tout son sens avec les bonus que l’on peut accumuler.
- Darkee
Crusader Kings 2 : The Sword of Islam
Le plat de dattes est posé sur une table basse, à deux pas du tapis de prière. Mes ordres étaient pourtant clairs. Aucune victuaille dans la tente de commandement avant la rupture quotidienne du jeûne. Sans doute l’œuvre d’un serviteur étourdi. Ou de mon frère Abd Allah ben Muhammad, ce serpent des murailles, me murmure une voix intérieure. Il connaît mon amour déraisonné de la bonne chère ; toute preuve de ma faiblesse serait un atout décisif pour sa cause. Je chasse la goutte de sueur qui perle à mon front, et l’inquiétude me quitte soudain ; l’accalmie après l’averse. Je suis l’émir Al-Mundhir des Omeyyades ; une incartade ne suffira pas à m’éloigner du Très-Haut.
Ces fruits tendres et fondants me rappellent les dattiers de Cordoue. Les démons de la faim et de la nostalgie ont vite raison de ma conscience, et le plat est rapidement englouti. Ce péché me mortifie déjà, mais il est trop tard ; l’émir qui porte l’un des noms du Prophète (que la paix et le salut d’Allah soient sur lui), qui guide les croyants d’Al-Andalus, vient de trahir l’un des piliers de l’Islam. Je cache le plat à la hâte sous un coussin, sachant parfaitement qu’il sera remarqué et que la rumeur gagnera le peuple tôt ou tard. Mes sujets suivront mon exemple ; mes soldats m’insulteront dans mon dos. En ces temps de doute et de guere civile, la décadence d’une dynastie entière peu naître d’une datte dégustée avant la crépuscule.
Je sors de la tente pour humer l’air estival. Le soleil ne tardera pas à se coucher. Les remparts de Bobastro, taillés dans la roche d’une haute colline, dominent mon armée. Le rebelle Omar Ben Hafsun s’y est retranché avec sa horde hétéroclite : Andalous convertis, Berbères et chrétiens. La présence des infidèles est l’excuse qu’il me faut : toute guerre menée contre eux raffermi mon emprise sur les croyants, et chasse cette gangrène qu’est la décadence. Nous sommes en plein Safar*, funeste mois des épreuves, mais je ne peux me permettre d’attendre plus longtemps. J’appelle mon conseiller militaire et lui dit de préparer les hommes. Je mènerai l’assaut en personne.
Lorsque le sabre d’un assiégé me perce de part en part, la douleur est mêlée d’un étrange soulagement. Le glouton honteux que j’étais périt en héros. Je meurs sans héritier, est c’est là mon seul véritable regret. Il incombe désormais à mon damné frère de veiller sur les croyants d’Al-Andalus. Longue vie à Abd Allah ben Muhammad, calife des Omeyyades !
*13 juin 888
- JC
0 Brothers (Two Brothers)
Il se terrait dans l’angle mort de ma wishlist, aperçu un jour au sein d’un bundle caritatif : Two Brothers.
Quand Gaben demanda ses offrandes semestrielles, je cédai à ses sirènes pour le prix d’un café ou deux. Ma pièce dans l’écuelle d’Ackkstudios. Des promesses, trop de promesses, par ailleurs kickstartées voici cinq ou six soldes calendaires. Substitution du rétro-classique nes-snes par une alléchante esthétique gameboy. Mystic Quest, mal nommé, mais les souvenirs sont là. Et puis une aventure non linéaire, un monde dans le monde. La mort aurait fait partie du gameplay, disait-il, l’Au-delà étant un stage jouable, une possibilité de débattre avec les ennemis terrassés, et tout ça pour constituer une trame riche, sombre, mais poétique et fraternelle sur fond d’allusions obligatoires à la pop culture.
Un maître-étalon de l’audace dans le monde étriqué des Action-RPG Indé. Dans ta face, Anodyne. La réclame était belle, mais l’expérience apprend la prudence.
Sans doute aurait-il fallu que la présence d’une manette Xbox logiquement substituée à un Qwerty bien lourdaud ne me projette pas dans une map de test, immense, aux obstacles mous, à la transparence aléatoire et au chaos généralisé.
Y-étais-je déjà, dans cet Au-delà tant vanté ? Quelques minutes d’errance, pénible.
Injouable pour injouable, deuxième tentative, au clavier.
Mais malgré deux tours d’un tutoriel obscur, me voilà irrémédiablement bloqué par un premier obstacle : un petit caillou. Je suis en sécurité, oui, mais coincé pour toujours sur cet écran de démarrage, triste rappel de la condition du fonctionnaire, las sous le parapluie de la sécurité doublé au plomb du quotidien. C’est qu’on m’avait vendu, dans mon escapade hors des clous, des téléporteurs vers le paradis et des poissons géants.
La mort fait partie de la vie, mais ma partie ne me laissera pas profiter de la partie de la mort.
Il ne me reste plus qu’à rentrer dans mon propre sac à dos, étrange featurette à la Judo-Boy qui, soi-dit en passant, ne fonctionne pas passé le tuto.
Au revoir, Two Brothers., jeu d’aventure sans aventure.
Désinstallé, tu garderas ton mystère.
- Zali L Falcam
Bioshock Infinite
Quelle heure peut-il bien être ? Le soleil n’a pas l’air bien haut. La nuit ne saurait se faire attendre. Le vent souffle assez fort, il fait s’envoler les grains de sable en volutes agressives. Cela n’a pas vraiment l’air de déranger les promeneurs. La plage n’est ni bondée, ni vide. Il y a juste ce qu’il faut d’espace libre pour que les mouettes et les goélands puissent boulotter tranquillement, à l’ombre d’une étrange roulotte, leurs trouvailles comestibles.
Quelle heure peut-il bien être ? Les gens ne semblent pas pressés du tout. Très peu se baignent, pourtant la mer est atrocement calme et les nuages généreusement rares. La plupart se laissent aller à rêvasser sous leurs parasols ou sur leurs serviettes de plage dont la superficie ne cesse de m’étonner. Quelques uns s’adonnent à des mouvement de gymnastique un brin désuet. D’autres se font photographier en prenant des poses ridicules.
Quelle heure peut-il bien être ? Il n’y a aucun bruit extérieur à la plage excepté une séduisante musique minimaliste. Pas de bruit provenant de la ville, pas de bruit provenant du ciel,.. Juste la fête. Rien que la fête. Comme si le monde au delà de ce bord de mer n’existait plus... Les musiciens jouent tout au bout d’une minuscule jetée. Je distingue malaisément un violoniste. Plus sûrement un pianiste. Et une kyrielle de danseurs.
Quelle heure peut-il bien être ? Oh, et puis on s’en moque. J’attrape une barbe à papa sur l’étal d’un marchand et d’un bond je rejoins les danseurs. Ils sont une dizaine. Ce sont des baigneurs. Tous en maillot de bain. Ils sautent, ils dansent, ils rient... Au milieu d’eux, une femme attire tous les regards. Son corsage blanc et sa jupe bleue l’isolent au milieu de cette singulière société. Elle a l’air heureuse autant qu’insouciante. Elle tourne, tourne, tourne... Il faudrait que je lui parle, il faudrait que je dérange Elizabeth...
- Wimp
Proteus
Aujourd’hui, je me suis levé de bonne heure. Pourtant j’ai fait la fête hier, mais la chaleur de ce mois de juin ainsi les moustaches chatouilleuses de mon chat ne semblent pas vouloir laisser mon organisme récupérer.
Vaillant, je pose la cafetière sur le feu et part pour la douche. Sec et à peu près rafraîchi, mon cerveau s’illumine à la pensée de la poignée de jeux soldés aujourd’hui. Par compassion pour mon banquier, j’opte pour l’un des moins cher et le plus énigmatique.
Le temps de finir mon café et me voilà dans le menu. La musique est planante, les couleurs chatoyantes. Ces pixels, ces sons un peu glitchés, ça me rappelle Fez. Je me laisse tenter, je clique sur l’île comme on me le conseille. Je me réveille quarante minutes plus tard, en baîllant. Ai-je rêvé ? Je me souviens d’un paysage vallonné, d’un décor psychédélique, de silhouettes étranges, de hululements mélodiques… Je commence à me demander si quelqu’un n’a pas glissé une "friandise" dans ma boisson hier soir… Moi qui, contre toute attente, était si bien réveillé, me voilà somnolent et les paupières lourdes.
Proteus a la faculté de tenir éveillé mais d’endormir aussi. J’aime beaucoup l’exploration, surtout dans des paysages générés aléatoirement, remplis de créatures et de phénomènes pittoresques. Comme Minecraft l’a fait avant, Proteus m’a gardé. Sur son île, sans rien me dire, en me montrant peu de choses mais en me laissant imaginer le reste. A chaque rencontre, j’avais envie d’aller plus loin.
Alors j’ai marché, ou plutôt nagé, à la recherche d’un autre paradis comme celui-ci, pour y découvrir de nouvelles choses. Mais il n’y avait rien d’autre que l’étendue bleue et les étoiles filantes pleuvant par dizaines au dessus de moi. J’ai fermé les yeux. Le rêve était terminé.
- bavenhur
The Wolf Among Us
Criblé de balles par les frères Dum, désossé par Bloody Mary, sauvé par Blanche Neige, le grand méchant loup s’écroule. Et nous, braves joueurs, que pouvions nous faire ? Pas grand chose à part marteler un bouton, déplacer un curseur ou avancer, mollement.
Resserrant notre marge de manœuvre, les développeurs intensifient ce drame pour proposer une belle tranche de narration, guindée mais habile. L’histoire poursuit sa course, ménage au joueur la place de l’impuissant, celui qui subit la puissance d’un mal qui le dépasse.
La lutte est perdue d’avance et ces QTE pourraient exprimer la fatalité s’ils n’étaient pas contredit par la formule Telltale. Tous les affrontements se ressemblent, marteler un bouton pour repousser, presser l’autre bouton pour esquiver, choisir : gauche/droite, assommer l’adversaire à coup de statue/enclume... Répétant les mêmes mécaniques, l’équipe fait mine de ne pas voir de différences entre le brave Lee, américain moyen sans pouvoirs, et Bigby, créature surnaturelle aux transformations impressionnantes. Avec Lee, le QTE est ce réflexe simple mais douloureux, action primaire d’un homme sans exception ni super combos. Lee n’a pas grande marge de maneuvre, son gameplay se doit d’être homogène. Il ne devrait pas en être de même avec Bigby, ce loup est double, partagé entre sa nature de monstre mangeur d’enfants et sa volonté présente d’oeuvrer pour la communauté.
Pourquoi ne pas assouplir la jouabilité, la modeler selon la psyché de l’avatar ? Réponse évidente et louable, élargir le public vidéoludique en s’armant de contrôles simple ne peut heurter une industrie encore trop fermée. Mais gagner une nouvelle audience c’est peut être larguer certains codes. Le super sauvage n’a pas sa place dans ces jeux à la jouabilité minimaliste, où le quart de cercle n’est plus qu’un lointain souvenir. Rangez vos guerriers et rachetez nous des bras cassés... Ou un stick arcade.
- Antoine Herren
Vos commentaires
JC # Le 1er juillet 2014 à 16:18
Merci d’avoir publié ma fanfiction spécial Ramadan, et désolé aux spécialistes pour toute erreur historique ou culturelle ! (Merci aussi d’avoir corrigé les fautes d’étourderie, j’ai honte). Très amusant comme exercice.
miaa # Le 1er juillet 2014 à 23:21
Merci d’avoir publié sa falsification historique...avec ça, allez ensuite brandir l’étendard "éducation du peuple"...
JC # Le 2 juillet 2014 à 09:11
(Je précise que CK 2 est uchronique nature et que j’ai reproduis ses mécaniques de jeu ; pas de place pour l’authenticité donc)
JC # Le 2 juillet 2014 à 09:26
Uchronique *par* nature...
Grgrrn # Le 2 juillet 2014 à 11:09
Très chouettes articles !
(Celui de Bioshock parvient à me donner la nostalgie d’un titre complètement stérile d’un point de vue scénar et gameplay, chapeau...)
Martin Lefebvre # Le 2 juillet 2014 à 11:12
Il faut avouer que le passage sur la plage est plutôt réussi. :)
Wimp # Le 2 juillet 2014 à 11:50
Merci pour la publication et pour les compliments, c’est bien trop d’honneur. Je suis content que ça vous plaise. En tout cas, j’aime beaucoup l’idée de ce Soldejam. J’espère qu’il y en aura d’autres et j’espère aussi avoir l’occasion de vous envoyer d’autres textes.
Perso, j’ai bien aimé celui sur Risk of Rain.
(Pour ce qui est de Bioshock, par contre, je ne l’ai pas encore terminé mais j’ai très peur d’être de plus en plus déçu et frustré.)
Darkee # Le 2 juillet 2014 à 22:57
Merci d’avoir publié mon résumé de Risk of Rain ^^
Je suis désolé, j’ai oublié de filer des photos (alors que j’en fais toujours. C’est con mais ça m’amuse de retracer mes aventures vidéoludiques grâce aux images sur Steam).
Sinon, on peut envoyer jusqu’à quand des textes ?
Martin Lefebvre # Le 3 juillet 2014 à 00:33
On va s’arrêter vers le 15, disons. :)
sammyfisherjr # Le 3 juillet 2014 à 09:41
Bravo pour Risk of rain, CK2 et Bioshock, très bien écrits. Vivement la suite !
Bookernail # Le 3 juillet 2014 à 14:26
Bioshock, c’est du caca.
Darkee # Le 3 juillet 2014 à 18:10
sammyfisherjr : Merci, mais j’ai juste improvisé en cinq minutes (même si mon texte représente effectivement l’essence du jeu). Les autres ont bien plus de mérite :)
@Badalssim # Le 10 juillet 2014 à 12:55
Bravo pour cette initiative de la part de Merlanfrit, c’est une super idée et les textes sélectionnés sont vraiment cool. Hâte de voir la suite !
Dans un autre style je vous partage un tumblr que j’ai lancé il y a peu de temps et qui pourrait plus ou moins rentrer dans le présent délire : http://poemingame.tumblr.com/
En gros ce sont de très courts poèmes - un peu à la manière de haïkus mais en beaucoup moins rigoureux - relatant des moments vécus dans des jeux vidéo. Et ils sont accompagnés d’un screenshot relativement précis du moment évoqué.
Bref, c’est des petits bouts de souvenirs vidéoludiques qui rendront probablement nostalgiques ceux qui ont joué aux jeux en question. C’est collaboratif donc hésitez pas à proposer des contributions si vous appréciez le concept :)
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