11. Revue de pêche

Revue de presse #1

Le poisson c’est peut-être excellent, mais par chance il n’y a pas que le Merlan dans l’océan du web vidéoludique. Quels sont les articles à ne pas rater en novembre ? Petite et partielle tournée de web. Avec ce mois-ci Grospixels, Uncharted 3 = 4, les "changeurs de jeu", et l’inévitable Skyrim.

Web francophone

Rendons hommage aux vétérans du web vidéoludique indépendant : depuis plus de dix ans Grospixels est le rendez-vous du rétro-gaming francophone, et loin de s’endormir sur ses lauriers le site produit toujours du contenu de grande qualité. En témoigne un papier fleuve de Laurent Roucairol consacré à Oblivion, "gigantesque machine à jouer", que la sortie de Skyrim ne condamne pas pour autant à l’obsolescence. Obsolète, il faut bien reconnaître que le N-Gage de Nokia l’est totalement. Cela n’empêche pas notre camarade David Barbosa de célébrer l’ancêtre de l’iPhone, qui n’est pas qu’une "grossière anomalie commercialisée à l’improviste", mais qui par delà son incongruité (le fameux side-talking) propose quelques jeux étonnants, comme High Seize et sa stratégie au tour par tour, le FPS Ashen, ou le Commandos-like Pathway To Glory. Enfin, le site lance ce mois-ci sa radio rétro, la Grosradio, qui propose une sélection de pistes tirées de classiques vidéoludiques.

Le journalisme vidéoludique se porte mal ? Pas si sûr quand on lit sur Gamekult l’article consacré par Yukishiro aux difficultés d’embauche que rencontrent les aspirants développeurs français : les juniors, candidats non grata ? Documenté, l’article a provoqué beaucoup de réactions, et permis de lancer un débat sur les problèmes de la formation proposée par les écoles de jeu vidéo, mais aussi sur l’avenir du développement en France à l’heure de la mondialisation. Les jeunes doivent-ils se résigner à l’exil ou à développer des jeux casuals s’ils veulent poursuivre leur vocation ?

Toujours sur Gamekult, Boulapoire, avec qui je discutais du sujet pas plus tard que la semaine dernière, s’est lancé dans l’exercice de la revue du web vidéoludique, qu’il promet de tenir chaque quinzaine. Son blog Nomad Soul est donc à bookmarker, et un concurrent de taille, sur les pieds duquel j’espère ne pas trop marcher.

Sur Gamersepicerie, Mathieu Triclot défend Heavy Rain dans un plaidoyer convaincant qui s’il reconnaît l’échec narratif du jeu, n’en célèbre pas moins le courage d’aller "à rebrouse-pente".

Bien sûr qu’Heavy Rain échoue. Qu’il n’est pas ce cinéma interactif, ce jeu vidéo rehaussé par les émotions du cinéma, qu’il prétend être. Qu’il ne retrouve jamais les frissons du jeu de l’enfance, que la balancelle ne provoque plus aucun vertige. Que la chaleur et la sensibilité de la vie, la plus quotidienne, toujours lui échappe. Bien sûr qu’il échoue. Il ne pouvait pas en être autrement. Mais dans cet échec, il touche du doigt les déterminants essentiels du médium. Il les remet en jeu.

Sur Barredevie, on retiendra surtout la réflexion que consacre Gautoz à la suspension d’incrédulité. Le contrat entre le joueur et le jeu est-il "à durée déterminée" ? Il s’agit surtout pour le joueur de faire un choix, "le choix de croire aveuglément ou le choix de chercher la petite bête".

Ivy ou l’inflation mammaire

Jeu et société

Enfin, on réfléchit aussi au jeu vidéo en dehors des sites qui y sont pleinement consacrés. En témoigne cet article que publie sur son blog Une heure de peine le sociologue Denis Colombi, qui s’intéresse à l’image de la femme que nous renvoient les jeux. Partant de "l’inflation poitrinaire" de certaines héroïnes (Ivy de Soul Calibur en tête), Colombi arrive à une conclusion plus nuancée qu’on pourrait s’y attendre : "les joueurs, loin d’être les consommateurs passifs d’une imagerie venus d’en haut, y contribuent activement."

Sur Numerama, Julien L. résume la polémique vaseuse de la semaine concernant la violence des jeux vidéo : « Oui, le meurtrier (présumé) d’Agnès jouait aux jeux vidéo comme la plupart des jeunes ».

Web anglophone

Uncharted 3 = 4

La polémique du mois est à mettre sur le compte de Tom Chick, créateur de Quartertothree, peut-être le meilleur forum vidéoludique américain. Mr. Chick est aussi depuis des années un des pigistes les plus libres de l’industrie. Auteur il y a des années d’une critique très négative à l’encontre de Deus Ex qu’il traîne aujourd’hui encore comme un fardeau (lire son entretien avec Kieron Gillen de RPS en 2010), le journaliste remet ça, sans doute avec plus de pertinence, à propos d’Uncharted 3, qu’il critique sur Honestgamers : "as an overall package, Uncharted 3 is mostly filler without gameplay. It’s the modern equivalent of those full motion video games folks made back in the 90s when new CD-ROMs afforded all that storage space." Le tout accompagné d’un cinglant 4/10. Tom Chick ne manque ni de mordant ni d’humour, en témoigne son récent papier sur Kirby’s Return to Dream Land qui célèbre la mauvaise attitude du mignon mais agressif blob rose. Quoiqu’il en soit, les fans de Naughty Dog n’ont pas manqué de mordre, comme on pouvait s’y attendre, mais Honestgamer a reçu le soutien de Steve Perry, qui sur Gkick défend l’intérêt des critiques à rebrousse-poil, qui ont le mérite d’apporter un éclairage différent : on peut être subjectif tout en restant honnête.

Peut-on être honnête en prêchant pour sa paroisse ? Sur Gamespot.uk Brendan Sinclair révèle que des employés de TellTale ont eu la discutable idée de publier sur Metacritic des avis très élogieux sur leur dernière production, Jurassic Park, qui semble pourtant loin de faire l’unanimité.

Changer le jeu

Moins controversé, The Binding of Isaac, le dernier jeu d’Edmund McMillen (Super Meat Boy) fait les délices des amateurs d’action et de rogue-likes. Le développeur est interviewé par les podcasteurs de Roguelike Radio.

Sur Gamasutra, l’excellent Brandon Sheffield fait une liste des 20 "Game Changers", ces personnes ou ces projets qui ont fait évoluer le paysage vidéoludique récent : on y croise Mojang, l’Humble Indie Bundle, mais aussi Zynga, Steam et l’iOS ou la Cour Suprême américaine !

A propos de changer le jeu, le gourou du RPG vieille école, Jeff Vogel, nous parle sur son blog The Bottom Feeder des mérites de l’obstination. C’est peut-être là que se joue la capacité des développeurs indépendants à proposer des innovations. Alors que les grosses entreprises brûlent leurs jeunes à force de crunch, les bedroom coders ont le temps, et même le devoir de se tromper : avant Braid ou Minecraft, on oublie trop souvent que Jonathan Blow et Markus Persson se sont faits les dents sur des projets beaucoup moins aboutis.

Le changement n’est pas toujours synonyme de progrès. RPS donne une tribune à Craig Lager, qui se demande si l’emphase mise sur le spectacle ne risque pas de prendre le pas sur la consistance interne de leur univers. Les jeux sont plus beaux, mais semblent de plus en plus ignorer les actions du joueur.

In my version of Human Revolution, the police station should be surrounded. There should be SWAT teams, negotiators, probably even an evacuation zone. Adam Jensen’s face should be being projected from every single screen that litters Detroit’s streets as Eliza explains him as being a more-than-prime-suspect in a new, horiffic incident. An hour ago, she would explain, Jensen asked for access to the police morgue and was declined. Now the back door has been broken into, and a path of corpses and hacked computers lead to the morgue in which a body has been clearly tampered with. Instead, Jensen walks into the main lobby and is greeted with “Hello”.

Le bord du ciel

Skyrim a bien entendu fait la une ce mois-ci. Difficile de s’y retrouver tant le jeu a inspiré le web, mais tentons néanmoins une sélection de papiers à lire.

Commençons par Lydia, la laconique guerrière qui accompagne le personnage au début de la quête principale. De manière assez étonnante, qu’il faudrait explorer, ce personnage est rapidement en train de devenir culte, objet pour les joueurs d’une appropriation, mais aussi source de culpabilité, puisque généralement c’est elle qui prend tous les coups et porte les plus lourds fardeaux. John Walker de Rockpapershotgun pète un câble et lui consacre une chanson :

« Oh Lydia, oh Lydia Now have you met Lydia ? Lydia the uuuuuuuseless companion »

Une semaine plus tard, le journaliste nous parle de la mort de Lydia.

At this point my wife, Laura, has walked in, and she’s watching me waving a dead body in its bra and knickers, legs hideously splayed, around a mountain. “Is that Lydia ?” she asks. She knew the name because my disappearing to play some Skyrim had become known as, “I’m just off to see Lydia.” And she knew Lydia had died because I’d previously wailed down the stairs, “Lydia’s dead !” She told me to take a screenshot while she changed into something black. She is sarcastic, and doesn’t care about Lydia.

“Why is she in her bra and pants ?”

“Because I needed her armour.”

“Right.”

Sur Quartertothree Tom Chick a quant à lui perdu Lydia. Ce n’est pas un euphémisme pour dire qu’elle s’est fait croquer par un dragon, il n’arrive plus à la retrouver, et la soupçonne d’avoir fugué, de s’être carapatée avec tout le loot.

Unfortunately, Lydia apparently doesn’t live to share my burden. I told her to wait while I ran ahead in a dungeon to test a scroll that causes area damage. When I went back, she was gone. She had taken the sword, about a dozen dragon bones, and various and sundry heavy goods that I didn’t want to carry, being that I’m a willowy mage type.

Sur Kotaku, Kirk Hamilton nous explique pourquoi en jouant au jeu de Bethesda il a l’impression de se disperser, et se retrouve incapable d’avancer dans le jeu.

I fear for the people of Skyrim—the Gods have given them a savior with kitty-cat memory, a guy who is just as likely to valiantly Climb the Mountain and Fight the Dragon as he is to forget why he came to this town and spend a few hours looking in storefronts.

Toujours sur Kotaku, Tim Rogers évoque sous forme de liste les défauts du jeu : "10 Thing I Hate About Skyrim". Evidemment, malgré la forme ultra-convenue, il faut s’attendre comme d’habitude avec le fondateur d’Actionbutton à un mélange de fulgurances et de digressions personnelles aussi amusantes qu’irritantes. En bonus cette fois-ci, des dessins

Dead End Thrills nous envoie ses photos de voyage à Skyrim

On termine en images avec l’excellent blog Dead End Thrills, sur lequel Duncan Harris publie ses photos de voyages vidéoludique. Le journaliste consacre une large place à Skyrim, et ses captures d’écran sont tout bonnement superbes, qu’on aime ou pas le dernier jeu de Bethesda.

Copinage

Bikini Sandwich est un tout nouveau webzine humoristique consacré au jeu vidéo. Basé sur le modèle du "payez ce que vous voulez", l’expérience est prometteuse. Le numéro zéro est consacré aux Westerns vidéoludiques, un genre trop rare encore malgré le succès de Red Dead Redemption, et le suivant consacré au sexe devrait sortir d’ici la fin du mois. La belle maquette est signée Vincent Montagnana, un ami de la maison et de Pasolini, et vous retrouverez des articles du sémillant Pierre Corbinais, qui sévit d’ordinaire sur l’Oujevipo et Merlanfrit.

Il y a 4 Messages de forum pour "Revue de presse #1"
  • dim Le 26 novembre 2011 à 16:42

    Salut
    Je m’étais penché sur le cas de Lydia comme tous les joueurs après l’avoir perdue... je suis tombé sur le forum de jeuvideo.com qui m’a bien fait rire.

    J’ai fait un petit récapitulatif de certains messages :

    Moi elle est morte sous les coups d’un troll des neiges.
    Moi elle est morte empalée par une grille que j’ai activé au mauvais moment…
    Dommage, je l’aimais bien, elle et sa capacité à porter tout mes objets.
    Elle a fini litteralement en poussiére violette !
    On a eu un petit accident pyrotechnique pendant un donjon…
    Elle a fait un gros vol plané…
    Elle vient de faire un voyage dans l’espace ! Merci les géants !
    Une flèche assez mal cadrée…
    J’avais faim, alors je l’ai bouffée.
    HEADSHOT… sur Lydia. Depuis je n’ose plus utiliser mon arc, je m’en veux tellement !
    Elle a malencontreusement trébuché sur ma boule de feu.
    Je lui ai fait peur en me transformant en loup-garou et depuis je ne l’ai plus retrouvée.

    Lydia passion…

  • Pierrec Le 27 novembre 2011 à 12:12

    Merci pour ce petit florilège dim. Tout en étant très amusant, il prouve que Skyrim n’a vraiment pas manqué son coup sur ce point.

  • Nano Le 27 novembre 2011 à 13:31

    Merci les merlants. Excellente initiative cette revue du Web :)

  • Jaunmakenro Le 5 décembre 2011 à 13:03

    Wait !

    FatMat = Mathieu Triclot !!!!

    Vous venez de bouleverser ma conception de la vie la !

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