12. Poisson frais

Dark Souls

Pride & Prejudice & Dark Souls

"Chère Amélia, vous nous manquez ici terriblement. Ces quelques mots, j’espère, saurons vous réchauffer et vous permettre de parler. Les jours passent et votre silence pèse sur mon cœur de mère qui a vu sa fille dépérir. Nous pensons forts à vous..."

Chère mère,

Je vous écris depuis ma retraite dans les montagnes où je prends l’air frais. Le panorama est ici formidable, vous devriez me voir passer mes journées à lire ces auteurs que vous chérissez tant, allongée sur mon fauteuil, une petite couverture de laine épaisse sur les genoux, une infusion à portée de main. Je me languis d’avoir des nouvelles de mes frères et de mes sœurs, ainsi que de votre santé. Je sais aussi que votre courrier avait un but bien précis et je vais donc m’ouvrir à vous comme j’aurais dû le faire à l’époque de ma "crise".

"Chaque pas vers lui faisait l’effet d’une montagne à gravir. Une montagne de plus en plus abrupte et escarpée."

Raisons

Il y a plusieurs mois, lors de mon voyage chez ma chère grand-tante, j’ai fait la connaissance d’un jeune homme qui répondait au fier prénom de Demon’s, aîné de la branche des Souls, qui sont comme vous le savez cousins des King’s Field, qui vivent près de chez votre sœur. Même s’il portait à merveille sa tenue de soldat en permission, il n’était pas le plus beau des hommes (et si un jour vous le croisiez, je sais que vous serez de mon avis), mais j’ai senti mon cœur se figer lorsque mes yeux se sont posés sur lui. Grand-tante a eu beau me prévenir de ses excès et de son caractère difficile, j’ai cru que je pouvais y arriver. Je ne pense pas vous l’avoir déjà dit mais votre tante est une femme formidable, et terriblement perspicace. Au bout de quelques jours de confidences et de lettres parfumées, j’ai dû me rendre à l’évidence que ce Demon n’était pas fait pour mon cœur fragile ; il y avait chez lui une âpreté qui ne sied ni à ma sensibilité, ni à mes goûts.

Mais voilà, si ma raison s’est détournée de lui, mon cœur a continué à songer à ses mérites. J’ai tout fait pour taire ces sentiments inavouables, même à vous, mais je n’ai pu les éteindre tout à fait. Quelques mois plus tard, j’ai croisé par le plus grand des hasards une autre jeune personne dont les traits me frappèrent immédiatement par leur familiarité. Il s’appelait Dark et je vous laisse, mère, deviner son nom de famille. Autour de moi, régnait une excitation palpable, toutes les filles à marier regardaient avec envie ce jeune seigneur au front renfrogné, et je ne voulais pas laisser passer ma chance ; vous savez comme sont les jeunes femmes de nos jours, elles font la chasse au meilleur parti comme s’il s’agissait d’un cerf majestueux. J’ai donc participé à la battue et je lui ai offert mon cœur. Et vous le savez, quand je le donne en cadeau, je le fais tout entier, comme on me l’a toujours appris. J’étais confiante, candidement persuadée d’être la plus belle et convaincue que ma dot faisait de moi un parti plus qu’enviable.

"Il sentait la lavande et l’eau fraîche, c’est ainsi que les soldats lavaient le sang de leurs corps épuisés d’une trop longue bataille."

Mère, j’ai tant souffert. J’ai tant pleuré. J’ai tant ragé. Vous connaissez ma détermination lorsqu’il s’agit de cœur, d’amour et de sentiments, mais vous connaissez cette intolérance excessive pour l’injustice sous toutes ses formes qui me caractérise. Il y a eu dans les premiers instants avec Dark Souls (écrire son nom, mère, est une douleur de chaque instant ; les larmes me montent aux yeux) des surprises, des étonnements. Il parlait peu mais son silence en disait long sur la morale hautaine et glacée. Il faut apprendre à mourir, la mort est notre raison d’être. La marmaille impudente doit être dressée à coups de martinet…

Ce sont ses mots, mère. Oh ! Bien sûr ils n’ont pas été dits à haute voix mais je les ai lus dans ses yeux. Il était ténébreux et plein de mystère, il me poussait à me dépasser dans mes actes et mes pensées mais ce n’était pas pour m’améliorer mais pour me rabaisser, par moquerie. A chaque fois, la chute était de plus en plus douloureuse, la blessure davantage ouverte. Je tentais d’obtenir de lui certains égards, mais ses mépris se dressaient devant moi comme un sanglier en armure ; lorsque j’eus terrassé son premier mouvement de rejet, il n’offrit rien d’autre à mon frêle cœur qu’une nouvelle mort, encore plus sanglante et humiliante.

"Même s’il était plaisant, son apparence m’importait peu."

Sentiments

Tout était ainsi avec Dark. Il se révélait si intransigeant qu’il ne me laissait jamais le droit à l’erreur ; il punissait la plus petite hésitation d’une brimade. Il y avait chez lui quelque chose de déplaisant, comme si personne n’était finalement le bienvenue à ses côtés. Même ce que je pensais acquis, les petites victoires d’hier, tout était sans cesse remis sur le tapis, rediscuté, rejeté, sans lendemain.

Rien n’avançait et je stagnais, obsédée par ses promesses charmantes et par la compétition qui s’opérait entre nous. Mais évidemment, il avait toujours le dernier mot. Tout cela faisait le bonheur mesquin des autres jeunes filles, qui ne manquaient pas de m’observer d’un regard narquois. Chaque pas en arrière me valait une pluie de railleries, des moqueries, des insultes même. Je n’étais rien. J’étais faible, tout juste bonne à coudre en silence, au pied de la cheminée de Firelink Shrine. Non seulement j’étais incapable d’obtenir ce que je désirais, mais en plus je devais vivre avec ce voile de honte, ce fardeau sur les épaules.

"Le regarder dans les yeux et vous vous évanouissiez. Il devait s’agir d’un astucieux mélange de peur et de beauté ; de ce fait, personne ne pouvait résister."

Il était donc normal que je craquasse ! Je sais que les frères Soul sont deux beaux jeunes hommes pleins d’avenir, et que leur patronyme les promet à une vie riche et remplie d’enfants. Leurs allures de jeunes lions seront copiées ici et même à la capitale. En attendant, j’ai abandonné, j’ai déçu tous les espoirs que vous-même et père aviez mis en moi. Je me sens comme une paria et même si je sais que vous m’aimez toujours comme une mère aime sa fille aînée, je vis dans la honte éternelle de notre rang à jamais bafoué par tant de froideur. Je ne serai jamais cette enfant qui fait un éclatant mariage d’amour, mais je devrais me contenter de vivre raisonnablement auprès d’un de mes prétendants... Peut-être le chevalier de Petz, Sir Kinectimals ou bien l’obèse comte Skyrim, propriétaire d’Elder Scrolls, âgé mais généreux.

Je dois vous quitter, mère, mon infusion refroidit et je ne veux pas que les infirmières s’inquiètent. Avec tout l’amour d’une fille au cœur brisé à sa mère, au revoir.

Il y a 4 Messages de forum pour "Pride & Prejudice & Dark Souls"
  • Martin Lefebvre Le 24 novembre 2011 à 12:34

    Ma bien chère cousine,

    ici, à New Londo, la saison bat son plein. C’est une véritable invasion, tous les jeunes hommes à la mode sont assemblés et chassent hardiment les mots d’esprit. Je m’amuse comme une petite folle dans ma nouvelle robe lacée d’or, mais cela ne m’empêche pas de penser à ma bien aimée cousine. Vous étiez bien pâle la dernière fois que je vous ai vue, pensive sur votre ouvrage, peinant à vous réchauffer dans le vieux manoir de Firelink.

    J’espère que l’air des montagnes vous fait du bien, je connais votre santé fragile et votre sensibilité si fine qu’elle se brise devant le moindre obstacle. Vous me connaissez, je suis malheureusement dénuée de cette profondeur qui fait tout votre charme de jeune fille sérieuse, et c’est bête, je ne peux pas m’empêcher de prendre du bon temps. J’espère que votre gravité ne jugera pas mal de ma vivacité. Après tout quelques jeunes hommes assez distingués ont eu l’air de ne pas la trouver trop déplaisante.

    Vous souvenez-vous du jeune Dark Souls, ce jeune gentleman dont vous estimiez l’amitié cet automne ? Figurez-vous que je l’ai rencontré au bal de Lord Ornstein. Je me suis empressé de lui demander s’il avait des nouvelles de vous, mais il a eu l’air de vouloir éviter le sujet. J’ai d’abord cru qu’il agissait par délicatesse, n’osant ouvrir son âme à une parfaite inconnue, et qu’il comptait parmi vos conquêtes, un amoureux délaissé de plus que vous auriez laissé brisé parce qu’il ne vous valait pas. Cherchant à le consoler d’une perte si irréparable, je n’ai pas insisté sur la question. Votre Priscilla apprend les usages du monde, voyez-vous cela. Nous avons parlé d’autre chose, des heures durant, joutant verbalement tandis que le bal se poursuivait. A ma grande surprise, j’ai compris qu’il n’avait d’yeux que pour moi, moi la pauvre, l’ingénue Priscilla. Certes, j’ai retrouvé ce caractère cassant que vous lui reprochiez tant, ces emportements, cette fougue qui ne correspondait pas à votre sensibilité exacerbée. Mais je suis fait d’un autre bois, si je n’ai pas la finesse de votre esprit, je sais ce que je veux.

    Je l’ai souvent recroisé, à Anor Londo ou chez le duc de Seath, et à mesure que j’ai appris à le connaître, que je me suis renseigné sur ses goûts particuliers auprès de Sir Epicnamebro, je n’en ai que plus apprécié ses petites attentions, les cadeaux qu’il me faisait pour se faire pardonner des piques plus attendrissantes que méchantes. Qui aime bien châtie bien.

    Le temps presse, je dois conclure cette trop longue missive. Il m’attend pour m’emmener chez ses parents à Kiln of the First Flame. Vous n’allez pas y croire, nous sommes fiancés, et bientôt nous allons nous marier. La petite Priscilla, si légère, si inconséquente, épouser un si grave et si important homme ? Je suis sûr que vous en seriez bouleversée si vous ne pensiez pas à de plus importantes choses, là haut sur vos montagnes.

    Souhaitez-moi bonne chance. J’espère sincèrement que vous allez vous remettre des noires idées qui pèsent sur votre sante. Lorsque nous nous reverrons — et vous viendrez nous voir, n’est-ce pas, on dit que la demeure familiale des Souls est tellement romantique ? — je serais une femme mariée, mais je resterais à jamais votre dévouée,

    Priscilla

    PS : le comte de Skyrim m’a demandé de vos nouvelles, ce brave vieux gentleman est toujours aussi épais, il tousse entre chaque phrase, mais on dit qu’il est riche à millions. Je suis certaine qu’il n’est pas insensible à vos mérites, comme je vous envie.

  • Anthony Jauneaud Le 24 novembre 2011 à 14:37

    Douce Priscilla,
    J’ai été très touchée par vos précédents courriers et je regrette encore tristement votre absence à mon mariage. Vous auriez dû me voir, portant le blanc comme au premier jour de mon adolescence, dévalant les plaines herbeuses de Enroth, heureuse, ma mère à mon bras, rayonnante de cette joie que seules les mères savent communiquer. Elle vit avec nous désormais, à Elder Scrolls ; nous avons été obligé de vendre notre demeure à la mort de père.
    Je suis heureuse de voir que vous vivez toujours comme il faut : avec passion et avec légèreté. Vous êtes fait d’un autre bois que le mien et c’est sans doute pour cela que je vous aime. Vous n’eûtes pas été ma cousine que j’aurais forcé mes parents à vous adopter pour que nous puissions partager comme nous le faisons aujourd’hui.

    Je suis heureuse, ici à Elder Scrolls et le comte et moi nous entendons bien. Il est si amusant de voir comment les hommes sont aussi doués que les femmes pour masquer leurs défauts ! Nous avons le maquillage mais ils ont les apparats du soldat ou du chasseur. Bien évidemment, la liesse du mariage passée, j’ai découvert un homme légèrement différent et empreint d’une certaine lourdeur d’esprit qui ne fait que me rappeler notre différence d’âge.
    Parfois — mais cela ne dure qu’un instant, ne vous souciez pas de moi ma chère — je pense à ce que j’aurais pu vivre avec votre moitié et je ne regrette rien car je sais que vous êtes faits l’un pour l’autre. Moi, j’ai besoin d’être aimée, d’être regardée. Quel narcissisme ! Je me rends compte de ma faiblesse d’esprit en écrivant ici ces quelques pensées secrètes.

    Je vous embrasse et j’espère vous voir le plus vite possible à Elder Scrolls, il y a quantité de rencontres à faire et d’histoires à écouter !

    Bien à vous,

    Amélia.

  • Sachka Le 29 novembre 2011 à 20:07

    Votre grand-tante Margaret de Londres, a également couché quelques confidences sur le sujet dans son journal intime : http://www.gamasutra.com/view/featu...

  • Martin Lefebvre Le 30 novembre 2011 à 09:19

    Ah Margaret, chère vieille lady ! Comme le notait en cryptogrammes dans son testament le duc de Leet, ce grand occultiste, maître de l’ordre maçonnique du Pââd : L2Pn00b.

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