VVVVVV

Potential for Anything

Lundi matin 8 h15, je suis en retard. Le métro est un long couloir flouté de néons, qui se tord au gré des tunnels. Les Parisiens vont au travail : les rasés de près et les barbus, les jupes d’été et les joggings, les costumes en tergal et les pulls fatigués. Décoiffé et les yeux dans le vague, je me laisse bercer sur mon strapontin, juste assez cramponné à la veille pour compter mécaniquement les stations qui me séparent de la prochaine correspondance, que j’attraperai sans même y penser.

Dans la lumière qui étale sur les visages son gris métallique, mes pensées culbutent entre la rêverie et les tâches de la journée : faire, penser à, ne pas oublier, à 17 heures, débuter par… Le flow langoureux d’EPMD m’engourdit, et je caresse mon iPod pour trouver un morceau qui parviendrait à m’éveiller en douceur. J’ai encore oublié de renouveler mes playlists. Va pour le "Potential for Anything" de Souleye, mon morceau favori de PPPPPP, la bande originale de VVVVVV. A mesure que les premières boucles s’enrichissent de lignes de basse, de reverb et d’une mélodie chiptunesque, se produit un effet hypnotique d’élévation ; ce n’est pas de la grande musique, mais la piste dégage un optimisme vibrant, voilé de nostalgie. Dans le jeu de Terry Cavanagh le morceau est utilisé durant le dernier niveau, au moment des adieux, quand le joueur doit employer tout ce qu’il a appris, utiliser tout son potentiel ; la difficulté est infernale, mais chaque tableau franchi représente un accomplissement, une libération.

La rame, pas encore remplie à cette heure, fonce dans les tunnels, et moi tout à coup j’aperçois au plafond un petit bonhomme bleu et souriant, la tête à l’envers, qui me regarde. C’est le capitaine Viridian, le héros de VVVVVV, capable d’inverser la gravité pour franchir les obstacles les plus improbables. D’un bond, il descend sur le sol, et je le vois s’éloigner vers l’avant du métro, sautant de haut en bas, échappant au poids, se faufilant entre les passagers. Un bref instant je décolle avec lui avant de le perdre de vue. Je descends à ma station, léger. Je viens de vivre un moment jeu vidéo. Et vous ?

Il y a 6 Messages de forum pour "Potential for Anything"
  • Harold Jouannet Le 4 avril 2012 à 11:27

    Le métro en mode Super Gravitron !

  • Laurent Braud Le 4 avril 2012 à 14:28

    Badger, couloir gauche, escalier, se placer à la bonne porte du bon wagon pour la prochaine correspondance, attendre, sortir, sauter dans le métro suivant avant la fermeture des portes, raté ! Même joueur, joue encore demain.

  • Tonton Le 5 avril 2012 à 13:26

    Je n’avais jamais pris conscience de ce genre de chose ... Un article bien senti et émouvant.

  • bougre Le 10 avril 2012 à 17:31

    La même chose m’est arrivée récemment, un matin ensoleillé où je sortais de chez moi après avoir découvert Flower dans la nuit. Exaltant.

  • Hell Pé Le 25 avril 2012 à 23:12

    Ça me le faisait tout le temps quand j’étais gosse. Une simple ligne d’horizon, avec de la verdure en bas et un ciel bleu en haut, suffisait à m’évoquer Super Mario. Il m’en fallait peu à l’époque me diriez-vous, mais curieusement, ce sont les jeux les plus simples visuellement (comme VVVVVV par exemple) qui parviennent à susciter à nouveau en moi ce genre de mise en relation.

    À rapprocher du fameux Tetris effect (différent de l’“effet Tetris” à en croire Wikipédia), qui vous fait voir des séries de quatre qui s’emboîtent partout. L’article anglophone parle également de GTP, ou Game Transfer Phenomena. Sinon, on peut peut-être simplement appeler ça des bons souvenirs.

  • Sachka Duval Le 26 avril 2012 à 01:08

    Le Tetris Effect, j’aurais dû en parler dans mon article sur Fez. Finalement c’est un peu un jeu basé entièrement dessus. ^^

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