Notules

Notules - 9 : jeux d’ombres

Que d’ombres ! Celles de Persona 5, de la main de Shadowhand, sans parler du Colossus lui-même ; si l’on y ajoute pêle-mêle les tonnes de ferraille d’Horizon Zero Dawn, Xenoblade Chronicles 2 et Destiny 2, on n’y verra plus rien. Heureusement que les couleurs pimpantes de Mu Cartographer, Snake Pass, DraQue VIII et FFIV sont là pour éclaircir notre Horizon.

Robots et démons

Horizon Zero Dawn (Guerilla Games, PS4, 2017)

Des décors gigantesques, à couper le souffle ! Des dinosaures de métal ! Une histoire pleine de rebondissements ! Une héroïne abandonnée des siens, au destin hors-du commun ! Des combats épiques, où la ruse l’emporte sur la force brute ! Une hyper-méga-production mobilisant des centaines de graphistes ! Horizon Zero Dawn a tous les ingrédients pour plaire, mais ne se débarrasse jamais vraiment de sa fadeur de gâteau industriel. La pièce montée retombe sur une morne plaine, et sans trop savoir pourquoi, on préfère jouer à autre chose, y compris à Elex (Piranha Bytes, 2017), son équivalent gonzo-fauché, qui a au moins pour lui d’être tordu de manière intéressante.
— Martin Lefebvre

Xenoblade Chronicles 2 (Monolith Soft, Switch, 2017)

Au commencement, Takahashi créa Bionis et Mekonis. Ces géants étaient à couper le souffle et l’esprit du maitre infusait sans conteste son génie. Puis Takahashi vit que le succès était au rendez-vous, il sépara Xenoblade Chronicles en deux et créa Mira à l’image des open worlds si plébiscités. Ainsi il y eut de la lumière et des ténèbres mais il vit que cela était bon. Puis le créateur fit Alrest à l’image du premier, un monde titanesque au potentiel prometteur. Il se reposa. Mais la Switch avait besoin d’un argument massue pour finir son année, et contraint le Monolith à se hâter. Takahashi acheva à la 2017ème année son œuvre, qu’il avait faite un peu précipitamment. Lorsqu’il fit sa terre et ses cieux, le résultat n’était pas satisfaisant car il manquait d’attrait. C’est pourquoi il fit pleuvoir sur son monde la lie du JRPG, du Gacha, des poitrines opulentes et toujours plus de quêtes insipides. Puis il chargea une bonne quinzaine de personnes de s’occuper du chara-design, et relégua l’amélioration de l’ergonomie à un patch ultérieur. C’est ainsi qu’on se retrouva avec un jeu foutraque, en quête du jardin d’Éden avec une bande de gamins agitant une épée flamboyante pour garder le chemin de l’arbre de vie. Et que s’appelorio Xenoblade Chronicles 2.
— Colin Fourtet

Persona 5 (Atlus, PS4, 2016-17)

Persona 5 a le mérite de mettre en lumière les immenses qualités de son prédécesseur : l’optimisme, la naïveté candide et contagieuse de la petite bande d’Inaba, son humanisme lumineux nous manquent. A la place, Atlus, qui semble avoir définitivement laissé dans les années 2000 son je-ne-sais-quoi, nous offre un tableau grim-dark de la grande ville, et des ados aussi rebelles que casse-pieds. Peut-être que quelque chose s’est perdu dans la traduction, mais si, comme l’avance Victor Moisan, P5 reflète le Japon contemporain, il y a de quoi désespérer : la jeunesse n’est pas seulement perdue, elle est surtout barbante. Et le jeu s’égare dans les bavardages incessants, l’exposition qui n’en finit pas, les donjons qui tiennent de la corvée : au bout de trente heures de surplace, j’ai jeté l’éponge. Il reste bien quelque chose de la fabuleuse structure inventée par le troisième épisode, et perfectionné par sa suite. Mais plus de trace de la grâce.
— ML

En ligne

Destiny 2 (Bungie, 2017)

Il y a au moins une leçon à retenir de l’échec Destiny 2 : les jeux cassés, sont souvent les plus intéressants. Contrairement à son fascinant prédécesseur, le dernier Bungie est parfaitement produit, et dans un premier temps il se consomme sans modération. Mais poli jusqu’à la corde, le MMO-shooter laisse rapidement voir ses grosses ficelles. Et une fois le premier enchantement — ces décors ! ces sensations de tir ! — passé, on ne peut que remarquer la nudité du roi. Destiny 2 n’a ni nouveaux ennemis, ni idées originales. Il tiédit, il émousse, il affadit tout ce qui fonctionnait : le PVP à quatre contre quatre est aussi équilibré qu’ennuyant ; les super-pouvoirs ne crépitent plus comme avant, les armes n’ont d’exotique que le nom ; les assauts, ces donjons qui étaient au cœur de l’expérience, sont devenus soit trop faciles, soit purement mécaniques ; le raid a pour décor une Trump Tower dans l’espace, et transforme le joueur en pur exécutant, sans laisser la moindre place à l’inspiration ou à la synergie d’équipe — ce que les puristes appellent le flux —. Bungie ne cesse de s’excuser auprès des joueurs déçus. Il suffirait pourtant d’un peu de folie pour que la mécanique reparte, mais pour le moment le mastodonte du jeu online reste en rade.
— ML

Final Fantasy XIV : Stormblood (Square Enix, PC / PS4, 2017)

Depuis 2013, grâce au sauvetage opéré par A Realm Reborn, FF XIV poursuit tranquillement son chemin : celui d’un MMO à la papa, un charmant parc d’attraction avec abonnement, comme à la belle époque des années 2000. Rien n’a vraiment changé avec Stormblood, et le jeu de Square Enix demeure le meilleur — et le plus traditionnaliste — clone de World of Warcraft, ce qui n’est déjà pas si mal. Je n’ai pas joué depuis des mois, mais je sais que j’y reviendrai, car le jeu nous verse une belle dose de nostalgie, notamment en ressortant pour ses raids nos boss favoris de la franchise — Exdeath de FFV  ! —, et on peut même faire un tour à Rabanastre (FF XII). Il y a peut-être là un peu de facilité, d’autant que le modèle commence à montrer quelques signes d’usure : le grind des donjons fait long feu, et le jeu, qui nous emmène notamment dans une version fantaisiste de l’Asie, ne sait plus vraiment quoi faire de son monde ouvert. Mais Stormblood demeure impeccable dans sa progression PVE, qui est un modèle du genre : chaque défi qui se dresse sur notre parcours nous apprend à travailler en groupe, et à vaincre de concert.
— ML

Expérimentations

Snake Pass (Sumo Digital, 2017)

Ah, QWOP était difficile, mais au moins avait-on deux pieds. Tandis qu’un serpent ... ça avance comment, en pratique ? Ah oui, en sinuant, droite-gauche-droite-gauche. En vérité, la reptation n’est pas si difficile une fois qu’on a pris le coup, et on s’amuse un temps à grimper le long des bambous généreusement disposés le long des niveaux-puzzles. Le problème, c’est qu’on ne sait pas trop pourquoi on le fait. Collectionner des machins éparpillés, ça va bien pendant une demi-heure, mais on s’en lasse vite ... Dommage. Pas de bras, pas de chocolat.
— Laurent Braud

Shadowhand (Grey Alien Games, PC, 2017)

Regency Solitaire avait fait le bonheur des esprits distingués grâce à son interprétation élégante et légère du jeu de patience. Autant dire que la bonne société attendait non sans une certaine curiosité le prochain titre de Grey Alien Games. Mais voilà qu’avec cette préquelle, qui évoque la jeunesse olé olé au bal masqué d’une respectable Lady, le développeur britannique a voulu s’encanailler du côté de Puzzle Quest, ce fameux arriviste qui fit fortune en hybridant le casual match-3 au RPG le plus hardcore. L’idée ne manque pas de piquant : en enchaînant les combos, la joueuse charge ses attaques ; elle prépare son déguisement de hors-la-loi afin de mieux étourdir l’assistance (+15% stun), elle équipe un justaucorps pour faire saigner les cœurs (+20% bleed). Mais dans les faits, la mascarade n’a rien de féérique, et la valse des chiffres est klondikante. Car en laissant trop de place au hasard, Shadowhand tient plus du bingo que du bridge, et le jeu radote ses combats au lieu de nous divertir.
— ML

Mu Cartographer (Titouan Millet, 2017)

Vous le trouverez au rayon jeux expérimentaux, catégorie propret, sous-section incompréhensible. Et pourtant, pas tant que ça. En bidouillant une série de machins qui font blip, de bidules qui font zouip, de trucs qui font bzzt, on fait évoluer une carte capricieuse, on progresse parfois sans le vouloir. Ce n’est pas grave : on n’y joue pas vraiment pour tout saisir, mais pour réaliser avec quelle vitesse l’être humain moderne est capable de se repérer et s’adapter à n’importe quel genre de commandes. On voulait juste voir de couleurs bouger, on en a appris sur soi-même. Joli.
— LB

Retouches et ressorties

Dragon Quest VIII (Level-5, 2004/2017 (3DS))

A l’époque de la sortie de DraQueVIII, la série m’avait déjà acquis à sa cause. Les années émulation avaient été l’occasion de découvrir toute une histoire restée plongée dans l’obscurantisme de la frilosité d’ouverture des éditeurs japonais — oui, même après FFVII — et de dénicher, sous la bouillie de pixel sortie des consoles 8 et 16 bits, des scénarios touchants à la narration exotique. En 2006 donc, c’est surtout l’esthétique qui était accrocheuse plus que d’ordinaire, sous une aventure un peu moins originale que la moyenne. Le cell shading, très en vogue, qui faisait ressembler le héros et ses compagnons aux dessins animés nippons et le monde quasi-ouvert d’une immensité encore jamais atteinte. Depuis, la licence a un peu perdu de son lustre en se fourvoyant dans le faussement cool ou le massivement multijoueur en ligne mais les remasters sur consoles portables sont autant de moments de nostalgie. A l’image de celui, très réussi, du huitième épisode qui nous ressort sur 3DS dans une version améliorée sur tous les aspects, sauf ceux du visuel et du sonore. Des concessions techniques autant que puantes — le compositeur Koichi Sugiyama est en plein trip nationaliste — qui n’empêche pas le contenu de faire mouche autant sinon plus que dans la dernière décennie.
— CF

Shadow of the Colossus (Bluepoint Games, PS4, 2018)

Le travail abattu par Bluepoint Games pour embellir le deuxième jeu de Fumito Ueda ne souffre aucune critique d’un point de vue technique : sans même posséder de PS4 Pro, l’oeil le plus distrait remarquera sans difficulté le sens aigu du détail visuel et la fluidité impeccable de l’ensemble. On regrettera toutefois que le cachet esthétique en souffre légèrement. Ce remake tombe dans l’écueil paradoxal qui lui fait gagner en superbe ce qu’il perd en force évocatrice : en se faisant plus léché, en usant de jeux de contraste démonstratifs et parfois trop appuyés (les ombres et les intérieurs en particulier), en désépaississant partiellement son brouillard qui n’avait pourtant pas pour seule fonction d’alléger la charge de travail dévolue à la Playstation 2, l’univers du jeu voit son aura de mystère amoindrie. Cet échange de procédés, que l’on pourrait presque calquer sur le pacte faustien conclu entre Wander et Dormin, sautera probablement aux yeux de quiconque aura déjà chevauché ces terres qui désormais paraissent un peu moins interdites qu’autrefois. Cela étant, force est de constater que replonger dans Shadow of the Colossus est une expérience somme toute délectable, en dépit d’une maniabilité restée sciemment récalcitrante. La singularité du concept, l’histoire simple mais parfaitement narrée, la mise en scène des combats, les trognes intimidantes des colosses et la musique de Kow Otani n’ont rien perdu de leur impact. Les années défilent et Shadow of the Colossus n’a toujours pas d’équivalent. Gageons qu’il n’en aura jamais.

— Simon Génessier

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