Notules

Notules - 7 : Switch it on

Pour la Switch, Fast RMX et (presque) Zelda, c’est tout en bas. Avant d’y arriver, il faudra parcourir le Japon (World of Final Fantasy, Nier : Automata), traverser des ponts (Poly Bridge), emprunter un couloir ou deux (Uncharted), et survivre à quelques champs de batailles (Duelyst, Flashpoint Campaigns). Lire Merlanfrit, c’est éprouvant.

From Japan with love

World of Final Fantasy (Square Enix/TOSE, 2016)

Plus de dix heures que mon doigt est scotché sur la touche R1, et je commence à fatiguer. A mi-chemin entre Pokémon et Kingdom Hearts, WoFF avait une tronche sympathique de loin : un battle-system mêlant ce bon vieil ATB à l’une des idées les plus délicieusement grotesques qui soient, à savoir empiler les monstres sur nos héros en une pyramide dépareillée mais ultra-puissante, un peu comme les vieux robots géants dans les sentaï. Le pot-pourri continue avec les personnages Super-Deformed mettant en avant un fan-service complètement assumé. Il faut dire que le jeu est là pour célébrer les trente ans de la série de Square, et se permet pour ça de faire cohabiter moult personnages (le Guerrier de Lumière, Yuna, Faris et bien d’autres) dans un même monde déjà peuplé de créatures bien connues comme les mogs, les béhémoths ou autres Ramuh. Mais tirer des noms au hasard ne suffit pas à l’hommage, et World of Final Fantasy souffre des mêmes soucis que les autres productions de l’éditeur depuis quelques temps. Un monde creux, des zones couloiresques, des dialogues insipides, un scénario mi-niais mi-brinquebalant et quelques problèmes d’équilibrage et d’ergonomie qui plombent des mécaniques pourtant pas dénuées d’intérêt. Malgré la crampe, je bénis l’adjonction d’une fonction "avance rapide". — Colin Fourtet

NieR : Automata (Platinum, 2017)

Des jeux qui « font battre le cœur ». C’est ce que souhaitait Taro Yoko à la GDC 2014 devant un parterre de développeurs occidentaux dont il trouvait les productions un peu fades. Mais son Nier : Automata fait mieux. Bien mieux. Il nous serre, brise, retourne, étreint et déchire les cœurs. Par ses extravagantes phases de gameplay tout-en-un — shoot’em up, sidescroller, beat’em up — il commence par remplir de bonheur le cœur du joueur. Puis, armé de sa déchirante mélancolie post-apocalyptique dardée comme une rose, il torture son cœur de gazelle. Quand enfin il assaille de doutes le cœur de l’homme, troublé par la quête existentialiste des Machines, touché par leur errance fondamentale, effrayé par leurs colères primitives. Malraux, Sartre et Nietzsche ne sont pas loin ici, voire Levi-Strauss pour l’auto-examen anthropologique. Mais jamais la métaphysique ne prend le pas sur cette pulsation brute et chaude qui enfièvre NieR : Automata : l’humanité. — Nicolas Turcev

Du neuf avec du vieux

Uncharted : Drake’s Fortune Remastered (Naughty Dog, 2007 / Bluepoint, 2015)

Dix ans après, que reste-t-il des débuts de Nathan Drake, rénovés avec soin et débarrassé de leurs lacunes techniques — adieu le tearing de la version PS3, bonjour les 60 FPS — par le studio Bluepoint ? Drake’s Fortune se finit en six heures et demi, et on se prendrait presque à rêver une version abrégée, tant le jeu, lorsqu’il ne multiplie pas les vagues d’ennemis, se caractérise par son rythme haletant. L’aventure a la limpidité d’un film de série B : une île au trésor, des mercenaires en colère, une journaliste débrouillarde... On est loin de l’ambition d’Among Thieves ou d’Uncharted 4, mais la modestie des enjeux ne les rend pas moins trépidants. Ce qui frappe surtout aujourd’hui, c’est à quel point Drake’s Fortune est un beau morceau d’époque, qui s’inspire non seulement de Tomb Raider et Gears of War, mais emprunte aussi certains plans à Resident Evil, et inscrit ses phases de plateforme dans la continuité du Prince of Persia de 2003... Autant dire qu’à l’heure où l’open world règne sans partage, les couloirs soigneusement balisés par Naughty Dog ont quelque chose de rafraîchissant. — Martin Lefebvre

Duelyst (Counterplay, 2016)

Les catalyseurs d’addiction de Blizzard ne sont pas passés inaperçus. Pour être sûr de n’en manquer aucun, Duelyst — ah, cette orthographe tordue me rappelle invariablement la catastrophe Terminator Genisys — n’a aucun complexe à recopier intégralement son aîné Hearthstone, en y ajoutant (quelle audace !) un plateau de combat à peine plus tactique. Récompenses régulières, micro-plaisirs, un peu d’aléatoire, tout y est. Mais est-ce mon âge avancé ? Ni la copie, ni l’original ne parviennent à me captiver. Sur mes sens émoussés, la profusion de stimuli ne provoque plus qu’une condescendance amusée, et la perspective de passer des heures à grapiller de nouvelles cartes me fatigue d’avance. Allez, amusez-vous bien, les jeunes. — Laurent Braud

Un pont trop loin

Poly Bridge (Dry Cactus, 2016)

Le jeu de construction de pont n’est même pas un sous-genre à part entière : c’est toujours exactement le même jeu, une variante de Bridge Builder (2000). Des poutres en bois, en métal, des câbles composent l’édifice en deux dimensions. Il s’ensuit que le monde est divisée en deux catégories, comme disait le poète : ceux qui n’y voient aucun intérêt, et les fanatiques — dont votre serviteur — qui s’acharnent à faire passer scooters, voitures, bus et camions d’une rive à l’autre, faisant feu de toute voûte, hauban ou autre suspension diverses. Tout est bon, pourvu que l’on tienne le budget — et si possible l’intégrité de la structure, mais c’est secondaire. Une nouveauté tout de même : ces poutres hydrauliques, autorisant toutes sortes de ponts levants, relancent la machine à puzzles de façon pratiquement infinie. — LB

Flashpoint Campaigns : Red Storm (On Target, 2013)

On se souvient que Command Ops incitait parfois à ne pas agir à tout instant, à cause de l’inertie de chaîne de commandement. Flashpoint Campaigns va un cran plus loin, en interdisant carrément au joueur de jouer en dehors de pauses bien définies : à chaque fois que l’on délivre ses ordres, il faut attendre une quinzaine de minutes (ou une trentaine, selon que l’on joue respectivement l’OTAN ou les Russes) avant d’avoir à nouveau la main — et il faut encore compter le délai de communication, qui augmente lorsque tout va mal. Quinze minutes, c’est long. Le joli château de cartes tactiques a tout le temps de s’effondrer, les unités de se replier, quand elles ne se font massacrer sous les yeux horrifiés d’un joueur impuissant. Moqueur, le jeu semble nous dire que la seule façon qu’un plan militaire se déroule sans accroc, c’est qu’il n’y ait pas d’ennemi ... Décidément, le wargame a plus d’une façon de nous raconter sa guerre. — LB

Hardware

Clic-clac, les Joy-Cons descendent le long des glissières et un retour visuel fait tinter l’écran. Votre Switch est prête. Disponible même. Dans le salon, dans le lit, dans le train, à la plage ou à la montagne, la nouvelle console de Nintendo fait le pari de la simplicité et de l’immédiateté, aussi bien dans sa forme que dans son interface. Dépouillée des oripeaux modernes (adieu Netflix, adieu navigateur internet, adieu appareil photo), cette Vita 2.0 se focalise sur les jeux avec un line-up décrié, mais finalement réfléchi. En addition du Link randonneur, les joueurs auront le plaisir de se promener avec un mélange de vieux et de neuf qu’il soit rétro (Blaster Master Zero, Shovel Knight) ou néo (Snipperclips, Fast RMX). On ne se risque pas à prendre les paris — marchera ? marchera pas ? —, on se contentera simplement d’allumer sa console nuit et jour, matin et soir. On se croirait de retour sur la GameBoy Advance — et c’est un compliment. — Anthony Jauneaud

Fast RMX (Shin’en Multimedia, 2017)

Oui, d’accord, Fast RMX n’a ni la classe de Wipeout ni la profondeur de F-Zero. Mais dans un genre moribond, oublié, abandonné, on apprend à ne pas faire la fine bouche. Sur fond de musique techno abrutissante, le nouveau jeu de Shin’en évoque les plus belles réussites de la N64 et de la Vita, sans jamais réussir à rattraper ses maîtres. La vitesse du jeu — le plus solide techniquement à l’heure actuelle sur Switch — suffira à enivrer les plus fragiles et contentera la masse grouillante de noobs n’ayant jamais très bien pigé le doigté de Wipeout. L’abondance de beats, de shaders, de cris orgasmiques d’un commentateur grippé ne parviennent pas à effacer la sensation de jouer à une pâle copie made in China, mais faite en Allemagne. Reste qu’il vaut mieux un moineau dans la main, qu’un pigeon sur le toit (proverbe allemand). — AJ

Zelda : Breath of the Wild (Nintendo, 2017)

"À l’est d’Erzerum, la piste est très solitaire. De grandes distances séparent les villages. Pour une raison ou une autre, il peut arriver qu’on arrête la voiture et passe la fin de la nuit dehors. Au chaud dans une grosse veste de feutre, un bonnet de fourrure tiré sur les oreilles, on écoute l’eau bouillir sur le primus à l’abri d’une roue. Adossé contre une colline, on regarde les étoiles, les mouvements vagues de la terre qui s’en va vers le Caucase, les yeux phosphorescents des renards. Le temps passe en thés brûlants, en propos rares, en cigarettes, puis l’aube se lève, s’étend, les cailles et les perdrix s’en mêlent... et on s’empresse de couler cet instant souverain comme un corps mort au fond de sa mémoire, où on ira le rechercher un jour. On s’étire, on fait quelques pas, pesant moins d’un kilo, et le mot « bonheur » paraît bien maigre et particulier pour décrire ce qui vous arrive. Finalement, ce qui constitue l’ossature de l’existence, ce n’est ni la famille, ni la carrière, ni ce que d’autres diront ou penseront de vous, mais quelques instants de cette nature, soulevés par une lévitation plus sereine encore que celle de l’amour, et que la vie nous distribue avec une parcimonie à la mesure de notre faible cœur." — Nicolas Bouvier, L’Usage du monde (1963)

Il y a 16 Messages de forum pour "Notules - 7 : Switch it on"
  • Matthaus Le 27 mars 2017 à 14:47

    Merci pour ce test de Zelda.

  • Jojo Le 27 mars 2017 à 19:21

    "Malraux, Sartre et Nietzsche ne sont pas loin ici, voire Levi-Strauss pour l’auto-examen anthropologique" ... vous avez oublié, semble-t-il, les Gayaki et Bibi Fricotin, voire Kierkegaard ou Gad Elmaleh.

  • Nicolas Turcev Le 27 mars 2017 à 19:42

    On les aurait volontiers mentionné s’ils étaient cités dans le jeu comme c’est le cas des auteurs que l’on nomme.

  • Martin Lefebvre Le 27 mars 2017 à 19:48

    Tu vois, je t’avais dit Nicolas. :D

    PS : je ne suis pas spécialiste, mais il me semble qu’on écrit "Guayaki". :D

  • Jojo Le 28 mars 2017 à 11:46

    Guayaki en effet.
    Ils ne sont pas mentionnés, mais ils auraient pu l’être ! Que faites-vous de l’implicite ?! Votre commentaire est bassement positiviste ! Il est important de faire des rapprochements audacieux.

  • Jojo Le 28 mars 2017 à 11:51

    (Mais j’aurais dû me contenter d’un "excellent article, clair et instructif", car dans le cas de la flatterie l’arbitrarité du propos ne suscite jamais la moindre réaction : ça va de soi et il est manifestement impossible d’aller trop loin)

  • Nicolas Turcev Le 28 mars 2017 à 14:40

    On prend la critique constructive sinon ! Et on serait ravi de parler du jeu. Mais difficile d’engager la discussion quand le commentateur est simplement cassant et péremptoire. Sur ce.

  • Max Le 28 mars 2017 à 15:02

    "L’arbitrarité"... :/

  • Jojo Le 29 mars 2017 à 07:54

    une louange du style "excellent article" ne parle ni du jeu, ni n’est constructive (meme si je ne vois pas bien ce que vous voulez dire par là). Ce style de louange ne suscite jamais de réaction, alors qu’une critique qui ne parle pas du jeu et qui est péremptoire est immédiatement chassée. Je m’amuse seulement de ce deux poids deux mesures. J’essaie d’arrêter, ne vous inquiétez pas.

    arbitrarité : à la base terme juridique, dont l’usage a été étendu : il signifie "qui est sans raison".

  • Martin Lefebvre Le 29 mars 2017 à 08:51

    « une louange du style "excellent article" ne parle ni du jeu, ni n’est constructive (meme si je ne vois pas bien ce que vous voulez dire par là). Ce style de louange ne suscite jamais de réaction, alors qu’une critique qui ne parle pas du jeu et qui est péremptoire est immédiatement chassée. Je m’amuse seulement de ce deux poids deux mesures. J’essaie d’arrêter, ne vous inquiétez pas. »

    Je pense qu’on a compris le message hein. :D

    Cela dit je vous corrige une fois de plus, ce ne sont pas toutes les critiques, même lapidaires que nous reprenons, mais seulement les vôtres, puisque vous êtes notre meilleur fan, on vous doit bien ça, d’autant qu’elles sont presque toujours immédiatement identifiables vos petites phrases sarcastiques.

    Après, pour le coup j’ai moi même reproché à Nicolas de jeter des noms sans précision, mais le papier a été publié entre-temps... J’imagine que si on éditait on nous reprocherait de cacher nos lacunes... En somme ça devrait inciter Nicolas à développer tout ça dans un papier complet sur Nier Automata, qu’on puisse juger sur pièces. :D

    Pour les louanges, elles sont comme tout parfois injustifiées (vous pouvez penser qu’elles le sont souvent, hein), mais je vois mal l’intérêt d’aller jouer les (vrais ? faux ?) modestes dans les commentaires.

  • Max Le 29 mars 2017 à 10:55

    @Jojo : On dirait plutôt "l’arbitraire du propos", car le mot peut être adjectif et substantif.
    http://www.cnrtl.fr/lexicographie/a...

  • Cédric Muller Le 29 mars 2017 à 15:46

    WOFF :
    "quelques problèmes d’équilibrage et d’ergonomie qui plombent des mécaniques pourtant pas dénuées d’intérêt"
    De quels problèmes d’équilibrage parlez-vous ? (le farm à la JRPG ?)

    Nier :
    Le jeu inspirant permet la critique admirable ! Critique subjective et suffisamment longue ! J’en prendrais trois pages (et virez les références, si cela peut empêcher la discussion "deux poids, deux mesures")

    Zelda :
    Je trouve que Nicolas Bouvier publie beaucoup trop de textes sur ce site !

  • Martin Lefebvre Le 29 mars 2017 à 17:16

    C’est vrai, d’ailleurs il écrit comme un cochon ce Nicolas Bouvier. :D

  • Colin Fourtet Le 29 mars 2017 à 17:18

    Cedric Muller :

    Pour WoFF, le simple fait d’utiliser deux bonnes pyramides de monstres suffit à rouler sur le jeu. A l’inverse si l’on change trop de monstres à mesure qu’on les capture, il faut passer par du farming pour avoir une chance de résister à l’ennemi (les nouveaux venus reprennent systématiquement au niveau 1).
    De plus, ne pas utiliser ce système de pyramide (pour augmenter la difficulté par exemple) revient - en plus de ne pas utiliser les systèmes qui font tout le sel du jeu - à se faire instant kill par à peu près n’importe quoi.

    En somme, ce qui manque en terme d’équilibrage, c’est pour le développeur de prendre le temps de choisir des statistiques adaptées à ce qu’on puisse tirer la pleine mesure de son gameplay sans pour autant qu’on puisse se contenter de marteler le bouton X pendant les combats.

  • Nicolas Turcev Le 29 mars 2017 à 21:10

    Le papier sur Automata est déjà écrit, mais ça ne sera pas chez Merlanfrit malheureusement :( (quelque part sur le web un 6 avril). Un certain J.D. m’a proposé de l’argent, du coup j’ai pas pu refuser. #corrompu Mais je ne manquerai pas d’en informer notre plus fidèle fan !

  • Nicolas Turcev Le 29 mars 2017 à 21:14

    (Sinon le mot "existentialisme" et la combinaison Malraux + Sartre + Nietzsche juste après me semblait assez évidente sur le plan des idées, mais visiblement non, donc my bad)

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