Notules - 4 : Merly Fristmas
Nous n’y avons peut-être pas assez joué, ou le jeu ne nous a pas — encore — inspiré un long papier. Mi-évocations, mi-critiques, les notules prennent peu de place, mais racontent, en quelques lignes, nos récentes parties. Avec ce mois-ci Hyper Light Drifter, Pokémon Soleil et Lune, Lara Croft Go, Baldur’s Gate II, The Elder Scrolls Online, Final Fantasy V et My Summer Car.
Promenades
Hyper Light Drifter (Heart Machine, 2016)
Ce chevalier ultraluminique n’aime en fait rien tant que de rêvasser dans des décors grandioses, et fouiner tranquillement dans tous les buissons à la recherche de petites cachettes. Cette approche assez lente est peut-être là pour compenser des combats techniques — dont des boss particulièrement retors — qui font, eux, grimper notre taux d’adrénaline. On n’en demandait pas plus : alternant phases zen et action rapide, sans autre forme de scénario, on tient là le double vidéoludique du film de sabre, de Yojinbo à Baby Cart. Sorte de Zelda muet, de Knytt empreint de la tristesse d’un Nausicäa, empruntant le Tachibana Ukyo tuberculeux de Samurai Shodown, Hyper Light Drifter est pratiquement une copie de Titan Souls dont le concept serait heureusement assoupli au profit de la jouabilité. Difficile de rester insensible, surtout lorsque l’on est bercé par les nappes rugueuses de Disasterpeace — compositeur pour Fez, mais aussi pour l’angoissant It Follows. — Laurent Braud
Pokémon Soleil et Lune (Game Freak, 2016)
Après une dizaine heures de jeu, on peut sans problème parler de changement dans la continuité avec un épisode signé par des jeunes — univers chamboulé, rythme accéléré, structure remaniée en profondeur — pour des vieux — surabondance maladive de Pokémon de la première génération. Le succès de Pokémon GO aidant, cet épisode se veut non pas un retour aux sources comme X et Y, mais une révolution. Dommage que le projet initial reste figé dans un entre-deux casse-pieds, la faute à une technique honteuse et une tonne de petits défauts qui nous rappellent qu’il ne s’agit pas là d’un jeu Nintendo. Soleil et Lune ne ramèneront pas les déçus, mais ne décevront personne. Et quelque part, c’était l’objectif. — Anthony Jauneaud
Lara Croft Go (Square Enix, 2015)
La série Tomb Rider se caractérise-t-elle comme un jeu de plate-formes ? d’énigmes ? d’action ? Avant de répondre à cette question bien théorique (et somme toute assez inutile), on aura intérêt à passer un peu de temps en compagnie de Lara Croft Go. Réduite à un jeu de puzzle, l’adaptation fait étonnamment mouche. Nullement gênée par le tour par tour, Lara bondit, actionne quantité de leviers et de capteurs de pression, sans oublier de massacrer les nombreux gardiens du trésor. Même le portage PC de ce jeu pour mobile se fait oublier. À tel point qu’il est difficile de ne pas dévorer le tout en une seule bouchée. — LB
Échauffourées
Baldur’s Gate II : Enhanced Edition (BioWare 2000, Beamdog 2012)
Quel drôle de grand jeu ! Sorti moins de deux ans après le premier volet [1], Baldur’s Gate II : Shadows of Amn en constitue à la fois l’aboutissement mécanique – les affrontements sont fabuleux, le système de magie inouï —, et le dépassement, vers le RPG narratif dont Star Wars : Knights of the Old Republic (2003) est l’exemple achevé. BG II invente indubitablement certains des lieux communs propres à BioWare ; ainsi le chapitre se déroulant dans les profondeurs de l’Underdark, où il faut s’acoquiner avec les cruels elfes noirs, constitue le protype du mini-hub scénaristique, que l’on retrouve aussi bien dans Mass Effect (2007) que dans Dragon Age : Origins (2009). On serait ainsi tenté de relire Shadows of Amn comme un jeu de transition, qui se cherche sans toujours avoir le temps de se trouver. Le grand classique du RPG occidental est parfois étrangement brouillon, sa structure peu logique : on commence par nous perdre dans les sous-quêtes, avant de nous remettre sur les rails d’une histoire souvent tirée par les cheveux. Pour tout dire, BG II n’a ni la cohérence, ni l’atmosphère de son prédécesseur, mais son exubérance presque baroque n’en n’est que plus fascinante. En poussant Advanced Dungeons & Dragons jusqu’au plus éhonté grobillisme, BioWare prend le risque de banaliser certains des plus coriaces adversaires, et le joueur finit par ne plus trembler lorsqu’il massacre son dixième beholder ou son vingtième mindflayer. Mais en repensant aux kobolds qui le terrifiaient à la sortie de Spellhold, quatre-vingts heures auparavant, comment n’éprouverait-il pas un puissant frisson, abattant, dans un ballet de sorts et de jets de résistance triomphants, son premier dragon ? — Martin Lefebvre
The Elder Scrolls Online (ZeniMax, 2014)
Il y a quelques mois, Bethesda a mis à jour son MMORPG avec l’update One Tamriel où tous les joueurs, qu’importe leur niveau, se retrouvent ensemble, sans limitations ni barrières. L’idée, un peu folle au premier abord, fait exploser la structure narrative et permet par exemple de terminer la quête principale en quelques heures ou d’aller titiller les donjons les plus corsés dès la fin du tutorial. Et pourtant ça marche. Non seulement parce que le système était déjà rodé avec Skyrim et Fallout (où la difficulté suivait la progression du personnage), mais aussi parce que le mode de consommation a changé ; nous sommes après tout entrés dans l’ère du binge watching et de Netflix. Libre au joueur donc de choisir sa voie, son chemin, son rythme. Du jeu — forcément devenu très plat — s’élève une sensation de lire un recueil de nouvelles aux innombrables pages. Les histoires se répondent, se suivent, s’enrichissent de cette abondance. Chaque zone, chaque donjon, chaque récit possède son propre ton et ses personnages. Marque de fabrique de la série, l’hypnose marche ici à plein régime. — AJ
Final Fantasy V (Squaresoft, 1992)
Coincé entre deux épisodes majeurs et mélodramatiques, FF V est souvent considéré comme mineur. Pourtant, l’aventure vaut la peine d’être (re)jouée : le ton léger, les personnages colorés – un amnésique barbu, un pirate queer à la mèche violette — ont une simplicité rafraîchissante. Ils s’embarquent dans les plus folles péripéties sans se poser la moindre question. Surtout, au contraire du fabuleux mais controversé FF XV, ce cinquième volet est avant tout un jeu système. Les donjons, retors, sont l’occasion de tester ses stratégies, et d’accumuler les précieux points de capacité afin de préparer son équipe à affronter des boss loin d’être commodes. Le jeu perfectionne le système des jobs – déjà vu dans le 3e épisode – qui permet au joueur de modeler à sa guise les capacités des personnages, et laisse la belle part à la ruse du joueur, seule capable de déjouer les mauvais coups qu’il nous réserve. Peut-être trop répétitif sur console de salon, FF V se prête merveilleusement au jeu sur mobile, grâce par exemple à la version PS1 disponible sur Vita – à défaut de pouvoir mettre la main sur la version GBA, supérieure mais épuisée. En attendant qu’un remake ne gomme les quelques archaïsmes du jeu, peut-être à l’occasion des trente ans de la série, l’an prochain ? — ML
On the road again
My Summer Car (Amistech Games, accès anticipé)
La voiture en question gît en pièces détachées dans le garage. J’essaie de la remonter, mais j’ai bien du mal à déterminer s’il faut placer les amortisseurs avant les suspensions ou comment fixer les bielles au vilebrequin. Il fait chaud, les mouches me tournent autour, j’ai soif. Je vais chercher une bière à la cuisine. Je m’apprête à en boire une deuxième, mais à ce moment le téléphone sonne. Je décroche, un type déblatère en finlandais. Les sous-titres me disent qu’il voudrait m’acheter du bois (il parle très longtemps). Je me dirige vers la remise. Le tracteur démarre, mais je n’arrive pas à le faire avancer. J’aperçois une hache, des bûches, et une bouteille. Ayant toujours soif, je descends cette dernière d’une traite. C’était apparemment de la vodka, je suis saoûl, je n’arrive plus à marcher. Je jure en finlandais (touche K), me pisse dessus (touche P). Je parviens avec difficulté à rejoindre mon lit. Le lendemain, je tremble terriblement, et j’ai faim. Je ne parviens pas à prendre une douche, je dévore les saucisses de la cuisine, ça va mieux. Je coupe quelques bûches, ce qui me donne encore faim, et il n’y plus rien dans le frigo. Je démarre le fourgon, je pars sur la piste chercher de quoi me rassasier. La route est longue et particulièrement étroite. Au croisement, je prends à droite. Je croise une voiture, première occurence d’un être vivant (à part les mouches). Surpris, je tente de faire demi-tour pour la rattraper. Le fourgon verse, c’est le crash, je meurs (la mort est définitive). Je désinstalle le jeu. — LB
No comment
Nous étions jeunes et larges d’épaules
Bandits joyeux, insolents et drôles
On attendait que la mort nous frôle
On the road again, again
On the road again, again
— Bernard Lavilliers
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