Notules

Notules - 1 : Souviens-toi l’été dernier

Nous n’y avons peut-être pas assez joué, ou le jeu ne nous a pas — encore — inspiré un long papier. Mi-évocations, mi-critiques, les notules prennent peu de place, mais racontent, en quelques lignes, nos récentes parties.

Filiation

Grim Dawn (Crate Entertainment, PC, 2016) :

Grim Dawn a pour principale qualité de ne pas être Diablo III. C’est déjà beaucoup, et un peu léger. Plutôt que des décors tout en nuances marronnasses, on préférera explorer les arbres de compétences, leurs synergies. Au bout de quelques heures, on se réjouira de zébrer l’écran d’explosions, de tourbillons de lames, même si tout cela ne rime pas à grand-chose. On s’inquiétera un peu pour les développeurs, qui après Titan Quest (voir ci-dessous), travaillent en somme sur le même jeu depuis plus de dix ans. Heureusement que Grim Dawn ne nous laissera pas le temps de réfléchir à tout ça. — Martin Lefebvre

Titan Quest Anniversary Edition (Iron Lore / THQ Nordic, PC, 2006-2016)

THQ Nordic, ex-Nordic Games, est un peu le brocanteur du jeu PC : l’éditeur a récupéré les licences JoWood, et une partie du catalogue de THQ dont personne ne voulait, notamment Titan Quest. Un petit coup de peinture, et voilà que l’action-RPG ressort dix ans après, ce qui n’est pas une mauvaise nouvelle : Titan Quest, c’est Grim Dawn en un peu plus mou – cette édition anniversaire a la bonne idée de donner la possibilité au joueur d’accélérer le jeu — mais avec plus de couleurs et tout le charme méditerranéen. L’Attique et le Péloponnèse se vident méthodiquement, comme autant d’écuries d’Augias, et cinq minutes de jeu suffisent à faire oublier les exploits de Thésée. Parfait pour ceux qui veulent s’équiper d’une jupette +5 et tataner les Érinyes. Attention cependant aux interros surprises à la fin de chaque chapitre, vous avez intérêt à connaître sur le bout des ongles les déclinaisons du gameplay, sinon c’est aoristes et périls. — ML

Grow Up (Ubisoft Reflections, multi, 2016)

BUD a un peu grandi. Il a appris à planter des choux, à la mode de chez Ubisoft — c’est-à-dire en collectionnant un peu tout ce qu’il trouve. Il se déplace ainsi un peu plus facilement, et surtout plus horizontalement, tout autour de sa petite planète, cherchant sa MOM perdue (sur la Lune, cette fois-ci) comme le Petit Prince son mouton. Le gameplay plus poli fait un peu oublier la métaphore originelle de l’enfance, mais que voulez-vous ! C’est aussi ça, grandir. — Laurent Braud

Thief (Eidos Montréal, multi-plateformes 2014)

A sa sortie, Thief a directement été mis au pilori. Ceux qui attendaient un successeur aux classiques de Looking Glass (voir ci-dessous), ont dénoncé, non sans raison, l’escroquerie. Thief est un demi-mondain en costume rapiécé qui se fait passer pour un AAA. Son monde ouvert fragmenté semble un hommage involontaire au manque de mémoire de la première X-Box, période Deus Ex : Invisible War (2003). Et on ne s’attardera pas sur l’histoire abracadabrante que veut nous servir le jeu en guise d’excuse. Pourtant, je me permettrais de demander la clémence du jury. Thief a eu une enfance difficile, dans les mauvais quartiers du development hell. Il n’est pas dépourvu de qualités : malgré ses errances, il respecte la tradition du pur jeu d’infiltration, et son voyeurisme tactile – toucher les tableaux, les bijoux de famille avant de s’en emparer, écouter les conversations au bordel – en fait un cas qui me semble plus relever de la psychanalyse que du cachot. — ML

Thief II : The Metal Age (Looking Glass, PC, 2000)

Découvrir Thief II 16 ans après sa sortie ne va pas sans quelque appréhension : le classique supporte-t-il son grand-âge ? Certes, le jeu de Looking Glass a vieilli aux entournures, et révèle quelques faiblesses dans ses niveaux les plus narratifs (Trail of Blood). On peine aussi à retrouver les qualités émergentes que ses admirateurs lui prêtent, surtout après l’incroyable machine à improviser Metal Gear Solid V (2015). Mais tout cela n’a guère d’importance. Par contraste avec la production actuelle, Thief II semble plus frais que jamais. D’abord parce que le jeu ne nous fait pas de cinéma : il n’en n’a pas les moyens techniques, et c’est tant mieux, car cela force les level designers à imiter le réel plutôt que les films. Les niveaux, tentaculaires, tirent leur créativité du besoin de mimétisme, ils s’enrichissent de lieux gratuits, une salle d’interrogatoire, un bureau, une chambre, dénués de justification ludique, mais qui participent à l’effet de réel. Comment représenter un commissariat (Framed), un entrepôt (Shipping ... and Receiving), une banque (First City Bank and Trust), avec une poignée de polygones et quelques textures ? Contrairement aux jeux contemporains qui nous assomment de détails, la 3D rudimentaire de Thief II trace les grands traits, à notre imagination de remplir le reste. La relative pauvreté des mécanismes ludiques – Garrett, anti-héros ronchonneur, dispose d’un arsenal relativement restreint de gadgets — permet par ailleurs aux développeurs de se concentrer sur l’essentiel : voir sans être vu, écouter aux portes, et nerveusement attendre que la patrouille passe dans le couloir avant de se faufiler dans l’ombre rassurante. — ML

Tirer les cartes

Regency Solitaire (Grey Alien Games, PC, 2015)

Un jeu de réussite réussi ? Pourquoi pas, avec une bonne dose de jeu vidéo moderne alors : avec des bonus à acheter ici, un compteur de combo là, des boutons pour trafiquer la donne, on commence à s’approcher d’un bon puzzle. Ajoutons-y un style graphique et musical impeccable, suffisamment sucré pour coller à l’atmosphère pseudo Jane Austen. Certes, les dialogues trop rapides ne sont pas à la hauteur de Pride & Prejudice, mais on se surprend à y retourner encore et encore. — LB

Reigns (Nerial, PC / mobile, 2016)

Gouverner, c’est choisir ; encore est-on limité par les cartes que Nous (de majesté) distribue la Providence. C’est du moins ce que Reigns essaye de Nous faire croire, non sans un certain brio. Nous incarnons une Lignée Royale, et il Nous appartient de maintenir l’équilibre entre les différentes factions du royaume par le biais de décisions binaires : faut-il ouvrir un hôpital, à la plus grande joie de Nos manants, mais au risque de mécontenter Notre Eglise et de mettre à mal Nos Phynances ? A mesure que le jeu progresse, Nous débloquons de nouvelles cartes, et donc de nouvelles possibilités, souvent joyeusement incongrues. Le jeu est malin, mais c’est aussi sa limite : les donnes finissent par se ressembler, et la chance prenant le pas sur la stratégie, Nos règnes se terminent en eau de boudin pour un oui ou pour un non, si bien que Nous Nous rappelons que pour gouverner, en principe, le truc c’est plutôt de prévoir. — ML

Strates & gît

Command LIVE : You Brexit, You Fix It ! (Warfare Sims, PC, 2016)

Déjà unique pour sa formidable représentation de la guerre moderne, CMANO va encore plus loin en brodant des scénarios issus de l’actualité la plus récente, distribués à la pièce. Après la Turquie, c’est au tour de l’OTAN de se confronter à l’éternelle Russie. Une démonstration éclatante de la difficulté d’organiser un système de défense à plusieurs voix dans une Europe en pleine dissolution. Hélas, la complexité du scénario révèle aussi les limites de l’interface, qui force le joueur à parcourir sans arrêt des listes de centaines d’unités. — LB

Shiren the Wanderer : the Tower of Fortune and the Dice of Fate (Chunsoft, PSVita 2015)

Comme beaucoup de croulants, Shiren n°5 sent un peu le formol. Il possède toutes les caractéristiques des jeux SNES d’antan, à la fois les graphismes superbes et la difficulté mal dosée ou la prédominance de l’aléatoire, qui ne rendent pas le jeu très accueillant. Mais rien que pour son côté historique, faire un Shiren est enrichissant : on y entrevoit les prémices du roguelike japonais sur consoles, on éclaire d’un nouveau jour des mécaniques qu’on ne comprenait pas jusqu’ici, et on finit par se prendre au jeu... juste au moment où celui-ci prend brutalement fin. En tout cas, je reste sur la mienne. — Colin Fourtet

Awesome Game Told Quick

No Man’s Sky (Hello Games, PC /PS4, 2016)

« Le plus beau ciel n’est qu’une sorte de balayure de choses répandues n’importe comment. » — Héraclite

Il y a 2 Messages de forum pour "Notules - 1 : Souviens-toi l’été dernier"
  • GRN Le 30 septembre 2016 à 10:44

    Merci pour cette compilation extrèmement variée. Je trouve intéressant de donner un axe d’appréciation pour chaque jeu malgré leurs (rares ou nombreux, pour certains) défauts. Exercice selon moi raté pour No Man’s Sky : la citation colle, parfaitement, à la promesse du titre. Néanmoins, la capture, qui elle illustre le jeu, me semble vide et laide. Ce jeu n’aura jamais réussi à m’émerveiller, ne serais-ce qu’une seconde. Quel gâchis de temps et de com. Ce n’est pas un Awesome Game Told Quick, au mieux un Quick Game Told Awesome.

  • Martin Lefebvre Le 30 septembre 2016 à 17:33

    Merci pour les mots gentils.

    Concernant NMS c’est une boutade... en fait je comptais écrire un papier plus long pour défendre le jeu, mais finalement je n’ai pas eu le temps de le faire. L’image n’est pas très belle en effet, mais on a parfois du mal à en choisir d’agréables à l’œil.

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