Made in France
Mardi, à la Gaîté Lyrique, j’ai co-animé avec Jérôme Dittmar de Games une table ronde consacrée à l’avenir du jeu vidéo indépendant français. La – petite – salle était comble, tout un public de journalistes, de créateurs et d’étudiants voulaient voir nos sémillants invités : William David (Swing Swing Submarine), Fabien Delpiano et Nadim Haddad (Pastagames), Alexandre Houdent (Globz), Frédéric Oughdenz (Lightmare) et Romain de Waubert de Genlis (Amplitude). Malgré la qualité de leurs prises de parole, et beaucoup de points de vue intéressants, le débat a pris une tournure un peu inattendue, et sans doute laissé pas mal de monde sur sa faim. Et c’est en large partie de notre faute... Sans trop nous en douter, nous avions tendu aux intervenants une sorte de piège, dont ils se sont plutôt bien sortis, mais qui les a sans doute gênés aux entournures : nous leur avons demandé si on pouvait trouver quelque chose de français dans leur jeu…
Ils ont bien été en peine de répondre, comme si la question n’avait pas lieu d’être... Pour résumer à grands traits (ceux qui veulent en savoir plus peuvent regarder le stream en replay ici ou là, même si ce n’est pas idéal), aucun d’entre eux ne voit son jeu comme spécifiquement français, et certains comme Romain Waubert de Genlis préfèrent éviter que la nationalité du développeur soit visible, pour ne pas s’aliéner une partie des joueurs. Il n’y a évidemment rien de mal à cela, mais les réactions du public ont été plutôt fraîches sur ce point, il me semble que c’est Etienne Perrin — qu’on aurait dû inviter à participer à la table tant il avait de choses à dire — qui a parlé d’un "french bashing intériorisé".
Aborder le sujet sous cet angle tenait un peu d’une provocation : j’avais déjà rencontré la plupart des intervenants pour un entretien croisé sur la bulle indé (dans le Games n°2, en kiosques), et à un moment, par hasard, l’expression « French Touch » est venue sur le tapis… tout le monde a ricané, moi le premier. Non, il ne fallait vraiment pas parler de ça, d’ailleurs c’était un truc de journalistes qui faisait bien rigoler les étrangers… On avait bien vu ce que ça avait donné ces histoires de « French Touch », avec la disparition pas très glorieuse de la majorité des acteurs historiques [1] qui avaient fait le jeu vidéo français des années 80, les Infogrames, les Delphine, les Titus... C’est entendu, il y a eu rupture, et il n’est pas forcément nécessaire d’aller chercher dans le passé une légitimité pour le jeu vidéo français [2], quand bien même celui-ci aurait connu une période relativement faste il y a de cela une vingtaine d’années.
France cultures
Et puis le débat a sans doute été frappé par le malaise tout à fait légitime que suscite la notion d’identité nationale. Dès que plane ce spectre à l’odeur rance, on a envie de se boucher le nez et d’aller voir ailleurs, mais la notion est aisée à déconstruire : une culture vivante est un flux, en perpétuelle évolution, pas un ressassement du même. Le but n’était pas d’amener le débat sur ce terrain qui pue le formol et la réaction. La culture française, ou plutôt les cultures françaises, si elles existent aujourd’hui, ce n’est pas Jeanne d’Arc. Ce serait plutôt Tanguy Viel ou Juliette Binoche, Abdelatif Kechiche ou Marjane Satrapi, Sophie Calle ou Didier Super, ou qui sais-je encore… On est bien loin d’une identité, mais d’une manière ou d’une autre ces artistes participent d’un espace culturel français, ouvert sur le monde, ce n’est pas le problème, mais aussi nourri d’une réalité sociale, d’une langue, d’une sonorité ou d’une tradition créative locale. Pourquoi les choses seraient-elles différentes pour le jeu vidéo ? Pourquoi le jeu vidéo français, indépendant ou pas, devrait-il se garder comme de la peste de toute référence à la France, se dissimuler dans un universalisme pour ne pas froisser un public mondial sans doute plus ouvert qu’on ne le pense ?
Entendons-nous, il ne s’agit pas de dresser le procès de créateurs qui se défendraient de faire un jeu français. A quel titre ? Que chacun fasse comme il l’entende, et je peux comprendre que certaines questions du public aient pu passer pour des agressions, même si l’intention de ceux qui les posaient n’était pas mauvaise. En tout état de cause, il me semble que le débat mérite d’être poursuivi, débarrassé de quelques scories, au risque d’enfoncer des portes ouvertes. On peut se sentir français sans être cocardier ou nationaliste, sans même être particulièrement patriote. Je suis Français parce que je vis en France, que j’ai la nationalité, et une culture française, voilà tout. Et je ne pense pas que les trois soient indispensables pour se considérer tel. Merlanfrit est un site français, même si nous passons notre temps à parler de jeux japonais et suédois, américains ou belges… n’en faisons pas un plat. Peut-être d’ailleurs que certains auteurs du site ne sont pas ou ne se sentent pas français, il n’y a pas de contrôle d’identité à l’entrée, et je ne passe pas mon temps à traquer l’anti-France au détour d’une note de bas de page. Mais il me semble que notre façon de penser, notre expérience quotidienne, nos biais intellectuels, même s’ils sont largement inspirés par ailleurs — heureusement que la presse JV peut se trouver des modèles étrangers — ont quelque chose de français, ne serait-ce que par le rapport privilégié que nous entretenons avec la langue — et les coquilles. Et si c’était une partie de ce qui faisait notre charme, évidemment tout relatif ?
« Think Locally, Fuck Globally »
Après tout, il faut peut-être se débarrasser du mot France ? Au pire, cela ne m’empêcherait pas de dormir. Comme le chante à juste titre Gogol Bordello, l’impératif c’est « Think Locally, Fuck Globally ». A un moment du débat, Jérôme a demandé si les développeurs français avaient des techniques de travail particulières… et Nadim Haddad a eu une réponse assez merveilleuse quand on y repense : « en France on aime bien faire une pause déjeuner ». Moi je suis plutôt du genre sandwich, et d’ailleurs ça se voit… Mais après tout n’y a-t-il pas là quelque chose comme un rapport spécifique au temps, qui pourrait, pourquoi pas, donner quelque chose de ludique ? On m’accusera sans doute de divaguer, mais est-ce qu’une équipe qui prend le temps de manger fait le même genre de jeu qu’une autre qui ne s’arrête pas ?
Cela me fait penser à un entretien avec le fondateur d’Avalanche, Christopher Sundberg, publié par Edge à l’occasion de l’ouverture d’une antenne du studio suédois à New York. Sundberg se félicitait d’apporter un peu de la culture d’entreprise suédoise en Amérique… entendons 36 jours de vacances et des semaines de quarante heure, autant dire l’équivalent de la dictature du prolétariat dans le contexte local [3]. Cette culture suédoise contribue peut-être à expliquer que sous ses airs de défouloir bourrin célébrant l’interventionnisme US, Just Cause 2 en constitue une brillante parodie. La parodie n’est certes pas une caractéristique d’une hypothétique identité nationale suédoise [4], mais il me semble que les conditions d’élaboration et le statut d’outsider du studio, liés au contexte local suédois, ont eu une part dans la philosophie de Just Cause 2.
Et puis il ne faut pas se tromper de bataille : l’internationalisme n’implique pas une uniformisation des cultures, qui risque fort de n’être que l’écrasement de toutes les divergences locales sous le soft power américain… Ok, pour un monde d’échange intellectuel et créatif, si celui-ci ne se résume pas à un pur tropisme hollywoodien, ou à une échappée dans la fantaisie coupée de tout réel localisable. Après tout si nous apprécions un film iranien de Kiarostami, un jeu japonais d’Atlus ou un roman ivoirien d’Ahmadou Kourouma, ce n’est pas seulement parce que ce sont des œuvres merveilleuses, mais c’est aussi parce qu’ils nous ouvrent une fenêtre sur une réalité différente, sur un ailleurs, à la fois loin de nous et si proche… de même, j’imagine qu’un étranger qui regarde un film ou lit un roman français doit éprouver le dépaysement de se confronter à autre chose, de découvrir des coutumes surprenantes, de s’étonner des désarrois d’une société qu’il connaît mal. Certes, le jeu vidéo a un rapport des plus complexes au réel, ce n’est pas rien de le dire.
Mais pourquoi l’écrasante majorité des jeux français, notamment dans les grands studios, à l’exception notable de l’étrange Remember Me, refusent-ils à tout prix de laisser la moindre trace qui pourrait sentir de près ou de loin la France ? Pourquoi les jeux Quantic Dream s’attachent-ils à une Amérique fantasmée de série B ? Evidemment on ne va pas forcer David Cage à adapter Le Rouge et le Noir (encore que, ça vaudrait le détour), pas plus qu’on ne va imposer à nos indépendants de créer Jean Valjean, le puzzle-platformer, ou Andromaque, la dating-sim (et pourtant…). Mais c’est vrai qu’on aimerait bien, sans forcer la main à qui que ce soit, que le jeu vidéo français prenne une petite cure de réel, fasse un petit tour de réalité sociale, y compris à travers le prisme de la fiction de genre… Après tout ça ne réussit pas trop mal aux Américains qui s’y essayent, de The Last of Us à Kentucky Route Zero…
If the Kids are United
Pour revenir à nos intervenants, loin de moi l’idée de mettre en cause la sincérité de leur travail, ou d’exiger quoi que ce soit d’eux : il se trouve qu’ils créent des jeux avant tout ludiques, de la stratégie, de l’arcade, du puzzle game… à leur manière, avec toute leur créativité, cela ne fait aucun doute, et il ne fait aucun doute non plus que ces jeux constituent pour eux une forme d’expression toute personnelle. Pour ne prendre qu’un exemple, j’ai été saisi par la manière dont William David défendait son travail sur le remarquable Tetrobot & co, en expliquant à quel point il était important pour lui de faire réfléchir le joueur. J’ai aussi été frappé par la manière dont les développeurs racontaient la solidarité qui régnait entre les studios, les coups de main des plus anciens aux nouveaux arrivants. Le jeu vidéo indé français frétille, les événements (jams, rencontres, etc.) se multiplient, la créativité est là, que ce soit chez les pros, chez les étudiants, chez les makers amateurs. Il lui manque peut-être une figure de proue. Ou bien de l’effet d’entraînement que crée une scène ?
Ce qui m’étonne un peu, si les développeurs sont en contact les uns avec les autres, n’échangent-ils pas des idées, des envies ? Vu de l’extérieur, à regarder la production indépendante française, on a l’impression, sans doute trompeuse, d’une atomisation, comme si tout le monde faisait son jeu dans son coin… Alors que ce n’est manifestement pas le cas. Je sais bien que les écoles, les mouvements n’ont plus tout à fait la cote. Mais après tout, le jeu vidéo indé français n’aurait-il pas besoin d’une scène locale ? Quelque chose comme le bouillonnement du rock alternatif dans les années 80, autour des Bérurier Noir, de la Mano Negra, des Garçons Bouchers, de Ludwig Von 88... Des groupes qui sonnaient différemment, et n’avaient peut-être pas tant que ça en commun à part des réseaux et une certaine conscience sociale, mais qui avaient plus ou moins constitué une scène nationale… ouverte au monde (le punk, la musique tzigane, arabe, andalouse…) et bruyamment anti-nationaliste (« La jeunesse emmerde… »). Evidemment, l’histoire ne se répète pas, et l’intérêt d’une scène se trouve parfois dans ses marges, dans ceux qui refusent de lui appartenir. Mais je me dis qu’un mouvement ne ferait pas de mal au jeu vidéo indé français.
Notes
[1] Ubisoft est évidemment une exception de taille, mais l’entreprise n’est-elle pas plus québécoise que française aujourd’hui ?
[2] Même si rien ne l’interdit, en témoigne l’excellent Out There qui tire certains de ses mécanismes de L’Arche du Captain Blood
[3] Les promesses ont-elles été tenues ? La question vaut évidemment d’être posée…
[4] Les responsables Britanniques de Rockstar et les Américains de Volition ont aussi leur mot à dire dans le domaine, et puis évidemment, dans le studio d’à côté Battlefield montre que les Suédois peuvent faire des jeux AAA tout à fait dans le moule.
Vos commentaires
Crim # Le 28 février 2014 à 10:36
Pour moi, au niveau de la cohésion de la scène indépendante française, il manque clairement quelque chose entre les studios indépendants et la presse / public. Un plateforme, un collectif (un peu comme dans la musique) pour mettre en avant de manière plus simple l’existence des studios /jeux. Évent for games (organisateur des indie games play) est un bon début, mais est incomplet car trop ponctuel. Et des événements du genre il y en a plein (pitch my game, game dev party, etc.) mais chacun de leur côté.
Martin Lefebvre # Le 28 février 2014 à 12:11
Faudrait presque organiser une Game Jam "french louche", évidemment ouverte au monde entier, mais qui aurait pour impératif d’avoir quelque chose de français : Le camembert ou Another World, Marguerite Duras ou Jamel Debbouze. ;)
Spoon # Le 28 février 2014 à 12:30
Par rapport à laisser une trace qui pourrait sentir de près ou de loin la France, est-ce que ça ne s’appliquerait pas au cinéma aussi également ? On peut considérer que Luc Besson est au ciné ce que David Cage est au jeu. Dans un autre registre, Quentin Dupieux situ ses films aux Etats-Unis également, mais avec un regard beaucoup plus contemporain sur sa mythologie.
"Mais c’est vrai qu’on aimerait bien, sans forcer la main à qui que ce soit, que le jeu vidéo français prenne une petite cure de réel, fasse un petit tour de réalité sociale, y compris à travers le prisme de la fiction de genre… Après tout ça ne réussit pas trop mal aux Américains qui s’y essayent, de The Last of Us à Kentucky Route Zero…"
=> Agreed, mais les américains ont l’avantage d’un rapport à la représentation de la réalité moins "chiant" que l’école française. La science-fiction rebute encore aujourd’hui beaucoup de producteurs, en tout cas sur les médias classiques. Malgré tout, on cultive encore beaucoup l’amour de la pensée critique lourdingue plutôt que de profiter pleinement du prisme de la fiction comme tu dis.
Ragekit # Le 28 février 2014 à 14:22
Je suis completement d’accord avec le fait que chaque oeuvre culturelle peut-être une ouverture vers la Culture à partir de laquelle elle à émergé.
Par contre, le depaysement culturelle ne se fait pas forcement uniquement d’un pays vers un autre, mais aussi entre diverses catégories sociales qui composent la même société. (tu me vois venir hein ?)
Je crois que le mot d’ordre dans le jeu vidéo aujourd’hui, c’est l’inclusion : inclusion des gens, des idées et des façons de faire qui sont différentes de ce qu’on à toujours eu comme position dominante. Si on veut bien sur que le jeu évolue et s’enrichisse de nouvelles perspectives.
Du coup, quand je vois le panel réunis, je suis un peu circonspect : j’ai l’impression que tout ces gens (aussi sympa et intelligent qu’ils soient au demeurant) proviennent de la même population sociale et donc partagent une certaine experience et ont un set de valeurs en communs et qui fait qu’une grande partie des experiences qui composent la société sont laissées de coté : quid des femmes dans le jeu vidéo français par exemple ? Il doit bien y en avoir ? Ou des groupes sociaux marginalisés qui font des jeux ? Il doit bien yen avoir aussi ?
C’est la faute de personne, et je pointe personne du doigt. Mais comme le débat porte sur l’enrichissement culturel du medium, j’ai pensé qu’il fallait souligner ce point.
Martin Lefebvre # Le 28 février 2014 à 14:27
Le plateau, malgré la qualité de nos intervenants, ne collait pas trop au débat, et c’est évidemment de notre faute. Il avait été réuni (avec un changement) une première fois pour le sujet qui est dans Games... Et là le débat a été beaucoup moins embarrassé il me semble, parce que la bulle indé c’était un sujet qui leur parlait plus.
Après oui je pense que le jeu vidéo indé est — en France en tout cas — sociologiquement assez homogène, et que la multiplication des formations payantes ne va pas aider. Evidemment il y a des contre-exemples, mais c’est tout de même l’impression que j’ai.
Pierrec # Le 28 février 2014 à 15:00
Je pense que même s’ils se défendent de faire des jeux made in France, les développeurs mettent forcément un peu de leur culture nationale dans leurs jeux, sans s’en rendre compte, et je trouve que c’est très bien comme ça. J’ai un exemple un peu idiot mais qui m’avait pas mal marqué : J’ai fait un jeu qui s’appelle Sister’s Little Helper dans lequel le joueur est amené à rouler un joint avant de s’endormir. Bon. Je n’ai absolument pas cherché à véhiculer la moindre culture française, le titre est en anglais, le jeu a été pensé et écrit en anglais (avec des fautes), mais j’ai été surpris de voir/lire la réaction de joueurs américains dans des articles ou let’s play sur youtube : ceux là étaient totalement déboussolés face à ce roulage de joint.
J’ai en effet reproduit cette manipulation telle que je la connaissais : effritage du shit, collage de feuilles, extraction du tabac d’une blonde...et ce n’est pas du tout comme ça que font les américains (qui ne connaissent que la weed, ne font pas de collages et ne coupent pas au tabac). Du coup, je me suis retrouvé avec un jeu extrêmement localisé français (ou européen) sans l’avoir fait exprès !
Je pense que ce genre de situation arrive fréquemment dans les jeux français, sans que l’on s’en rende vraiment compte. Imaginons par exemple que Game Dev Story ait été créé par Nadim Haddad, est-ce qu’il n’y aurait pas en toute innocence ajouté une pause déjeuner ?
MagiteKnight # Le 28 février 2014 à 15:15
J’avoue que je ne comprend pas du tout votre propension à vouloir que les français fassent du jeu vidéo français. Est-ce qu’on demande aux Allemands de faire des jeux vidéo sur la bière ou sur le mur de Berlin ? Non ! Ils font des jeux de stratégie (qui n’ont pas particulièrement à voir avec l’Allemagne).
Prendre les USA comme exemple c’est totalement biaisé. Car finalement on est tous bercés par les films, les séries qui viennent de là bas, ce qui donne un coté universel aux œuvres qui se placent du coté des USA.
Dans tout ça ce qui est VRAIMENT triste c’est que j’ai regardé votre table ronde de 2h et pas une seule fois les intervenants n’ont parlés de leurs jeux vidéos...
Martin Lefebvre # Le 28 février 2014 à 15:16
Pierrec <3 (bon, don’t do it at home, kids, winners don’t use drugs).
Je ne t’ai pas cité, et bon je ne veux pas froisser ta modestie naturelle, tu es un merveilleux exemple de ce que peut être le jeu indé français... Sans vouloir à tout prix faire français, ton pseudo et le nom de ton site font référence à l’OULIPO, tu récupères une forme de créativité française (comme l’avait fait l’Oubapo en son temps en BD, et d’ailleurs il me semble que la BD indé franco-belge des années 90 est aussi une de tes influences), et surtout tes jeux s’ancrent souvent dans la réalité d’une manière ou d’une autre.
Et en plus tu es actif sur la scène indé... J’aurais pu parler par exemple du Retro No Future qui a montré que les makers français avaient du niveau (même si j’ai contribué à filer le prix à une anglaise, j’chuis pas chauvin), et il y avait des jeux qui travaillaient aussi le réel, commeEveryday I’m Working de Rémy Sohier...
Bref, suivez cet homme !
Bon et puis tu ne trompes personne, tu as même fait un jeu sur le Corbeau et le Renard. ;)
Martin Lefebvre # Le 28 février 2014 à 15:24
@MagiteKnight : désolé si la table ronde ne t’as pas convenue, mais quoiqu’il en soit les développeurs n’étaient pas là pour parler de leurs jeux (ils font des choses si différentes, ça aurait été difficile de créer une discussion), mais plutôt de leurs pratiques et de leur vision de la scène indépendante.
Comme le disait Alex Houdent je crois, faire un jeu ce n’est que 50% de leur travail, et ce coup-ci on voulait se pencher sur l’autre part...
MagiteKnight # Le 28 février 2014 à 15:28
D’accord je comprend mieux merci. Mais même comme ça finalement leur vision est souvent très différentes. Ce sont des personnes avec des expériences, des envies, des studios hyper différents donc j’ai trouvé les réponses très décousues.
A part sur le coté entraide et échanges où ils disaient bien qu’ils communiquaient entre indés.
Martin Lefebvre # Le 28 février 2014 à 15:31
Oui, c’est ce que je disais, le plateau n’était pas forcément bien composé pour la direction qu’on a essayé de donner à la discussion... Erreur de débutant.
Damien # Le 28 février 2014 à 15:50
Excellent article, merci (en plus avec du Didier Super dedans, la classe ;)) !
Pour le problème de la "représentation des différentes classes sociales", je pense que cela n’est pas spécifique à la France ou à l’Europe, surtout quant on lit les déclarations d’Anna Anthropy ou Mattie Brice sur la question aux USA. Sans inciter au troll, on peut en dire de même de la répartition mondiale de la production vidéoludique : si on enlève les USA, le Canada, le Royaume Uni et La Corée du Sud, combien de créateurs de jeux reste t’il ?
Je suis peut-être un "gros naïf", mais je pense qu’avec le temps, le jeu vidéo rentre de plus en plus dans la culture, et c’est cela qui fait que nous aurons enfin un peu plus de diversité dans les créateurs de jeux, et donc dans les jeux eux-mêmes. Les initiatives visant à encourager cette diversité sont certes importantes et il faut les maintenir et les intensifier, mais il faut également leur laisser "le temps d’agir" car on ne pourra malheureusement pas rétablir la balance en un claquement de doigt...
@Martin : plus que le problème des formations, n’est-ce pas le manque de débouchés professionnels qui est en cause ? Malgré l’énorme talent des gens réunis à votre table ronde, leurs fins de mois sont souvent difficiles. A part quelques passionnés, comment attirer les gens vers un secteur qui, du moins en France, ne permet pas de payer le loyer et remplir le frigo ?
Si j’étais cynique, je dirais qu’il y a presque "trop" de formations par rapports aux débouchés : parmi tous ces étudiants motivés et talentueux, combien se retrouvent à bosser à McDonalds la journée pour créer un jeu la nuit, ou à épuiser leurs droits à Pole-Emploi en croisant les doigts pour que leur première création soit un succès (ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas...) ?
Au final, est-ce que le fait d’avoir à faire des sacrifices énormes sur sa vie personnelle pour travailler dans le jeu vidéo (soit crever la dalle en tant qu’indé, soit passer sa vie au boulot pour être licencié tous les trois ans dans l’industrie AAA, sans parler de l’obligation de s’expatrier) n’est pas en soi le plus gros "facteur d’exclusion" qui limite la "diversité sociale" de ce secteur professionnel ?
Ragekit # Le 28 février 2014 à 15:56
La représentation des classe social est un problème partout : ici, sur tout les intervenants, il n’y à pas une femme.
Bus # Le 28 février 2014 à 15:58
Pour la remarque sur Ubisoft (est-elle une compagnie québécoise ou française de coeur), je ne sais pas comment se comportent les filiales en France, mais au Québec, il est clair qu’Ubi affirme son attachement à la province. Ubi Québec a pondu un clip où l’on voit un Assassin se promener sur les toits de la capitale, sans véritable but autre que d’associer la franchise à la ville de Québec. Et à Montréal, Ubi est assez impliqué dans le tissu culturel, subventionne plusieurs organismes destinés aux jeunes avec un projet culturel, est partenaire de nombreux évènements, a participé à l’élaboration d’une exposition sur les pirates au musée Pointe-à-Caillères... Dans AC4, la fenêtre d’un bureau offre une vue sur le Mont-Royal au loin... Bref, clairement, Ubi fait des efforts pour associer son image au Québec et à ses villes d’accueil. Cela contribue beaucoup au fait que beaucoup de Québécois pensent qu’Ubi est une entreprise québécoise. Après, c’est sûr, ils ont les moyens de le faire, mais rien ne les obligeait à agir de la sorte, ils génèrent tellement d’emplois et de retour fiscal que de toute façon l’entreprise serait ultra respectée.
Martin Lefebvre # Le 28 février 2014 à 16:37
@Ragekit : y’a peu de femmes dans le JV, c’est évidemment un problème... D’ailleurs ça me peine qu’on n’ait plus de voix féminine sur MF depuis que Sachka n’a plus le temps.
Ygwee # Le 28 février 2014 à 17:52
Merci pour le retour sur l’expérience.
Personnellement j’ai bien aimé cette conférence et j’y ai largement retrouvé mon propre quotidien d’auteur de jeu dans les points de vue et témoignages de vécu exposés par les invités. Par ailleurs, j’ai été particulièrement étonné par bon nombre des questionnements des intervenants du public. Cette question de l’intention créative qui visiblement ne porte pas assez les signes d’une culture ou d’une identité française m’apparaît comme une problématique tellement lointaine par rapport à ma propre situation que j’ai été plutôt désarçonné par sa récurrence lors de la conférence.
Les auteurs de jeu français font des jeux qui par définition sont français. Que ces jeux ne témoignent pas de cette identité suffisamment aux yeux d’une part du public peut être un sujet de discussion à part entière, mais en l’occurrence le faire remarquer encore et encore à des auteurs particuliers, me semble totalement déplacé. Que cette identité française puisse être trop absente des productions d’auteurs français, que se posent cette question ceux que cela intéresse, mais les invités de la conférence ne sont pas responsables d’une situation globale, et si problème il y a, n’ont clairement pas à s’en défendre, se justifier ou s’excuser. J’ai trouvé pas mal des intervenants du public particulièrement à coté de la plaque là dessus.
Par ailleurs, la quasi totalité des auteurs français qui le font de manière professionnelle, donc qui s’efforcent de tirer leur revenu de leur seule activité d’auteurs de jeux, doivent gérer des contraintes économiques très fortes. Pour gagner sa vie dans le milieu il faut s’efforcer en général de faire des jeux qui soient au maximum universels et conformes à l’image que peut s’en faire son public cible. Et comme il est plus raisonnable et efficace de viser l’audience la plus large possible, donc par conséquent mondiale, il est évident que les auteurs qui souhaitent vivre de leur jeux doivent réaliser ces derniers selon des codes et des conventions les plus largement partagés possibles, et donc oui en général ces jeux s’inscrivent davantage dans une perception en phase avec les codes culturels des USA que dans une autre strictement française.
Rien n’empêche bien sur de gagner sa vie grâce à des productions davantage ancrées dans une perception se voulant davantage ancrée dans un réel typiquement français, mais ce choix n’est clairement pas le choix de la facilité. Et aujourd’hui ce choix ne peut être que marginal, soit de la part d’auteurs qui n’ont pas besoin du fruit de la vente de leurs jeux pour vivre, soit d’auteurs subventionnés.
C’est que pour nombre d’auteurs, il n’est question que de moyens. A titre personnel, j’ai par exemple dans mes cahiers, un scénario de jeu d’anticipation se déroulant dans une Marseille dystopique, scénario reposant sur une projection dont l’intention se veut là plus crédible possible. Ce scénario sera-t-il un jour un jeu bien réel ? Je ne sais pas, c’est surtout une question de moyens financiers. Peut-être que ce jeu sera réécrit pour par exemple se dérouler non plus à Marseille, mais à Baltimore, pas à cause d’un french bashing, mais à cause d’une stricte étude de marché sur les perspectives de ventes... Si j’étais rentier je ferais des jeux bien plus personnels, et donc j’imagine bien plus ancrés dans mon réel de français, sauf que comme la quasi totalité des auteurs, je ne suis pas rentier et mes jeux doivent payer mon loyer, ce que je mange, ce que je consomme. Dans ce contexte faire des jeux visiblement français, n’est pas ma préoccupation.
En ce qui concerne les auteures françaises de jeux, à titre personnel je vis et travaille avec l’une d’elles. Vous pouvez consulter certains de ses jeux les plus personnels, en suivant ces liens :
http://www.kongregate.com/games/Sto...
http://www.kongregate.com/games/Sto...
http://stormalligator.com/10-seconds/
http://stormalligator.com/one/
Tous ces jeux là s’inscrivent dans une démarche profondément personnelle, en dehors de toutes considérations économiques ou de rentabilité et portent particulièrement l’identité de leur auteure. Tous ces jeux ont été réalisés lors d’un laps de temps très court, lors de Ludum Dare.
Hell Pé # Le 1er mars 2014 à 00:23
Et c’est ça qui m’a le plus embarrassé à cette table ronde : la question "quel avenir pour le JV indé français" semble s’être arrêtée net à "faut bien gagner sa croute". C’est vrai, mais comme l’a dit Étienne Périn, c’est ce que les devs "pas" indés font déjà. Ne peut-on pas aspirer à quelque chose de plus artistique ? Les devs indés français, qui se connaissent tous, qui se rencontrent à Paris ("the place to be" comme cela a été dit ce soir-là) n’ont-ils pas des idées originales à s’échanger ?
J’insiste là-dessus, non pas parce que j’ai envie de reprocher de manière passive-agressive à Pastagames de ne pas s’appeler Jeuxnouilles (mais alors pas du tout), mais parce que cela me parait être une question de survie. "Est-ce qu’on demande aux Allemands de faire des jeux vidéo sur la bière ou sur le mur de Berlin ? Non !" Mais on demande bien aux Japonais de (re)faire des jeux japonais, parce que personne ne préfère un Binary Domain à un Gears of War. Et Dark Souls ne contient pas de sushis ou de lolis, et pourtant, c’est un jeu unique : c’est en cela qu’il est japonais.
C’est pour ça que j’avais demandé aux développeurs s’ils reconnaissaient des tendances, des genres de prédilections dans la scène française (manifestement ils n’en reconnaissaient pas) : ce qui compte à mes yeux, ce n’est pas de citer Baudelaire ou Maitre Gims dans un jeu pour le rendre cocorico, mais de chercher à exprimer une spécificité culturelle pour se distinguer de la masse. Pour reprendre l’exemple cité plus haut : parlons dans nos jeux de Marseille, parce que Baltimore, ça a déjà été fait dans The Wire, et ça risque d’être dur de faire aussi bien (cela dit ça se tente, puisque The Wire n’est pas un JV).
C’est, je crois, cette spécificité culturelle, cette identité qui permet à un jeu d’exister, d’avoir un impact artistique. Et tôt ou tard, il se peut que cela lui permette également d’avoir un impact financier. Parce que c’est justement ce que dit Jeremy Parish à propos du Japon : la crise d’identité de leurs jeux d’aujourd’hui pourrait bien être la nôtre demain. Il faut parvenir à concilier la pertinence artistique et le paiement du loyer.
Hell Pé # Le 1er mars 2014 à 00:35
Oh et j’oubliais : ce qui serait cool à faire en jeu indé français, ce serait un jeu textuel francophone. Je sais pas vous, mais j’ai tendance à avoir la flemme de faire un jeu Twine en anglais, même si je me débrouille bien avec cette langue. Et puis j’aimerais bien faire découvrir les possibilités du genre à des potes plus anglophobes que moi :-)
Pierre Gaultier # Le 1er mars 2014 à 01:32
Quelques jeux récents donnent une idée de ce que pourrait être un jeu vidéo français (= un jeu développé en France, géographiquement situé en France, inspiré de l’actualité, etc.). Y a du potentiel !
Avenue de l’École-de-Joinville, un jeu développé par des étudiants de l’ENJMIN, qui consiste à gérer le centre de rétention de Vincennes
http://avenue-joinville.fr/
Kill Mittal, bien connu des lecteurs de Merlanfrit ^^
http://merlanfrit.net/Revanche-sensible
Leehl, MMORPG post-apocalyptique situé à... Villeneuve-d’Ascq (près de Lille). Fermé début 2014
http://fr.wikipedia.org/wiki/Leelh
The Crossing, l’énorme projet avorté d’Arkane qui se déroulait à la fois en banlieue parisienne et dans un Paris alternatif et gothique dominé par les Templiers
http://pierregaultier.free.fr/anton...
Et Remember Me, bien sûr, mais Martin le cite déjà...
Maxence Bidu # Le 1er mars 2014 à 15:32
Bel article qui pose (ou re-pose) d’intéressantes questions bien que ce soit de manière inattendue.
D’abord, merci pour la couleur punk.
Ensuite, il est évident que le débat sur l’identité nationale a empoisonné toute discussion sur la notion même d’identité. C’est absolument dommage car c’est laisser mourir la pensée que de créer ainsi des champs clos dans lesquels on ne devrait plus oser pénétrer sous peine de se faire assaillir par les procès d’intention. Si la notion d’identité nationale n’a pas de réelle pertinence car forgée ex nihilo par une idéologie politique moisie, l’existence de diverses identités culturelles semble pour sa part indiscutable.
Il est à la fois vain et dangereux de prétendre s’affranchir de ces marqueurs identitaires car ils font tout simplement la richesse de l’humanité. Rejeter en bloc ces identités c’est surtout risquer de les voir disparaître au profit d’une identité culturelle dominante unique. Ce n’est pas souhaitable.
On s’accorde assez facilement sur le fait que le colonialisme a tristement conduit à l’étouffement des cultures autochtones en Amérique, en Afrique et en Asie. On accueille avec bienveillance voire enthousiasme le réveil de certaines de ces identités culturelles, amérindiennes par exemple. On soutient la résistance, parfois armée, contre une domination économique et politique qui conduit également à une négation des particularismes culturels. On veut le Tibet libre. On souligne la nécessité de se nourrir des différences de l’autre et de ses éventuelles origines étrangères.
Mais dans le même temps, défendre l’idée d’une culture française qui aurait ses particularités semble impensable. On est heureux de pouvoir manger japonais, indien, italien et que cela ait à chaque fois quelque chose de particulier. Mais il ne faudrait pas apprécier le bœuf bourguignon, Victor Hugo et Serge Gainsbourg pour ce qu’ils ont de particulièrement français. Non, ce serait faire preuve de nationalisme. On nie donc également aux étrangers le droit d’être attirés par la culture française pour ce qu’elle a de très particulier, alors que nous n’avons aucun problème à admettre qu’on puisse être attiré par l’animation japonaise ou la littérature russe. C’est absurde.
Tout ça a l’air hors sujet, désolé, mais quand un journaliste dit, en substance, que jouer à Out There c’est aussi charmant que de regarder un film français avec de mauvais sous-titres anglais, ça veut dire quelque chose, je pense.
Antonin CONGY # Le 1er mars 2014 à 15:43
Si je peux me permettre... étant indirectement nommé à certains moments de ces commentaire...
1 / Hell Pé : Je préfère mille fois Binary Domain à Gears of War. BD est un jeu Japonais, qui suinte le prisme culturel japonais (rapport à la machine, à l’IA, la modernité, importance des relations sociales). GeoW de son côté nous enferme dans la haine de l’autre, dans la recherche de matière première, de consommation d’énergie, avec une DA de Football américain...
Ce qui est révélateur c’est notre niveau de conditionnement au soft power américain qui nous empêche d’apprécier un Vanquish ou un BD à leur juste valeur, de ne pas ressentir une forme d’étrangeté face à ces productions hybrides, là où nous adhérons sans sourciller aux valeurs impérialistes de virilité militarisée
américaine.
2 / Il y a un grave malentendu quand on aborde la question de l’identité culturelle française à travers le JV. Il n’est pas question d’avoir une approche romantique, de faire la promotion d’un quelconque roman national, il est question d’un monde culturel multipolaire ou les créateurs français refusent d’exprimer une petite musique particulière en se rangeant aux impératifs consuméristes imposés par les standards de productions américains.
Jouer à un jeu indé c’est vivre une expérience intime, particulière, hors norme. Hors le JV indé français, ou du moins le panel représenté ce soir là, revendique uniquement une approche 100% ludologique qui fait du JV uniquement parce qu’il aime le JV reprenant à leur compte la définition auto référencée de l’art de Malraux. On n’a donc des jeux d’arcades, des puzzles games qui ne sont fondés que sur approche mécanique du gameplay.
Mais c’est en soi très révélateur, le JV français se défini surement par cette incapacité à parler de nous, car ce nous n’est pas définissable. Quand aujourd’hui on prône un nous inclusif il va de soi que le nous est contingent qu’il n’a pas d’identité propre que vouloir le définir c’est déjà en soi remettre en question sa nature inclusive...
Pour moi le débat est donc là. Et les enjeux sont immenses. Les Japonais déconstruisent leur mythes, leur histoire, leur société. La série des Yakuza est en ce sens très révélatrice. Le 3 met en scène une problématique géopolitique très sensible sur la question des bases militaires américaines (notamment à Okinawa), Musashi est revu et corrigé dans l’épisode Kenzan. Se faisant les Japonais, jouent avec eux même, ils se mettent en scène, dédramatisent et s’approprient des enjeux de société de conception de leur "nous" complexe. Les américains le font bien évidemment tout le temps à travers leur pop culture.
Là on nous en somme incapables. Soit par académisme et respect scolaire du culturel, soit par une totale incapacité à ce concevoir comme un "nous"... Les seuls contre exemple de vulgarisation, de popularisation de la culture classique, de notre histoire, de notre société sont rares et souvent maladroits : Le pacte des Loups, La Haine, Remember Me...
A quand un jeu qui nous raconte ? Qui nous met en scène dans les banlieues françaises ? ou dans le 16ème versaillais ? à quand un jeu sur la misère sociale des campagnes ? la détresse des agriculteurs ? la désindustrialisation (Kill Mittal ?), ou sur le romantisme nostalgique des enfants de pieds noirs, des harkis ? A quand un jeu sur la guerre d’Algérie ou l’on pourra jouer un pied noir, un harki, un membre du FLN, de l’ALN, un porteur de valise, un membre de l’OAS ? un jeu sur l’occupation où l’on pourra jouer le collabo, le résistant, le français moyen ? à quand un jeu sur notre école, notre adolescence ? à quand un jeu où l’on pourra revisiter notre histoire jouer le Chevalier D’Eon, le Chevalier St Georges, Beaumarchais, Bayard, Toussain L’ouverture ? Quitte à déconstruire ces mythes, à y mettre des dragons, des soucoupes volantes, des super héros...
Mais je pense que le JV français nous dit déjà des choses sur nous, je pense notamment à la figure du résistant. Dishonored, BGE et Remember Me, mettent en scène un héros trompé, qui lutte à la fois contre un Etat dévoyé et des médias manipulés à des fins de propagande. Cette figure du résistant est pour moi très révélatrice de notre inconscient collectif. Nous avons deux figures héroïques romantiques, le flamboyant vaincu qui remonte à Vercingétorix popularisé par Nap 3 et la 3ème République face à la figure allemande d’Arminuis, et le Résistant. Ce sont les 2 seules figures qui font consensus... ce qui fait dire à Julien du Tour de France par deux Enfants répondant à son maître : « Laquelle voudriez-vous avoir en vous, de l’âme héroïque du jeune Gaulois, défenseur de vos ancêtres, ou de l’âme ambitieuse et insensible du conquérant romain ? - Oh ! s’écria Julien tout ému de sa lecture, je n’hésiterais pas, j’aimerais encore mieux souffrir tout ce qu’a souffert Vercingétorix que d’être cruel comme César. ».
FourWude # Le 1er mars 2014 à 22:36
C’est en effet plutôt étonnant de voir ce manque de lien à la "culture française" dans nos productions vidéo ludiques. Et je ne pense pas que ce soit dû uniquement à des impératifs commerciaux, d’autant qu’on sait que l’imaginaire français est plutôt vendeur à l’international.
Il suffit de voir l’engouement pour un film comme Amélie Poulain, le succès relatif de Populaire hors de nos frontières, ou même la bonne exportation de la série Code Lyoko (qui au premier abord, ne semble pas ancrée dans un pays particulier, mais qui transpire la France par de nombreux points, comme le collège Kadic, typiquement français).
Non, ce qui me chagrine, c’est que pour les jeunes créateurs français, biberonnés comme nous tous à la culture américaine, il deviendrait presque plus naturel d’ancrer leurs œuvres dans un contexte international.
En tout cas, ce sont de très bonnes questions qui sont soulevées ici. Merci pour cet article !
Ygwee # Le 2 mars 2014 à 00:24
A force c’est tout de même pas mal insultant pour les auteurs de jeux français de répéter que s’ils ne font pas dans la culture française dans leur jeux c’est soit parce qu’ils font du frenchbashing, soit parce qu’ils ressentent un malaise en relation avec l’identité nationale, soit parce qu’ils ne pensent qu’au fric, soit parce que malgré eux ils privilégient ce dans quoi ils ont baigné étant jeunes (s’ils ne le sont pas eux-mêmes encore si on lit le commentaire juste au dessus...)
Personnellement j’ai 37 ans, j’ai commencé à m’inscrire dans des problématiques de création de jeux en 1993 alors que je participais à des parties tests de jeu de rôle traditionnel pour certains des éditeurs français de l’époque, notamment ceux qui faisaient de la création spécifiquement française. J’ai travaillé sur des projets de bandes dessinées de type franco belge entre 1996 et 1999, j’ai fait de la production et de l’écriture dans le milieu du court métrage typiquement français, tout d’abord en semi pro puis en professionnel, entre 1997 et 2005... J’ai participé à des projets muséographiques entre 2004 et 2006, projets qui avaient vocation à mettre en avant de la culture typiquement européenne d’une part, mais française d’autre part... Je pense avoir donc quelques dispositions à saisir et traduire ce que pourraient être ces intentions dont vous déplorez l’absence dans le jeu vidéo français...
Sauf que faire du jeu vidéo, c’est un mode de production particulier, et ce essentiellement lorsqu’il est question des réalisations de petites équipes indépendantes. Un jeu à petit budget c’est en général une ou deux mécaniques qu’on décline et qu’on enrobe d’une apparence non pas dictée en premier lieu par des considérations identitaires, mais d’ordre ergonomique. Par ailleurs, désolé de vous contredire, mais non des directions artistiques trop spécifiques et s’inscrivant dans des référentiels trop pointus ça peut très souvent rebuter un public international, les échecs successifs de Taxi Journey sur Kickstarter illustrent parfaitement cela. Et pour les petits studios, viser un marché international c’est une obligation dès lors qu’ils ne disposent pas à l’avance d’une communauté francophone acquise.
Aussi dans ce contexte, pour la très large majorité des projets pensés pour être rentables, les petits studios indépendants doivent par la force des choses prioriser des rendus ergonomiquement et universellement efficaces.
Ça me sidère de voir que des choix rationnels, dictés bien souvent par des études de marché sérieuses, soient disqualifiés au feeling par des gens qui n’ont pour la plupart jamais essayé de rentabiliser le développement d’un jeu vidéo.
Faire du jeu indé particulièrement inscrit dans une culture française apparaît pour la plupart des professionnels aujourd’hui comme une démarche marginale de gens subventionnés ou sans impératif de rentabilité. Vous pouvez bien entendu ne pas être d’accord avec ce sentiment partagé par nombre d’auteurs indés, pas de souci, mais vous pouvez aussi accorder un peu de crédit à l’opinion de professionnels dont c’est le quotidien de vendre du jeu.
De plus cette démarche de faire du jeu à l’identité française ne peut être également appliquée à tous les genres de jeux vidéo. Des jeux d’aventure, des point & click, des wargames peuvent par exemple facilement reposer sur un cadre qui évoque la culture ou l’histoire française, mais tous ces types de jeux sont déjà à la base des jeux de niche absolument pas représentatifs de l’ensemble de la production. Des plateformer, des puzzle game, des tower defense, ne pourraient paraître français que par l’aplat artificiel d’un vernis "bleu blanc rouge". Est-ce vraiment ce dont il est question ici ? Juste l’aplat d’un vernis ?
Par ailleurs, les petits studios ont besoin de rentrées d’argent pour durer et aussi longtemps qu’ils sont dans une situation précaire, il est plus rationnel pour eux de faire les jeux qui sont les plus susceptibles d’être rentables. Ça vous embête que de telles considérations puissent être prépondérantes dans les choix fait par ceux qui cherchent à vivre de leur travail ? Eh bien faites les, vous, ces jeux dont vous déplorez l’absence. Des jeux français qui portent une identité française, allez donc les réclamer à ceux qui ont la trésorerie qui leur assure une visibilité à 3 ans, eux ils ont les moyens de faire ces jeux là. Les studios qui n’ont pas visibilité financière à 6 mois, ils vont vachement se lancer dans des projets incertains.
Vous réalisez quand même que lors de cette table ronde, et ensuite en commentaire de cet article vous réclamez à des entreprises fragiles spécifiques de se mettre en danger tout ça parce que les jeux français en général ne porteraient pas assez ostensiblement la culture française ?
Et pour finir, essayez un peu de vous sortir de la tête ces fantasmes que le jeu vidéo indépendant, c’est en premier lieu ces petites merveilles intimistes, hors norme et personnelles qui font parler d’elle de temps en temps. Les projets pensés pour être rentables ne sont pas pour leur quasi totalité les mêmes que ceux pensés pour être intimes et personnels. A part la dizaine de projets hype qui chaque année font parler d’eux, les milliers de productions indépendantes sont des projets totalement mainstream et pour la plupart interchangeables.
L’indépendance ce n’est pas une démarche, c’est un mode de production. Les indés n’ont pas davantage de responsabilités créatives que les gros studios, au contraire, et penser l’inverse c’est nourrir une chimère. Les auteurs français professionnels font les jeux qu’ils parviennent à faire, ni plus ni moins. Intéressez vous à ceux qui vous conviennent, et ignorez les autres, mais de grâce ne vous hasardez pas à dicter à des auteurs ce qui vous semble à vous nécessaire ou même vital pour l’avenir d’une scène française totalement idéalisée. Si vous faites des jeux, faites les avec autant de bouts de la culture qu’il vous conviendra et faites les raconter ce que vous voulez qu’ils racontent, mais que vous fassiez ou non des jeux, pitié laissez les autres auteurs faire leur métier comme ils l’entendent, parce qu’objectivement ils ne vous doivent rien.
Nomys_Tempar # Le 3 mars 2014 à 21:12
Très bon article, la réflexion de fin sur le mouvement (français ou pas d’ailleurs) vidéo-ludique est intéressant car elle rejoint les réflexions sur la fin de l’histoire de l’art et la fin des mouvements artistique de la modernité.
Il y a, dans le jeux vidéo, aujourd’hui le même constat que dans tout les autres arts/médiums : tout le monde fait des trucs cool dans son coin, mais pas ensemble.
Car il manque une inspiration, une idéologie, un leitmotiv qui ferait avancer tout le monde (quel qu’il soit) sur un même chemin et qui prenne suffisamment d’ampleur pour être plus qu’un buzz éphémère...
Steph # Le 4 mars 2014 à 14:12
Ygwee : merci pour votre intervention. On peut en effet se demander si, de part les logiques de production, (coûts, division du travail, rentabilité) le jeu vidéo peut être autre chose qu’un produit mainstream.
Bel effort de synthèse et de promotion dans cette vidéo et cet article.
pudead # Le 5 mars 2014 à 10:00
Merci pour cet article qui remet en perspective la conférence.
J’aimerais revenir sur une question qui, je crois, entre en complémentarité avec ce débat sur "l’identité nationale". J’ai trouvé dommage que les intervenants ne soient issus que d’un jeu vidéo typé ludique. On a quand même la chance d’avoir, dans le jeu vidéo, une diversité de jeux plutôt impressionnante : narratifs, ludiques, expérimentaux, simulation, serious game etc. Et je reste convaincu que le jeu vidéo français ne se réduit pas au jeux vidéo de type ludique, pourquoi ne pas avoir invité One Life Remains par exemple ?
Du coup, ça m’amène vers une réflexion surement complètement subjective. Est ce que ce type de jeu, qui suit une voie tracée par les Mario, Tetris and co a pas quelque chose d’un peu ringard ?
Vu les chamboulements formels que connait le jeu vidéo depuis un petit moment (citons entre autre, Papers Please, Kentucky Route Zero, Last of Us, Proteus, Mirrormoon voir Dark Souls ou Oddworld), est ce que le chemin ludique n’est pas un peu celui de la facilité ?
Je rejoins ce qu’a dit Etiene Perin lorsqu’il citais la peinture flamande, le western italien et le ciné allemand des années 20. Super exemples de mouvements qui ont combiné innovations formelles et une personnalité toute nationale.
D’accord avec Hell Pé aussi, pas de sushis dans Dark souls, pourtant c’est du jap pur jus. Je pense d’ailleurs, qu’à partir de là, on pourrait dégager des caractéristiques communes aux jeux scandinaves. Les Amnesia, les Badlands ou Limbo ont deux trois trucs en commun. La solitude, la peur, la mécanisation sauvage (pour les deux derniers, et SOMA risque aussi de se rapprocher de ça vu le trailer).
Bref, je m’égare mais en gros je pense que c’est un peu triste de faire des jeux avec des pingouins roses. D’ailleurs, Fabien Delpiano devrait faire attention à ce qu’il dit parfois, ses remarques sur les étudiants en jeux vidéo (en conférence et en interview) étaient un peu insultantes. "Moi le vieux briscards, je vous dit que tous ces petits étudiants y z’apprennent que dalle à l’école. Je t’y foutrais des tartes moi". Comme si le gars faisait des jeux révolutionnaires...
Martin Lefebvre # Le 5 mars 2014 à 10:10
Fabien a un certain franc-parler, il est parfois dans l’excès, mais c’est signe d’une passion... que je trouve respectable, ça change des déclarations compassées qu’on lit habituellement dans la presse.
Il faut remettre ses propos en perspective : quelque part il envie la liberté des étudiants, qui ont le temps de mener à bien un projet personnel... Il déplore juste que certains projets manquent d’ambition. Ce n’est évidemment pas le cas de tous les projets étudiants, mais je vois plus ses déclarations comme une invitation à oser.
pudead # Le 5 mars 2014 à 13:45
Disons que ce je que lui reproche aussi, c’est d’enfoncer des portes ouvertes, tous les étudiants ne peuvent pas être des Fumito Ueda en puissance.
Après, je suis bien d’accord, pas mal d’étudiants osent peu. Mais, encore une fois, ça vient peut être d’un paradigme vidéoludique qui domine encore aujourd’hui (même si il s’estompe un poil), celui du ludique, ou plutôt, d’une vision un peu réduite du ludique. Je me souviens qu’un ami de supinfogame me disait que ses collègues de promo se moquaient de lui lorsqu’il qualifiait les jeux vidéo "d’oeuvres".
Ca a quelque chose d’un peu fatiguant et j’ai l’impression que c’était la vision des développeurs présents, après je ne connais pas tous leurs jeux par coeur donc je peux me tromper. Et je ne dis pas qu’il faut se plonger dans le jeu expérimental à la Tale of Tales mais peut être d’offrir aux joueurs des univers solides et cohérents, en plus d’énigmes retorses. Dans ces jeux à dominance ludique, j’aimerais plus de Jon Blow, de Lorne Lanning, de Keita Takahashi, de Playdead (même si les énigmes de Limbo étaient plutôt simples), des gens qui savent marier ludique et réflexions sur le monde.
J’aimerais qu’on mette en pause les univers bariolés et interchangeables des Mario, ceux qui n’étaient conçus que pour le jeu.
Bref, sinon, la conférence était une bonne initiative et j’espère en voir d’autres. J’ai été agréablement surpris par le numéro 2 de Games, je trouvais le premier bon mais perfectible. Avec le second, j’ai eu l’impression d’un super bond en avant. Ca fait vraiment plaisir de voir que le petit monde jeu vidéo est non seulement chamboulé à travers ses jeux, mais aussi à travers sa critique.
Martin Lefebvre # Le 5 mars 2014 à 13:59
Merci pour Games. Je pense qu’on a encore une marge de progression, on apprend des choses d’un numéro à l’autre, on a déjà compris quelques écueils à éviter, etc.
BlackLabel # Le 5 mars 2014 à 14:14
Pudead :"Après, je suis bien d’accord, pas mal d’étudiants osent peu."
Quand tu es étudiant généralement tu n’as pas d’expérience, pas de vision de la vie, pas de "bouteille". C’est pour ça que tu es "étudiant". Tu peux pas oser grand-chose quand tu sais pas vers quoi oser.
pudead # Le 5 mars 2014 à 14:43
@ BlackLabel : c’est pas faux mais ça dépend aussi à quel stade en est l’étudiant, on peut être ambitieux tôt.
@ Martin : Ah si par contre, un truc que j’ai un peu de mal à comprendre (mais je crois qu’on vous l’a déjà fait remarquer), c’est à propos de la couverture... Je suis pas sur qu’un non joueur puisse être attiré par une couverture comme ça...
BlackLabel # Le 6 mars 2014 à 12:12
Pudead :
L’ambition c’est différent.
Ce que je veux dire, c’est qu’on ne peut pas attendre des étudiants des miracles avec le bagage qu’ils ont, bagage à tous les niveaux, culturel, artistique, intellectuel, expérience de vie. Ma prof de philo au lycée disait qu’un philosophe devient philosophe vers 35/40 ans, avant ça il est en formation. Je pense que c’est un peu pareil pour l’art, et même pour la vie en général où soit on est guidé par nos parents sans avoir d’avis, soit on se cherche quelques années.
Le discours des vieux devs "Faut oser les enfants" c’est pour moi un cliché. C’est à eux d’oser, de montrer l’exemple, au lieu de se reposer sur la génération suivante et leur soi-disant liberté. Ils sont pas libres, ils sont nus.
# Le 6 mars 2014 à 16:45
(Selon une etude recente et n’en deplaise a Platon, on deviendrait en fait philosophe vers 45/50 ans (et n’en deplaise aux "grands philosophes de la tradition" morts avant cet age))
gludion # Le 6 mars 2014 à 18:06
La problématique se pose à différents niveaux :
le gameplay : (comme cela a été dit dans le débat) certains genre sont mieux ou + souvent traités dans certains pays. Ex : simulateur de WC au Japon, tel sous-genre du FPS en Allemagne, etc..
En France je ne vois pas trop de genre privilégié.
Les univers : mon avis personnel est que les types d’univers ne sont pas trés nombreux. Les grosses tendances : Sci-Fi/Tech, Heroic-Fantasy, Animaux, Réalisme historique ou contemporain, Magie/Surnaturel. Sans compter les combinaisons croisées bien sur.
Il y a là un "jeu" assez stratégique pour un studio ou éditeur : étant donné un gameplay donné, comment choisir un univers ? Faut-il rester sur les univers traditionnellement associés à ce genre, ou au contraire aller à contre-courant ? Faut-il choisir un univers "qui ratisse large" (Mario, Flappy Bird, ...) , ou moins accessible (nécessitant un background culturel pour identifier à peu prés ce qui se passe...) ? La "sensibilité à l’univers" est un paramètre important chez les créateurs mais aussi du coté du public, qui peut etre rebuté par les visuels trop "guerriers" ou trop "kawai", etc.. Plutot qu’un "jeu", notez que c’est aussi ce qui justifie l’existence des départements marketing.
Et on retrouve un peu la meme problématique dans tous les arts narratifs et/ou visuels (cinéma, bd, etc.).
C’est donc un sujet difficile sur lequel il n’existe pas de règle établie (sauf peut-etre dans les départements marketing ;-)).
Quand l’oeuvre est excellente, elle franchit les frontières et les préjugés.
Dans mon expérience j’ai remarqué que l’univers est l’objet essentiel du discours critique, journalistique, ou marketing. Une raison simple est probablement qu’il est plus facile de parler d’univers que de gameplay. Car parler/commenter se situe en soi du coté du littéraire donc de l’univers.
C’est essentiellement par l’univers que le public va parler du jeu. Ex : "c’est un jeu ou tu es un gangster ivre qui doit racketter des mémés".
Le gameplay, lui, est interactif, difficile à objectiver ou a décrire. Ex : "c’est un side-scroller ou tu dois choper des items, mais le twist est que le controleur est élastique"
Si vous vous penchez sur les studios qui privilégient l’innovation en matière de gameplay, les revendications créatives sur l’univers sont beaucoup moins fortes (attention je ne dis pas que la créativité elle-meme est moins forte, mais que l’importance ou l’ambition associée est moins présente dans le discours). Par exemple Minecraft propose une expérience inédite en gameplay, pourtant l’univers est "minimal".
Inversement chez les studios qui utilisent des mécaniques bien rodées (qui sont plutot dans l’innovation incrémentale ou le twist léger), alors là la problématique "univers" devient curieusement un enjeu + important ! Certaines mauvaises langues diraient "bin oué, ils n’ont que ça à faire, donc forcément..."...
Pour etre complet il y a 4 combinaison possibles :
gameplay classique + univers classique
gameplay classique + univers innovant
gameplay innovant + univers classique
gameplay innovant + univers innovant
L’interdépendance des 2 paramètres est étonnament absente des débats, comme si on osait pas s’avouer ou on se situe dans le diagramme, ou comme si on était pas vraiment lucide sur leurs relations.
Durant le débat, Pastagames l’a bien dit : "nous on se concentre sur le gameplay, alors l’histoire on s’en fout" (je simplifie).
(Ce qui n’empéche pas que leurs graphismes sont perçus comme "western-style" au Japon !)
Voila pourquoi le débat tel qu’il s’est développé me semble aussi arbitraire (pas inintéressant, mais bon..) que le traitement de la couleur bleue (par exemple) dans les JV : c’est bien là, c’est présent (parce qu’il faut bien mettre un couleur quand on code un prototype), mais on peut aussi passer 3 jours à chercher la nuance de bleu adéquate pour tel décor. Mais n’est-ce pas totalement artificiel (en tant que problématique) ? Ca peut faire un bon article j’en conviens, mais de là à inviter 6 personnes...
Ce qui était intéressant dans le débat c’était en quoi l’éco-système "France" influe sur le milieu dans son ensemble (ça a été traité au début du débat) : le coté microcosme, l’influence d’un gros studio pour apprendre, les échanges aides, et entraides.
Et aussi en quoi le public français peut avoir des attentes particulières. Mais là il aurait fallu inviter des observateurs de la consommation, ou les excellents (et trop souvent ignorés) Motion-twin qui - comme la dit A.Houdent - avaient un modèle économique qui les oblige à etre en contact direct avec leur communauté, trés franco-française à leurs débuts.
Martin Lefebvre # Le 6 mars 2014 à 18:42
Oui durant la table ronde, on s’est peut-être un peu enlisé sur la question de la culture alors que les autres aspects auraient été plus intéressants, surtout avec ces invités.
Sinon ton avis est très éclairant, mais il y a deux remarques qui me viennent :
Pas d’accord pour dire que Minecraft propose un univers si minimal que ça... Le jeu a une palette, une atmosphère, des créatures emblématiques... C’est un vrai jeu d’ambiance. Après je ne sais pas si c’est un jeu typiquement suédois, même si Notch a clairement prolongé ce qu’il faisait déjà dans l’équipe de développement de Wurm Online, donc il y a au moins une influence d’un autre studio du coin. Après je sais pas, on pourrait peut-être dire que les Scandinaves (mais est-ce une aire culturelle la Scandinavie, j’en sais rien) sont assez forts pour le kit (Lego, Ikea...), et que les Suédois font pas mal de jeux open (Just Cause, Battlefield, la strat façon Paradox...). Après c’est vraiment à l’arrache.
Je pense qu’un jeu d’action, même très ludique, peut par son décor, son animation, se rattacher à une culture ou une autre... Un peu comme les jeux de Minter sont très influencés par toute une culture underground anglaise, la demoscene, le Spectrum, les raves et la transe... sans être pour autant des jeux narratifs. On ne peut pas couper le gameplay du reste, à moins vraiment de faire un prototype, et encore...
gludion # Le 6 mars 2014 à 19:16
oui je suis d’accord que la culture "nationale" transpire en quelque sorte forcément à travers l’univers, meme quand on essaie de faire "international" (ceux qui ont gouté à l’out-sourcing de graphisme ou animation dans des pays lointains le savent bien).
En fait je voulais juste donner le point de vue coté production, et montrer les stratégies possibles, avec des paramètres suffisamment compliqués pour des indies pour qu’ils n’aient pas envie d’ajouter une problématique nationale.
Faut ptetre demander + d’infos aux gros éditeurs, qui ont une vision trans-nationale et qui ont pu constater l’effet réel des spécificités nationales (le sang vert en allemagne étant l’exemple cliché).
ps : dans mon post c’était non pas Arkedo, mais Pastagames que je cite à la fin.
Martin Lefebvre # Le 6 mars 2014 à 20:23
J’ai corrigé. :)
Clément # Le 11 mars 2014 à 17:34
Un site intéressant dans le domaine : http://amafrance.wordpress.com/
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