Kentucky Route Zero, Hummingbird Mind, A House in California
Ma Kentucky Route Zero (1/3)
Je parle et je l’écoute parler
Nominé à l’IGF 2013 dans pas moins de quatre catégories, Kentucky Route Zero est sans doute une des plus grosses surprises vidéo-ludiques de ce début d’année. Mêlant nouvelle interactive, point & click et dramaturgie, ce jeu poétique et fantastique parvient à instaurer une ambiance si difficilement descriptible qu’il m’a fallu me replonger dans les anciennes productions de Jake Elliott, un de ses auteurs, pour tenter d’en percer les mystères.
Acte 0, Scène 1 : Hummingbird Mind
On m’avait demandé d’écrire quelque chose sur Kentucky Route Zero. Ce jour là j’étais seul, assis devant mon ordinateur, prêt à marteler le clavier dès que l’inspiration se pointerait. Mais je n’arrivais pas à me concentrer, mes paupières étaient comme plombées, et je ne cessais de me trouver des excuses pour me distraire. Après avoir tout tenté : vérifier le courrier, sortir le chien, faire la vaisselle, je me rassis sur ma chaise de bureau, et fermai les yeux un instant. C’est à ce moment que le colibri apparut.
Bonjour.
Bonjour petit oiseau. Joli chapeau.
On ne peut pas en dire autant de ta mine. Tu as l’air contrarié.
Oui, je dois écrire sur Kentucky Route Zero, mais je ne parviens pas à trouver l’inspiration.
Kentucky Route Zero ? Qu’est-ce que c’est que ça ?
Bonne question. Je réalisai que je n’en avais pas la moindre idée. Mon court silence dût me trahir puisque le colibri répliqua aussitôt.
Mais quel idiot ! Comment veux-tu écrire sur quelque chose que tu ne connais pas ?
Cela semblait sensé...
Trouve d’abord la Kentucky Route Zero, tu trouveras peut-être ton inspiration ensuite.
Ce sont les derniers mots que prononça le colibri avant de disparaître, avant que j’ouvre les yeux. Trouver la Kentucky Route Zero...la tâche ne semblait pas aisée, mais au point où j’en étais je n’avais rien de mieux à faire que de suivre ce conseil, fut-il prodigué par un oiseau-mouche. Et puis...c’était l’occasion de découvrir de nouveaux paysages. [1]
Acte 0, Scène 2 : A House in California
J’avais conduit toute la journée et était arrivé jusqu’en Californie. La température déjà avait bien chuté mais les grillons continuaient à grésiller comme si de rien n’était. Je m’arrêtai un instant pour écouter leur chant, mêlé à celui des derniers oiseaux, mais, au moment de repartir, celui-ci fut rejoint par les vrombissements peinés de mon moteur. Impossible de démarrer ! Le voyage commençait tout juste que j’étais coincé, perdu, au milieu de nulle part.
C’est en inspectant les environs que je remarquai une maison. Étrange, je ne l’avais pas vu en arrivant. Il faut dire que dans la pénombre, ses murs n’étaient éclairés que de pâles lucioles. Dans l’espoir d’y trouver des secours, je frappai à la porte, et fut surpris de voir un jeune garçon m’accueillir.
Bonsoir petit, tes parents sont à la maison ?
Sans un mot, il m’invita à entrer, me fit asseoir dans un fauteuil, et s’éclipsa vers la cuisine. La maison était plongée dans le noir, l’accueil du gamin était pour le moins étrange, mais curieusement, je me sentais à l’aise dans ce salon. Quand le garçon revint, il déposa devant moi une tasse de thé et une tartine de beurre de cacahuète. Le mug et l’assiette arboraient des imprimés de chaton.
Écoute petit, ma voiture vient de tomber en panne et je cherche un moyen de me rendre sur la Kentucky Route Zero.
L’enfant ne dit rien mais me fit signe de continuer. Je lui racontai alors l’histoire depuis le début : la page blanche, le colibri, le voyage, les grillons et ce n’est que quand j’en arrivai aux lucioles que son visage s’éclaira et qu’il prononça son premier mot :
Regarde.
Regarder, d’accord, mais quoi ? La maison dans laquelle je me trouvais n’était composée que de quelques lignes blanches sur fond noir. Les pixels grossiers qui la composaient n’étaient certainement l’œuvre ni d’un charpentier, ni d’un artiste...c’était à se demander comment elle tenait debout. Étrangement, j’étais incapable de dire si elle était encore en construction ou si elle tombait en morceau, s’il s’agissait d’un prélude ou d’une ruine. Je fis part au gamin de mes conclusions.
Souviens-toi.
Décidément, il aimait jouer aux charades. Cette maison n’était pas la mienne, quels souvenirs pouvais-je donc en tirer ? Ha si, il y avait quelque chose dans cette chaleur bienveillante du foyer qui me rappelait mes grands-parents. Les lucioles qui s’agitaient aux fenêtres me rappelaient l’enfance, tout comme ces oiseaux, dehors sur leur fils, qui m’évoquaient cette mangeoire que j’avais fabriquée à l’âge de dix ans.
Qu’est-ce que tu essayes de me dire ? Que la Kentucky Route Zero se trouve en fait dans mes souvenirs ? Que j’avais faux sur toute la ligne et que c’est en fait un voyage introspectif qu’il me fallait mener ?
Oublie.
Oh...bon...
Le garçon me conduisit alors dans ce qui semblait être sa chambre. Un vieil Apple II traînait sur le bureau. Il y inséra une disquette puis me laissa la place devant l’écran.
Joue.
C’était Rocky’s Boots, un jeu de 1982 consistant à construire d’étrange machines à coups de pieds. L’abstraction des graphismes me laissait froid, les effets sonores étaient quasiment inexistants, et même après plusieurs minutes de jeu, je n’arrivais même pas à saisir pourquoi au juste on attendait de moi que je fabrique ces machines.
Écoute, moi aussi j’aime bien vieux jeux-vidéo, et je suis sûr que je pourrais passer des heures ici à redécouvrir de vieilles disquettes en me gavant de beurre de cacahuète, mais pour le moment, tout ce que je demande, c’est de me remettre en route pour la Kentucky Route Zero. Il n’y aurait pas un téléphone quelque part, pour que j’appelle un réparateur ?
Apprend.
Oui, oui, apprendre. C’est tout ce que je demandais au fond, mais ce morveux était loin de me faciliter la tâche. Je m’attelai encore un peu à Rocky’s Boots et j’appris à fabriquer des machines donneuses de coups de pieds. Parfait ! Encore un talent inutile à ajouter à la liste. Je détournai les yeux de l’écran, me levai, m’apprêtait à partir quand le garçon s’écria :
Attrape !
C’était mes clefs de voiture que j’attrapai de justesse. Comment se les était-il procuré ? Le bougre serait-il aussi cleptomane ? Je le saluai hâtivement et retournai à la voiture pour donner une deuxième chance au démarreur. Toujours pas. Cette fois pourtant la panne me sembla plus évidente : un simple souci de connectique. Je retroussai mes manches et me penchai sur le circuit du démarreur. Tout était après tout une question de logique : un fil par ici...un switch par là...en deux temps trois mouvements le problème était réglé. Marrant, je ne me connaissais pas ces talents en électronique... C’est à ce moment seulement que je compris que oui, Rocky’s boots m’avait appris quelque chose ! Je me tournai vers la maison, espérant voir le gamin par la fenêtre pour le remercier, mais elle avait tout bonnement disparue. Hmm...sans doute la faute aux lucioles. [2]
Notes
[1] Hummingbird Mind : http://cardboardcomputer.com/2010/0...
[2] A House in California : http://cardboardcomputer.com/2010/1...
Vos commentaires
Prophet # Le 10 février 2013 à 23:37
J’aime bien l’exercice de style, et j’ai eu le même mal que toi a expliqué à certains ce qu’était vraiment KRZ.
J’ai adoré l’expérience, j’ai fait un test d’ailleurs, humble et quand je te lis, bien mal informé et inculte mais tu peux y jeter un oeil si tu veux avoir confiance en ton style et ton inspiration ^^ : http://www.gamerslive.fr/2013/01/16...
... Au final pour les besoins du test et mon éternelle insatisfaction, je le trouve très superficiel et maladroit, même si ma réflexion est très similaire au fond (le fait que je me soit renseigné sur l’auteur aidant).
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