Après le ravage du lieu saint qu’est le sanctuaire de Bur-Omisace par l’armée d’Arcadia, l’une des villes les plus australes du monde connu d’Ivalice, voilà que Vaan et son équipe se décident d’infiltrer la capitale ennemie : Archadès, ville au nord de toute celles connues par le jeune homme. Pas question de prendre un engin volant à la frontière. C’est invisible qu’il faut progresser.
La guilde, après être remontée jusqu’à la forteresse de Nalbina où la pression de l’occupant se faire d’ores et déjà ressentir, soldats bourrus et esclaves harcelés, commence son voyage vers l’inconnu. Les dernières bandes de sable disparaissent pour laisser place à un étroit chemin engoncé entre deux murs de pierre. Seul le ciel limpide reste visible, la vue étant de toute part bouchée par le roc. L’altitude permet à une végétation naissante de s’épanouir dans le sable, comme des petites tâches de neige verte apposées sur le sol ocre d’une Ivalice aride. En haut du col, voyageurs égarés devenus vagabonds et soldats fatigués restent bloqués. Une première halte. Au joueur de pousser le rocher géant, passage vers un autre monde.
Au carrefour des continents se trouve une forêt primaire, épaisse, ayant jeté son large manteau de feuilles sur la région. La guilde se retrouve coincée sous cette caverne de verdure à peine percée par endroit par un téméraire rayon de soleil. Humide, correspond au plafond sombre un grand marais qui immerge les troncs d’arbres que l’on imagine millénaires. Une passerelle en bois circule entre ces deux limites. Labyrinthe cachant son nom, les déambulations hasardeuses des aventuriers les mènent sur des chemins dangereux : un succube de feu se poste en ce lieu comme le minotaure d’une autre mythologie. Surtout, des trois issues, deux mènent vers des contrées brumeuses, lieux de mort et de destruction. Ce n’est que par l’intermédiaire de la figure iconique des mogs, mués en taquins (et mal dégourdis) esprits sylvestres, qu’une autre porte sera dressée pour sortir de l’impasse après un surplace contraint.
Quelques pas en avant, le long d’un dernier chemin sinueux et rocheux bouchant la vue avant la libération : la côte de Phon, immense, où le sable immaculé resplendit au soleil. Un passage de vaisseaux de guerre ne repère pas nos héros lilliputiens. L’eau limpide lèche avec douceur le rivage, s’insinuant dans quelques légères dépressions pour former de petites marres. Quelques îlots de palmiers prennent pied dans un tapis d’herbes hautes et, près des falaises - murailles de pierre infranchissable - se love une nature plus touffue, épanouie. La roche érodée forme des arches ombragées où se prélassent des prédateurs inconnus, comme tout le bestiaire de la région. Si l’espace est large, il est plus long encore, la côte dessinant un long croissant s’inclinant avec paresse. Sous ses airs d’atoll paradisiaque, la côte de Phon est dangereuse, sauvage, comme doivent le ressentir tout explorateur posant un pied sur un nouveau continent. Tout y est inédit, les repères évanouis. C’est au bout de la plage qu’un modeste signe de civilisation se révèle : quelques cabanes usées par le soleil. Un camp de chasseurs les habite. Fatiguée par son exploration, l’expédition y trouve refuge. Le cadre est d’ailleurs idéal pour parler d’amour. Derrière cette côte, des landes encore plus grandes s’étendent et attendent les aventuriers. Puis une grotte. Puis une étape dans la vieille ville d’Archadès où s’échouent citoyens de seconde zone et déchus. Puis Archadès, enfin, luisante de sa couleur cuivrée dans un soleil crépusculaire.
On dit de Final Fantasy XII qu’il a un scénario inexistant. Entre un espace confiné, une traversée symbolique de la forêt et une ouverture sur une plage qui ressemblerait à celles qu’auraient pu voir les premiers explorateurs arrivés dans les Caraïbes, Final Fantasy XII construit pourtant ici son espace pour narrer un récit d’aventures qui sait ménager ses effets, à travers un certain goût de la mise en scène. L’arrivée sur la côte de ce nouveau continent peut être considérée comme un grand moment de narration inclus dans le joué plutôt que dans le raconté, procédé à l’image de l’ensemble du jeu.
Voir aussi : Final Fantasy IX et la traversée d’un tunnel sous la mer, passant d’un continent plein de verdure à un autre aride et (presque) dénué de civilisation.
Vos commentaires
André Balso # Le 22 août 2012 à 10:38
Je pense que c’est de loin le plus long voyage proposé par un RPG jap (quoique, on peut marcher longtemps dans FFVI :). Surtout qu’en fait, il ne s’arrête pas à la côte de Phon (restent les landes de Tsita puis le palais enfoui de Sohen avant Archadès, deux gros morceaux) ! Ce trajet constitue vraiment le cœur du jeu, situé comme il l’est en plein milieu de l’aventure : et je suis d’accord, ce n’est pas un trou dans la narration, c’est la narration elle-même (et même le sujet du jeu) ! FFXII est un titre "horizontal" (point d’ailleurs immédiatement annoncé par l’infinie mer de sable que l’on parcourt au début, ou encore par l’impossibilité d’orienter la caméra suffisamment lointainement pour apercevoir la hauteur des bâtiments). Il nous enjoint à trimballer à pied nos personnages (la location de chocobos étant volontairement proposée à des prix exorbitants) vers un horizon toujours plus lointain. Et les seules maps jouant sur la verticalité relèvent soit d’un espace ennemi (l’empire et son Archadès), soit d’un espace divin pas plus accueillant (le phare de Ridorana, l’arrivée dans le grand cristal). Ce qui caractérise l’humanité libre (la "résistance" que vous incarnez) se retrouve donc dans cette capacité à parcourir toujours plus avant l’horizon, à tracer un sillon, à construire un chemin viable dans la nature, qui s’affranchirait et de l’artificialité des grandes villes et des espaces divins...
Alexis Bross # Le 22 août 2012 à 21:00
Ce que tu dis est très bien vu, très juste et formidablement bien écrit. Et c’est d’autant plus juste que la quête de FFXII réside dans l’espoir de s’affranchir d’un pouvoir divin pour vivre en homme libre. Ton commentaire est donc d’une rare pertinence.
André Balso # Le 23 août 2012 à 00:11
Merci beaucoup ! J’étais surtout ravi de tomber sur ton texte juste après mon nouveau run sur le jeu (aaaahhhh les vacances à Paris). Surtout que j’avais justement, à cette occasion, remarqué ce trajet, tellement immense et dont je n’avais plus le souvenir (trop occupé que j’étais, sans doute, à gérer la progression de mes persos, chose dont je ne me souciais pas cette fois-ci étant donné ma plus grande maîtrise des mécanismes du jeu). Du coup, j’ai pris le temps d’y réfléchir (un peu : il y aurait tant à dire sur ce titre...) ^_^.
Martin Lefebvre # Le 23 août 2012 à 01:12
Et nos colonnes te sont toujours ouvertes André, surtout pour parler de FF XII qu’on est nombreux à adorer.
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