Les jeux ont la parole
Le jeu vidéo nous fascine. Il ne manque pas pour autant de nous endoctriner : il ne cesse de nous enjoindre à suivre des ordres, à accumuler et à consommer, aussi bien à l’intérieur de sa fiction que dans le monde réel (le dernier DLC, la dernière skin). Par son modèle économique aussi bien que par ses mécanismes, le jeu vidéo est un produit du libéralisme consumériste. Un autre jeu est-il possible ? C’est ce que veulent montrer des créateurs indépendants engagés à gauche, dans le sillage des mouvements sociaux. Mai 68 avait ses graffitis, et si le jeu politique prenait le relai ?
Le newsgame engagé ne date pas d’hier. En 2003, September 12th de Gonzalo Frasca démontrait par le jeu l’absurdité du recours aux frappes aériennes pour endiguer le terrorisme. La même année naissait autour de Paolo Pedercini le collectif italien MolleIndustria, dont les jeux retracent la fabrication d’un smartphone (Phone Story, banni de l’Appstore), ou encore le quotidien d’un pilote de drones (Unmanned). La France n’est pas en reste, avec par exemple le Jeu d’influences de The Pixel Hunt, ou le Fort McMoney du journaliste David Dufresne.
Jeux debout
De même, le mouvement des makers, des zinesters, des amateurs qui investissent les game jams porte un message subversif : créons des jeux, exprimons-nous sans laisser à une industrie formatée le monopole de la parole. L’IGF Pirate Kart, lancée en 2012 avait tout d’un pavé dans la mare d’un jeu indépendant en plein formatage – trajectoire qui s’est d’ailleurs malheureusement confirmée.
Rien ne condamne pour autant le jeu vidéo indépendant à rentrer dans le rang. Encore tâtonnant, comme toutes les formes d’expression émergentes, il est propice à porter des voix dissidentes. C’est peut-être même son devoir chez des créateurs pour qui il est un moyen d’expression aussi naturel qu’ont pu l’être pour les générations précédentes le rock ou la caricature.
C’est ainsi que dans le sillage du mouvement Nuit Debout s’organise du 21 mai au 19 juin la game jam Jeux Debout. Il s’agit pour les créateurs amateurs de partager des jeux engagés, mais aussi plus simplement de partager ses idées sous forme ludique, « pour s’exprimer, s’interroger, et créer ensemble », dans le prolongement de la dynamique participative qui anime le mouvement. Utopique ? Peut-être, mais aussi, avouons-le, diablement intéressant. A suivre sur la page itchio.io de l’événement. Le jeu comme partage, comme graffiti revendicatif ? Chiche.
Games for change ?
Dans le même temps se tient ce week-end à Strasbourg le Yourope Game Challenge, organisé par Games for Change Europe en partenariat avec le Parlement européen. Le concours, dont le jury compte notre sémillant contributeur et oujevipien en chef Pierre Corbinais, vise à récompenser les jeunes créateurs de newsgame.
Parmi les nominées figure Avenue de l’école de Joinville, créé en 2011 par des élèves de l’ENJMIN. S’inspirant du jeu de gestion, le projet étudiant plusieurs fois primé décrit les mécanismes d’un centre de rétention administrative (C.R.A.) pour migrants, démontant les rouages d’un système à la limite de la légalité et de l’humanité. Comme l’expliquent les créateurs : « il n’y a pas de « victoire » possible dans Avenue de l’École-de-Joinville. Le C.R.A. finira systématiquement brûlé par les retenus car la tension sera arrivée à son maximum, témoignant de conditions de rétentions difficiles. »
On peut se demander pourquoi diable aller ressortir un jeu qui, s’il reste d’actualité par son thème, date d’il y a plus de 5 ans, et, pour le peu que j’en ai essayé, ne saisit pas immédiatement l’attention – ce qui n’a rien de honteux pour un jeu d’étudiant.
Néanmoins, le plus intéressant dans l’histoire, c’est peut-être la lettre ouverte écrite par l’un des créateurs du jeu, Sylvain Payen, que nous reproduisons dans son intégralité. Ce dernier refuse de participer à la remise des prix, estimant que ce genre de cérémonie ne rime à rien : non seulement, on ne s’adresse qu’aux convaincus (et je me demande qui d’autre qu’un convaincu irait en effet jouer à Avenue de l’école de Joinville), mais surtout, il y a quelque chose de contradictoire dans le fait d’aller pavoiser à Strasbourg aux frais du parlement européen, quand la politique migratoire de l’Europe favorise les centres de rétention administrative...
On peut ne pas partager cette thèse, la cohérence du refus n’en parle pas moins d’elle-même. Plus que jamais, le jeu critique se doit de rester indépendant. Mais ne faudrait-il pas, à l’instar de la musique ou de la littérature qu’il se donne les moyens économiques de l’être ? Il faudra ainsi se demander si la gratuité – avec laquelle nous n’avons pas de problème, puisque nous la revendiquons pour notre part – reste la meilleure forme pour poursuivre une oeuvre au long cours.
Mais après tout c’est aux jeunes créateurs de jeu vidéo engagé de s’inventer un futur. On attend, avec une certaine impatience, le résult
Vos commentaires
Laurent Pendarias # Le 21 mai 2016 à 21:16
Je comprends l’exaspération de Sylvain : on s’adresse souvent à un public déjà intéressé par un sujet. Le même genre de situation se présente dans les concours littéraires sur des thèmes forts comme le réchauffement climatique.
Pourtant je tiens à souligner un avantage du format "jeu vidéo" : il permet de toucher un large public par le biais de différentes plateformes. Certes ce n’est pas un manifeste politique mais il permet d’attirer l’attention de la population sur un sujet.
Nomys_Tempar # Le 22 mai 2016 à 11:12
Le texte de Sylvain Payen est surtout très en phase avec l’exaspération actuelle qui touche toute la société. Il y a un fort besoin de cohérence idéologique et sortir de son communautarisme, que ça soit des différentes catégories d’auteurs, que des salariés, que des politique, etc.
La question de la gratuité n’est pas pertinente, par contre la question de la diffusion et des conditions de la diffusion d’un jeu, l’est.
La gratuité n’est, face aux enjeux de la diffusion, qu’une goutte d’eau dans l’océan des possible. Et la Jam Nuit Debout en est un exemple, vu qu’elle permet de diffuser en CC0, et qu’elle promeut la diffusion Libre (même si en l’occurrence la CC0 n’est pas du Libre).
Avenue de l’école de Joinville est peut-être un jeu intéressant, mais il reste en flash (obligeant l’installation d’un programme propriétaire pour y jouer). Il reste donc, dans ses conditions de diffusions, un totale partenaire de l’absence de cohérence que critique Sylvain Payen.
Comme tu le dis Martin c’est aux auteurs de faire leur choix, et j’ai l’impression que la plupart des auteurs (moi compris, je ne suis pas irréprochable), sont découragé d’avance par cette tache.
Martin Lefebvre # Le 22 mai 2016 à 11:55
Si j’ai parlé, sans doute un peu vite de la question économique c’est parce qu’elle me paraît importante pour la pérennité de la création. Ca ne pose pas de problème dans le cas d’une game jam comme Jeux Debout, c’est bien qu’il y ait des choses communautaires, de l’amateurisme.
Mais j’ai tout de même l’impression que pour perfectionner son art, il y a un moment où c’est pas mal d’avoir des structures durables, ce que l’amateurisme ne permet pas. Pour évoquer quelque chose qui est proche de Nuit Debout, un journal comme Fakir est une structure durable. Dans le monde de l’édition engagée, une maison comme la Fabrique peut faire du bon boulot et éditer des textes de qualité parce qu’elle a les reins assez solides (ce qui n’aurait sans doute pas été possible sans le mécénat d’Eric Hazan, mais j’en sais pas beaucoup plus). Un exemple que j’aime bien citer, c’est le mouvement punk DIY américain, qui a réussi à durer grâce à des labels comme Dischord ou Alternative Tentacles, qui ont aidé des groupes à vivre de leurs tournées, etc. C’est ce genre de choses qu’il me paraît important de développer pour le jeu vidéo engagé. Après un site comme Itchi.io offre un lieu d’échange intéressant.
Pour Avenue de l’école, je lui ai sans doute pas laissé sa chance, mais c’est surtout d’un abord très rébarbatif : d’où le risque de ne parler qu’aux convaincus, alors qu’une bonne chanson engagée, un bon tag, ça peut immédiatement accrocher. Après c’est un jeu étudiant, une expérience, et puis il n’y a pas de mal à faire quelque chose pour les connaisseurs si c’est un but affiché. Mais j’ai l’impression que le jeu engagé ne va pas au bout de son potentiel, parce qu’il a souvent du mal à proposer du fun qui le rendrait immédiatement accessible.
Comme je l’écrivais sur Twitter si des gars comme Cactus (Hotline Miami) ou Edmund McMillen (The Binding of Isaac), qui savent faire du gameplay pêchu, créaient un truc engagé, ça aurait immédiatement plus de portée qu’un Paper’s Please, qui est un très bon jeu, mais qui à mon sens s’adresse à un public bien plus restreint.
BlackLabel # Le 22 mai 2016 à 16:24
Ben c’est sûr que les mécaniques existent déjà, c’est le propos qui manque, voire le réglage des mécaniques (IA, système de santé, etc.). Parce que déjà au niveau des réglages les devs peuvent exprimer beaucoup in-game.
Max # Le 23 mai 2016 à 01:06
J’aimerais bien qu’il soit aisé de mêler "fun" et message politique, mais le risque c’est, comme toujours, d’être amené à simplifier et édulcorer le propos, d’être conduit à noyer le message dans le divertissement et le spectacle, ce qui ne contribuerait qu’à le neutraliser complètement. Il ne serait plus qu’un accessoire, un consommable, dont la société s’accommoderait très bien, l’ayant rendu inoffensif, voire même lucratif (l’idée de révolte se vend très bien). Donc bon.
Martin Lefebvre # Le 23 mai 2016 à 07:17
Je sais pas, à mon sens les affiches et les collages situationnistes étaient assez "funs". Peut-être parce qu’ils avaient compris que ce n’était pas avec une tête d’enterrement qu’on pouvait lutter contre "le spectacle".
Cela n’exclue pas de faire des choses plus ardues d’approche, mais c’est choisir de limiter a priori son public, il faut en être conscient.
thufir # Le 23 mai 2016 à 07:49
disons aussi que si le jeu vidéo est un loisir de masse, le jeu vidéo indépendant/compliqué/novateur est un truc de niche, qui est loin d’avoir le même public que la littérature, le cinéma art et essai, etc. Donc, dans cette niche, refaire une niche en positionnant un jeu comme engagé, c’est s’adresser à un public uuuuultra limité. Et donc se pose la question de la viabilité financière.
Le modèle "Merci Patron" est il transposable au jeu vidéo ? le film a coûté 300 k, ce qui est quand même pas grand chose. Il a , à priori, les qualités pour cartonner auprès d’un large public, notamment parce qu’il est très fun. Le JV peut il faire la même chose ?
Autre limite du jeu vidéo comme média engagé : le jeu vidéo n’a pas le même rapport à la réalité que la plupart des autres médias. La peinture, la littérature, le cinéma se donnent en partie comme objectif de retranscrire la réalité. Le Jeu Vidéo, lui, a le plus souvent l’objectif affiché de s’en éloigner le plus possible. C’est ici, je pense, la limite la plus fondamentale du jeu vidéo comme média engagé.
Nomys_Tempar # Le 23 mai 2016 à 09:25
Je suis d’accord avec Max, un message politique "fun" peut très aisément être totalement récupéré par la société du spectacle.
L’exemple de "Merci Patron" est très démonstrateur de ça. En sortant de la projection j’étais gonflé à bloc, mais j’étais aussi assez violemment renvoyer à ma propre inaction, ainsi qu’a l’inaction du film lui-même en terme d’objet contestataire. C’est un bon film, mais est-ce un film qui conduira à d’autres actions de la part de ses spectateurs ? Aucune certitudes, car la tentation est forte de rentrer chez soit et d’occulter le combat sociale pour se contenter d’être content d’avoir passer un bon moment.
Les situationnistes avaient une audience très limité (Paris quoi), et s’ils ont eut un gros impact dans le monde de l’art, ils ont aussi fini par être récupéré par la société de spectacle.
A mon sens la balance difficile à opéré est d’être fun et que l’oeuvre elle-même empêche le spectateur de ne la considéré "que" comme étant fun. Il n’y a déjà pas beaucoup de film qui peuvent se targuer d’y arriver, alors des jeux vidéo, ils y en a encore moins (à part Silent Hill...).
L’autre solution est pour le créateur de cacher son propos politique dans l’oeuvre, comme La Disparition de Perec ou Buffy contre les vampires de Whedon ou encore Braid de J.Blow.
Le fun ne doit pas servir d’excuse pour ne plus se poser de questions, et aujourd’hui c’est beaucoup plus simple de jouer à un truc fun pour se détendre tout en passant volontairement totalement à coté du propos en se disant que ça n’est "que" du fun. Et que donc on peut se permettre de mettre le propos de coté.
Totalement d’accord pour l’aspect financier, mais là encore le manque de moyens peut totalement se transformer en excuses pour ne rien faire, ce qui est à mon sens bien pire que "l’amateurisme".
pripri # Le 23 mai 2016 à 09:54
Finalement le JV échappe pas aux contradictions des autres arts (pas des autres médias) : imposer frontalement un message par cet art c’est rater les deux cibles en un seul tir. Pour reprendre l’exemple de Martin, un jeu comme Binding of Isaac ou Undertale parlent de choses très dures sans faire du "olalala la maltraitance c’est mal", "la douleur psychique c’est important" - jusqu’à tourner ça à la dérision.
A partir du moment où on force le joueur/spectateur/auditeur à avaler un message en lui présentant un peu hypocritement une autre face, il va avoir de quoi se méfier et retirer toute crédibilité à ce qu’il joue/regarde/écoute. C’est peut-être ce qui explique l’échec (relatif) des serious games pour apprendre les gestes de secours etc. Et l’agacement face à la survalorisation d’Undertale hinhin. C’est aussi pourquoi les médias-de-masse-gros-vilains fonctionnent très bien comme usine à propagande : tous les spectateurs savent plus ou moins consciemment que TF1 est à droite, que le JT de France 2 est une arnaque sans nom et que celui de France 3 parle aux agriculteurs et aux pépés-mémés, que dans Call Of c’est nous les gentils etc. J’ai le sentiment que les gens sont pas si cons et ont probablement moins besoin d’apprendre des choses que de les rendre plus tangibles sur les sujets dont parle ce thread. Ce que le JV fait bien ces dernières années avec The Stanley Parable, Papers Please, Postal 2 (oui), Life is Strange et toute cette clique arty.
Ça devient alors difficile de se plaindre de la portée de ces jeux en terme de public, il y a sûrement plus de joueur de ces jeux que de lecteurs de Jacques Rancière ou Jean Baudrillard. Mais là encore, ces auteurs parlent directement aux convaincus le plus souvent (comme TF1 aux adhérents LR) quand ces jeux laissent au joueur son autonomie, lui laissent le choix de prendre ou non part à la portée politique/existentielle présente dans le jeu. Quitte à ce que ce choix ne lui apparaisse même pas car le jeu a trop gamifié son message ou le joueur est trop con (déso) mais le beurre, l’argent du beurre et le lait des vaches de la ferme Lon Lon hein. Ces JV ont au moins pour eux de pas toujours prendre les gens pour des moutons bêtes à manger du foin sur ce plan-ci.
Cédric Muller # Le 23 mai 2016 à 12:36
"J’aimerais bien qu’il soit aisé de mêler "fun" et message politique". Les Monty Pythons ont prouvé qu’il était facile et aisé de mêler les deux. D’ordre général, le jeu vidéo le fait également au travers des caricatures (évidentes) qu’il dresse au fur et à mesure des productions.
En rapport au jeu engagé : je n’ai pas ce problème de devoir retrouver un engagement (du jeu, de l’auteur, de l’éditeur, ...) afin de pouvoir investir (mon temps ou mon argent) et jouer. Nous aimons tous trouver des analogies à nos pensées et réflexions dans les productions que nous consommons, mais je dois dire que l’engagement n’est pour moi rien d’autre qu’une valeur personnelle (personne n’a besoin de suivre une oeuvre engagée afin de s’engager : cela reviendrait à être obligé de s’assimiler à quelque chose, et non pas le contraire).
BlackLabel # Le 23 mai 2016 à 13:34
Ce n’est pas le jeu vidéo qui cherche à s’éloigner de la réalité, ce sont les devs. Et ce n’est pas un objectif, c’est une solution de facilité. Beaucoup ne cherchent pas à s’en éloigner, ils font plutôt aucun effort pour aller vers elle, sauf de manière anecdotique pour faire croire à une innovation.
Parce que graphiquement, la réalité ils n’arrêtent pas de la chercher dans les gros titres. Mais dès qu’il s’agit du gameplay, c’est le grand n’importe quoi.
Si les devs commençaient déjà à faire leur boulot avec un minimum de discipline et de fierté personnelle, le jeu vidéo pourrait raconter des choses difficiles sans forcément être engagé.
Bobophonique # Le 24 mai 2016 à 08:50
Les artistes engagés finissent par être soit dupes, soit amers, soit stupides ; que les devs fassent de bons jeux, je me chargerai moi même de mon opinion sur le monde. Est ce que je demande à mon fleuriste de réparer ma plomberie ? A mon plombier de me réduire une fracture ? Quant à Nuit debout, que j’ai vu de mes yeux, c’est déjà un jeu : "ainsi font font font" etc.. Si la révolution ressemble à ça les oppresseurs peuvent dormir tranquilles. Soyons un peu sérieux et intelligents, et laissons le jeu au divertissement.
Bobophonique # Le 24 mai 2016 à 08:52
Pour préciser ma pensée, lisez une histoire de la Révolution (la vraie) : c’est tout sauf "fun".
thufir # Le 24 mai 2016 à 10:54
Ouai, enfin, Bobophonique, à te lire on pourrait croire que toute création doit se limiter au divertissement. La littérature peut être engagée, comme le cinéma et la peinture. La question de cet article est : "pourquoi pas les jeux vidéo ?" . Ou plutôt "pourquoi les jeux vidéo y arrivent moins que les autres ?".
Quant à "Nuit Debout", c’est sans doute pas la révolution mais c’est à priori ce que j’ai vu de plus significatif du point de vue politique de ma vie d’adulte.
Nomys_Tempar # Le 24 mai 2016 à 11:25
Je n’ai pas l’impression que les jv y arrivent moins bien que les autres. Comme l’a signalé pripri cette problématique d’un message politique qui exclu de fait une grande partie de l’audience est celle de tous les médiums et de tous les arts depuis l’effondrement des grandes idéologies. Cela vient d’ailleurs autant du public que des oeuvres elles-mêmes.
Après, et les nombreux articles de Merlanfrit le montrent, les jeux sont porteurs d’un engagement politique quelque soit ce qu’en disent leurs créateurs.
On peut donc déplorer que les gens qui font du divertissement (du "fun") aient finalement un avis politique et/ou social et/ou philosophique assez pauvre (en tout cas c’est ce qu’il peut ressortir de leurs créations). De même que ceux qui ont des avis profond ou développé ont aussi une manière de les mettre en forme elle aussi développé. Il y a une corrélation évidente entre les deux car la forme doit être en adéquation avec le fond, sinon l’auteur s’expose à des incohérences de démarche.
C’est aussi pour ça que les oeuvres qui mettent tout le monde d’accord sont si rare.
L’exemple de Binding Of Isaac me parait assez démonstrateur d’un jeu qui surpasse Super Meat Boy, notamment à cause de sa thématique plus engagé. Même si, à titre perso, ces deux jeux m’ont laisser de marbre.
thufir # Le 24 mai 2016 à 12:01
"Je n’ai pas l’impression que les jv y arrivent moins bien que les autres."
ouais, enfin existe t-il un jeu qui a fait bouger les choses en dehors de la sphère vidéoludique ? Je suis pas fan d’Apocalypse Now mais quand ce film sort, il se passe quelque chose aux Etats Unis sur la prise de conscience de ce que fut la guerre du Vietnam. Quand Picasso peint Guernica, la guerre d’Espagne a un autre visage. "Nuit Debout" c’est que ce que c’est mais ça provient directement de "Merci Patron". "L’archipel du goulag", ça fait également son petit effet.
Je suis incapable de donner un exemple de jeu vidéo qui aurait eu un impact sur la société, sur l’époque... même le plus modeste qui soit.
pripri # Le 24 mai 2016 à 12:43
Je crois que ton point de vue thufir implique que les œuvres sont à l’origine des mouvements sociaux d’une époque, et pas l’inverse. D’ailleurs les exemples que tu prends sont des illustrations d’une gronde ou prise de conscience qui existe avant (particulièrement pour le livre de Soljenitsyne, de même, si Nuit Debout vient de Merci Patron d’où vient Merci Patron ?), qui n’est pas encore représenté par le cinéma, l’art traditionnel, la littérature et les autres arts médiatisés. Et le JV de ce point de vue est assez jeune. A moins que des jeux du type d’Undertale ou Papers Please existaient auparavant et avaient une audience comparable mais je ne le crois pas.
thufir # Le 24 mai 2016 à 13:02
Les oeuvres que j’ai citées ne sont pas forcément à l’origine de mouvements ou de prise de conscience. Mais elles y participent, ce que paper please ne fait pas : C’est très sympathique Paper please mais ça ne prêche qu’auprès de convertis.
Nomys_Tempar # Le 24 mai 2016 à 13:24
Heu... Que je sache Merci Patron est un docu, donc déjà tu peux virer tous les gens qui n’aiment pas les docu. Ensuite dans ma ville de province il était diffusé dans un cinéma plutôt arts et essaies. Autant dire qu’il ne prêche que des convaincus dans son mode de diffusion.
Donc Paper Please est à peu prêt équivalent.
Si t’aimes pas le pixel, c’est mort, mais si ça te dérange pas tu peux y jouer 10 min, comprendre le principe (l’idée) et t’arrêter si le gameplay ne te convient pas.
Dans Merci Patron si tu coupes le film au bout de 15 min, t’auras le prémisse de départ mais pas l’idée sur laquelle repose le film.
thufir # Le 24 mai 2016 à 13:55
ben c’est pas la question. La question c’est qu’il y a des milliers de gens qui manifestent tous les jours à Nuit Debout parce qu’il y a eu un film appelé "Merci Patron". Sans ce film, le phénomène "Nuit Debout" n’aurait pas eu lieu ou aurait eu un look très différent. "Paper Please" n’a fait manifester personne.
Nomys_Tempar # Le 24 mai 2016 à 15:31
En même temps sans la Loi Travail, Nuit Debout n’aurait pas eu lieu ou aurait eu un look très différent. Tu vois ça marche aussi, et la loi travail n’est même pas une oeuvre d’art.
Plus sérieusement, je suis d’accord avec pripri, le jv est un médium beaucoup plus jeune qui est encore ignoré par une part large de la population. Parmi les gens qui vont à NuitDebout, je suis quasiment sur qu’il y en a pas la moitié qui connaissent Paper Please. Tout comme je suis sur qu’il y en a pas la moitié qui connaissent Hotline Miami ou Super Meat Boy, malgré leur coté fun, n’en déplaise à Martin.
Le jeu vidéo en tant qu’outil réflexif c’est encore inaccessible pour pleins de gens (même des gamers), là où le cinéma est un médium assez rassurant et aussi bien plus médiatisé. Tu as vu des game designer américains être invités sur les chaînes genre TF1 et compagnie toi ?
Tu l’as toi-même dit quelques posts plus haut...
"Je n’ai pas l’impression que les jv y arrivent moins bien que les autres."
J’aurai du ajouter "intrinsèquement" = Je n’ai pas l’impression que les jv y arrivent intrinsèquement moins bien que les autres (médiums/arts).
Il y a d’autres facteurs, certains viennent de la société et de sa manière de recevoir les jeux, d’autres viennent des difficultés inhérentes à toutes pratiques créatrices depuis 30 ans.
Sérieusement ? # Le 25 mai 2016 à 09:44
Bobophonique :"Les artistes engagés finissent par être soit dupes, soit amers, soit stupides ; que les devs fassent de bons jeux, je me chargerai moi même de mon opinion sur le monde. Est ce que je demande à mon fleuriste de réparer ma plomberie ? A mon plombier de me réduire une fracture ? Quant à Nuit debout, que j’ai vu de mes yeux, c’est déjà un jeu : "ainsi font font font" etc.. Si la révolution ressemble à ça les oppresseurs peuvent dormir tranquilles. Soyons un peu sérieux et intelligents, et laissons le jeu au divertissement."
C’est incroyable. Comment, en 2016, peut-on arriver à lire de telles inepties sur un site qui s’évertue de débattre des qualités artistiques du jeu vidéo et par conséquent entre autres de sa dimension politique ?
Passons sur l’essentialisation des "artistes engagés" "dupes", "amers" ou "stupides".
Quel rapport avec des métiers et des prestations simples ?
Par ailleurs le jeu vidéo, comme le cinéma, la littérature, la peinture, la musique ou autre a bien souvent une dimension politique, même réduite, surtout quand elle parle des choses du monde. Et quand elle ne provient pas d’une volonté précise elle s’impose à son ou ses auteurs.
Quelle négation de milliers d’années de production artistique pour vouloir "laisser le jeu au divertissement" (et ainsi l’exclure du champ de toute discussion qui dépasserait les aspects techniques). Heureusement que l’on a pas laissé le cinéma au divertissement. Et oui, même les comédies française à gros budget ne sont pas seulement des successions de blagues mais développent bien une certaine vision de la société ( http://www.forumdesimages.fr/les-pr... )
Qui croit ici qu’un SimCity (ou équivalent) développe autre chose qu’une vision néolibérale de la ville au XXIème siècle ? Qui croit ici qu’un Far Cry Primal ne propose pas une vision anthropologique réductrice d’un homme qui n’est que combat, conquête, prédation et destruction ? Qui croit ici que les simulations remplies de chiffres et de statistiques n’ont aucun lien avec un certain courant économique qui pense pouvoir décrire les comportements humains en chiffres ? Qui croit ici que Metal Gear Solid est un simple jeu d’infiltration qui ne s’est pas inspiré de centaines de films et d’évènements réels pour créer une histoire politique revisitée — et antimilitariste — de la Guerre Froide .
Je pourrai continuer et donner pour chacun de ces jeux au moins un texte qui soutient ces propos. Que tu le veuilles ou non, les jeux qui portent un message existent déjà, ils peuvent être fun ou non (ils le sont souvent), populaires ou non, mais ils existent déjà, que ce soit ou non accepté par leur(s) auteur(s). Tu ne pourras pas leur enlever ça, tu ne pourras les dépolitiser ni détruire tout ce qu’ils disent sur le monde. Un Call of Duty ne peut être compris en dissociant son gameplay et son contexte historique/fictionnel, tous deux basés sur la domination d’un vainqueur sur un vaincu, d’un fort sur un faible ou d’un ancien faible sur un ancien fort.
Heureusement que le tacle, pardons, les fines analyses sur Nuit Debout et la révolution française éclaircissent clairement l’orientation idéologique de "Bobophonique", dont j’aurais aimé voir les prises de paroles tout aussi éclairées à Nuit Debout.
Cédric Muller # Le 27 mai 2016 à 12:06
"Heureusement que le tacle, pardons, les fines analyses sur Nuit Debout et la révolution française éclaircissent clairement l’orientation idéologique de "Bobophonique", dont j’aurais aimé voir les prises de paroles tout aussi éclairées à Nuit Debout."
Petite question : ce besoin de se rassurer en définissant les idéologies académiques des autres, c’est un dogme ou une pratique culturelle ?
Steph # Le 2 septembre 2016 à 13:15
Il faut toujours bon être d’un autre avis ici. Ce que le merlan a de plus à gauche à n’en pas douter.
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