Quand, après avoir téléchargé les 1.4 GB de la Pirate Kart, on charge le menu de lancement, on ne sait pas où donner de la tête. Plus de 300 jeux aux titres parfois incongrus (The Illogical Journey of Zambonis, Frolicking Furballs Safari Resort ???), par des dizaines d’auteurs…
On commence donc par suivre le conseil de Mike Meyer, le promoteur de la compilation (lire notre entretien), et on clique au hasard, pour le meilleur ou le pire. On s’organise sur Twitter dans la bonne humeur pour produire de rapides #IGFReviews. C’est qu’il est facile de se prendre au jeu, et très vite on découvre de petites perles, comme l’absurde mais charmant Daddy I’m Scared de Leon Arnott : combien de temps réussirez-vous à échapper à un gigantesque monstre au volant de la berline familiale, sur une route glacée ?
Et puis on rencontre des noms familiers, comme Christine Love, et son Lake City Rumble II, un Street-Fighter-like… textuel, le toujours excellent Terry Cavanagh (VVVVVV), dont le brillant Hero’s Adventure pastiche en deux minutes chrono le JRPG, à la manière de Mother.
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Typing game + Dungeon Keeper + Rick Dangerous
Le pastiche, le remix sont d’ailleurs des thèmes récurrents de cette Pirate Kart. Avec Starman, Glen Forrester hacke Super Mario Bros pour une envolée chronométrée. Mario est aussi cité dans le brillant 1,2,3 de Mike Meyer, diabolique puzzle-platformer qui demande de toucher les trois chiffres dans l’ordre, et pas autrement. Autre référence à Nintendo, toujours par Meyer, Danger ! Take. a été conçu pour le Ludum Dare #20 (voir notre article sur les game jams) : imaginez un Zelda où Link serait cloné à l’infini. D’autres concepteurs mélangent les influences, et on s’amuse à découvrir les rencontres les plus improbables : un typing game + Dungeon Keeper + Rick Dangerous ? C’est Grave Robber d’Adam Saltsman (un des premiers cartons indés de l’Appstore, Canabalt). Entre l’hommage et la franche parodie, Rob Fearon donne des suites au fameux Passage de Jason Rohrer : autant dire que les épisodes 2 et 3 se terminent… en eau de boudin.
Une raffinerie qui se déplace sur un fond dégoulinant de gros pixels. Notre mission ? Sauver le monde.
Les développeurs de la Kart sont parfois beaucoup moins respectueux, et le studio Tale of Tales (The Graveyard, The Path, le fumeux Fatale…) en prend (plutôt à juste titre) plein la tronche. Cavanagh détourne de manière hilarante The Graveyard, en proposant un spin-off musical à ne pas rater : Graveyard, Graveyard Revolution. Avec World Without Hunger : A Pretentious Art Game de Mark Gobbin, ce sont les serious games environnementaux qui sont visés. Sans queue ni tête, le jeu nous met aux commandes d’une raffinerie qui se déplace sur un fond dégoulinant de gros pixels. Notre mission ? Sauver le monde. Pas dit que les développeurs de Fate of the World ou Jane McGonigal apprécient.
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Mais la compilation est aussi un moyen de découvrir des univers. Ainsi, les jeux de Bento Smile se singularisent par une cruauté toute personnelle : une relecture gore du Petit Chaperon Rouge (I’m Not A Bad Person Really : I Just Have Low Self Esteem), la mort d’un poisson échoué en aventure textuelle (Fish Soup), ou le fabuleux et minimaliste Quest : le héros est un blob bondissant totalement incapable d’accomplir le moindre exploit, dans un monde aux couleurs très ZX Spectrum. Plus ludique, Super Duper Thwackswinger de Sam Sheets repose sur un principe fascinant : capturer des balles pour s’en servir de masse et éliminer les autres, le tout en maîtrisant l’inertie.
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Encyclopédie cracra, foutraque, parfois volontairement puérile, mais débordante d’énergie.
Evidemment, tout n’est pas parfait. Beaucoup de jeux sont recyclés, et ont déjà été publiés par leurs auteurs. D’autres déçoivent, manquent de finesse (super, des zizis !), ou fonctionnent à peine. Mais l’important n’est pas là. En ouvrant cette merveilleuse pochette surprise du micro-jeu indépendant, on est fasciné par la diversité des expériences qui s’offrent à nous d’un simple clic de souris. Et justement, l’aspect expérimental, provoquant, des jeux ici regroupés a quelque chose de fascinant. Comme l’explique Adam Smith sur Rockpapershotgun, le joueur curieux a l’impression de participer au foisonnement créatif, de regarder les brouillons, les esquisses de talentueux créateurs.
La forme en elle-même de la compilation facilite le plaisir de la découverte. L’IGF Pirate Kart a quelque chose d’un Comix 2000 à l’arrache, d’une encyclopédie — écrite sur le comptoir — du jeu vidéo amateur 2011. Encyclopédie cracra, foutraque, parfois volontairement puérile, mais débordante d’énergie. Même le plus inepte des titres peut nous distraire trente secondes, le temps de comprendre de quoi il en retourne et de passer à autre chose. En ce sens, et sans doute involontairement, La Piratekart fait penser à un Wario Ware déviant. S’il y a un monde des studios de Nintendo aux chambres des développeurs amateurs, il ya un même amour du jeu.
Secret Special Pirate Kart Weekend
- 2012 IGF Pirate Kart : la pochette surprise du jeu indépendant (2012 IGF Pirate Kart) Par Martin LefebvrePar Sachka DuvalPar Anthony Jauneaud
- Game Jams : les fabriques de jeux vidéo Par Pierre Corbinais
- Games for Goddamn Hippies * (2012 IGF Pirate Kart) Par Sachka Duval
- Fabien Super (2012 IGF Pirate Kart) Par Martin LefebvrePar Anthony Jauneaud
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