Quatre années séparent Burnout Paradise et Need for Speed : Most Wanted, deux titres développés par Criterion et édités par Electronic Arts. Deux jeux qui partagent bien plus qu’un même studio : deux jeux de course en open-world qui ne racontent rien d’autre que la montée en puissance du joueur, jusqu’à devenir à roi de l’asphalte.
La cité des anges
“Take me down to the paradise city / Where the grass is green and the girls are pretty” ces paroles ouvrent le morceau Paradise City de Guns N’ Roses, omniprésentes dans Burnout Paradise qui tire de là non seulement son titre mais aussi le nom de sa ville. Un grand terrain de jeu, ni plus ni moins, composé d’un centre-ville moderne, d’une plage, d’un ranch, de cols montagneux, d’une autoroute et d’un métro aérien. Tout ça est offert au joueur qui n’a qu’à rouler pour s’amuser. Chaque croisement de route est un défi, un challenge, une mission. Chaque intersection est le départ d’une course.
On avait déjà vu ça : Midtown Madness, Midnight Club, Driver voire GTA si on aime les amortisseurs à ressort. L’idée n’était pas neuve. Mais l’exécution était impressionnante, laissant le joueur visiter et explorer la ville dans la peau d’un personnage d’une tonne et quelques. Des voitures, pas des originales bien sûr parce que dans Burnout Paradise on se jette sur les autres, on défonce les carrosseries et on tord les pare-chocs. D’ailleurs, c’est pour ça qu’il n’y a pas de pilotes ? Que les voitures roulent seules ?
Burnout Paradise est un jeu sur une ville fantôme. Une ville désertée par ses habitants. Les pubs n’attirent l’œil de personne ; on les percute. Des grilles empêchent l’accès à certains chemins ; on roule dessus, sans réfléchir. Le volant tourne tout seul et on enchaîne les défis. On affronte des voitures vides. Les ennemis sont parfois de grosses berlines noires aux vitres fumées qui cherchent à vous assassiner. La seule personne qui parle dans tout Burnout Paradise n’est autre que DJ Diabolika, écho d’une radio qui diffuse encore et encore un rock des années 2000 qu’on écoute distraitement.
Ils ne l’ont pas fait exprès bien sûr. Criterion n’a pas décidé de faire un jeu sur des fantômes qui pilotent des bolides... Quoiqu’en lisant les paroles originales [1] de la chanson :
Strapped in the chair of the city’s gas chamber
Why I’m here I can’t quite remember
The surgeon general says it’s hazardous to breathe
I’d have another cigarette but I can’t see
Tell me who you’re gonna believe
Et on a l’impression de flotter avec les autres. La faute sans doute au mode Showtime. On presse un bouton et le temps se fige. Notre bolide décolle, percute un autre véhicule. Ils explosent ensemble. On continue à rebondir sur l’autoroute. Chaque autre voiture rapporte des points. Le bus scolaire jaune, véritable institution, est un multiplicateur. X10. Le massacre est total. On pense aux enfants à bord. On est presque soulagé qu’ils n’aient pas mis des humains finalement… Et puis on continue. On vise le camion là, il vaut plus que la petite citadine sans doute électrique. À chaque rebond, notre caisse est compressée, brûlée, réduite en bouillie. Ce n’est au final qu’une carcasse fumante qui traverse les avenues et les boulevards.
Il y a un mode multijoueurs bien sûr, où l’on vient tous habiter les carlingues chaudes. On se regroupe, on fait des courses, on fait des défis. On se gare au frein à main. Les voitures se regardent faire des vrilles à plat, des loopings, des crashs. On rigole bien, on percute son pote pour rire. Sa voiture est foutue, elle réapparaît immédiatement à côté, comme si de rien n’était. À Paradise City, on est un fantôme que la webcam photographie au moment d’un takedown. Votre visage, à jamais figé dans une expression de surprise. Votre tueur les garde, les collectionne. Bienvenue au paradis [2].
La cité des voiles
2012. Criterion dévoile Most Wanted. Oui, bon, le titre avait déjà utilisé pour épisode de Need for Speed sorti en 2005 mais qu’importe. Les développeurs ont remis sur pied une ville à visiter et à explorer. On retrouve tout ce qui faisait Burnout Paradise : des voitures partout, des panneaux publicitaires à renverser, des grilles à écraser, des courses disséminées dans une ville moderne/au bord de la mer/au pied des montagnes.
Mais on est en 2012. Le temps des fantômes est terminé. Il faut que le jeu soit habité. Most Wanted est d’une aridité terrifiante, sans histoire, sans DJ Diabolika. On est le 11ème d’une liste de “most wanted”, les pilotes les plus recherchés par la police de Fairhaven (littéralement, le “juste refuge”) qui ressemble sur le papier à Paradise City. Sauf que pour débloquer de nouvelles voitures, il suffit de passer à côté d’elle et de presser un bouton. L’exploration dans Most Wanted donne l’impression de chercher pendant des heures un dealer de crack dans une ruelle sombre. On s’arrête, on a cru voir quelque chose, on fait marche arrière, on est déçu.
D’une ville remplie de fantômes, nous passons à une ville de camés qui sont constamment à l’affût de la prochaine dose. La drogue ici : Porsche, Maserati, Ford, Lamborghini. On prend ce qu’on veut. On se sert. Les courses sont souvent doubles : on affronte d’autres pilotes mais on a toujours la police au cul. Elle est un peu conne d’ailleurs. Elle fait des barrages routiers mais laisse un espace conséquent, de quoi passer au travers sans même viser. Elle pose des clous pour crever nos pneus ; pas de chance, on a des pneus qui se regonflent seuls.
On est jamais seul à Fairhaven : nos amis, grâce à l’Autolog et à l’interface envahissante du jeu, sont partout, tout le temps. Leurs scores, leurs temps, leurs gueules sur les panneaux publicitaires à percuter, sont comme des rappels constants à la réalité. Ton frère a roulé ici et a fait un meilleur temps. Ce type ajouté sur le PSN il y a six mois tu ne sais plus trop pourquoi a son avatar en 4 mètres sur 3 au bout du boulevard. Rentre-lui dedans.
C’est surtout visuellement que Most Wanted est un jeu “trippant” : chaque course est précédée d’une vidéo d’introduction sans queue ni tête où (par exemple) notre voiture est sculptée dans un cristal noir et massif, ou bien elle se multiplie en driftant le long d’un virage, ou alors les voitures de flic derrière elle soudain s’envolent dans le ciel. Il y a aussi ces délires artistiques, sans cesse surprenants. La caméra à l’envers pendant trente secondes, la caméra qui filme la voiture cinq mètres sous la route devenue invisible, la caméra qui zoome à l’infini sur un phare.
La lumière est folle dans Most Wanted, sans doute le meilleur exemple du jeu techniquement (en 2012) à la ramasse mais bourré d’effets. Les routes toujours humides deviennent la nuit des miroirs. Les phares et les sirènes de police éblouissent le joueur qui tentent de piloter ses bolides. Chaque coucher de soleil brûle la rétine. Et à l’hypersensibilité, il faut aussi rajouter des mirages, des rêves que l’on peut presque toucher : des véhicules — voire même une zone entière — visibles mais à acheter en DLC. L’Aston Martin de James Bond est disponible, avec d’autres voitures pour seulement 10 euros. Mais tu sais quoi ? Pour 30 euros, on te file quatre packs pour le prix de trois ! On te jure, c’est de la bonne, pas coupée.
À tombeau ouvert
Criterion a réussi l’exploit de pondre deux fois le même jeu. Le premier est sans doute un titre qu’il faut habiter. Il lui manque une âme et il ne tient qu’au joueur de devenir le fantôme aux commandes d’une fausse Porsche. Le second, représente le mieux les errements de Electronic Arts : le DLC à outrance, l’invasion du multijoueurs qui prend ici une place folle et surtout le travail pré-mâché pour le joueur.
Car la différence entre les deux titres réside principalement dans ce que le joueur a à faire. S’il peut vite tourner en rond dans Paradise City, c’est parce qu’il ne sera pas donné la peine de découvrir et d’apprendre la ville. À Fairhaven, il suffit de se pencher pour récupérer une nouvelle caisse et toutes les courses ont des checkpoints lumineux et massifs, qui ne permettent pas réellement de se perdre. Quant il ne suffit pas directement d’acheter le DLC qui débloque tout. It’s in the game.
Mais, et c’est là la vraie révélation, la recette de EA a beau être peu ragoûtante, elle nourrit son homme. On devient accro à Most Wanted, on devient accro à l’Autolog et au besoin constant de se dépasser et de dépasser les autres, coûte que coûte. On termine une course avec une large avance mais on se rend compte qu’on a fait le pire score de sa liste d’amis. On revient à Fairhaven pour sa dose de shoot, de vitesse, de bruit, de fureur. On retourne à Paradise City parce qu’on s’y sent à la maison. Fantôme ou drogué, faites votre choix.
Notes
[1] Les paroles ont été modifiées pour la version du jeu, histoire d’éviter les polémiques.
[2] Le paradis qui est aussi le terrain de jeu de Driver : San Francisco dont nous parlions il y a presque deux ans.
Vos commentaires
sseb22 # Le 9 septembre 2013 à 13:21
Ah ! Ca me rassure
Je pensais que mon jeu déconnait quand j’ai vu une intro d’une course dans laquelle toutes les voitures circulaient à plusieurs mètres au-dessus du sol, un peu comme dans Retour Vers le Futur 2 :o
LeReilly # Le 9 septembre 2013 à 15:35
La vérité. <3
jahiro # Le 10 septembre 2013 à 10:25
Je souscris totalement à l’analyse de l’article, à la différence que je me suis ennuyé à mourir et j’ai finalement stoppé au bout de deux heures sans jamais y revenir.
Alors je n’avais personne pour alimenter l’autolog ceci expliquant peut être cela.
jahiro # Le 10 septembre 2013 à 13:19
désolé pour le double post,
J’ai eu un flash en repensant à ce need for speed. Le principe de devenir le meilleur de la hiérarchie en battant 10 pilotes aurait du être un défi sympa à relever. Mais contrairement à son aîné most wanted, tout est trop... accessible, prémâché.
Et là boum le flash ! Tokyo higway battle sur dreamcast. J’ai passé des heures sur les deux opus.
Un peu le même principe de base une zone à couvrir (une autoroute autour de tokyo la nuit) et des gangs avec un chef à battre à chaque fois. Si je suis terre à terre, ce jeu est vraiment pas terrible et hyper redondant, mais la montée en puissance de son véhicule induit par le tuning lui donne ce petit coté rpg qui scotche. En plus d’une certaine rêverie à arpenter comme les autoroutes tokyoïtes comme un sagouin !
C’est le détail terrible qui manque à need for speed pour moi, les caisses t’attendent dans un coin, quelques pauvre modifs et te voila avec une 911 turbo qui arrache le bitume en 20 minutes.
Martin Lefebvre # Le 10 septembre 2013 à 18:57
En rejouant à Paradise City pour le montrer au fiston, je me suis souvenu ce qui m’avait fait stopper au bout d’une dizaine d’heures... L’exploration est très bien, le level design aussi (même si la ville est un peu petite en fait surtout sur PC sans les DLC), mais je trouve tout de même que la conduite manque un peu d’une gestion de l’adhérence... C’est un peu pour ça que j’aimais bien les deux premiers Burnout, à la fois arcade et assez techniques.
Dans Paradise City les voitures flottent, les routes sont hyper larges, c’est cool pour booster mais ça manque un peu de variété.
En y repensant je me demande si Driver SF n’est pas un peu plus abouti dans le genre.
NFS : MW répondrait-il à mes attentes ?
Anthony Jauneaud # Le 12 septembre 2013 à 16:32
@jahiro : clairement ce NFS est d’une facilité et d’une simplicité un poil décourageante pour le joueur expert. Mais je sais pas, pour le coup j’ai apprécié y jouer parce qu’il est bêtement efficace. On te met de grosses voitures en mains, elles sont différentes et les courses sont souvent assez sympathiques (sans être bien originales). Efficacité du blockbuster.
@ Martin : La conduite de NFS MV est bien meilleure que celle de Burnout Paradise je trouve. Tu as 40 voitures qui sont très différentes là où les caisses de Burnout sont un peu toujours les mêmes. Tu peux faire de beaux drifts sur leurs routes toujours mouillées.
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