10. Fonds marins

Red Faction : Guerrilla

La nostalgie, camarade

C’était marrant ces premiers instants, une masse à la main à casser des murs… Je croyais naïvement que j’allais passer tout le jeu comme ça. Avec une masse, à fracasser de la ferraille et du ciment. Je n’avais pas encore saisi que le jeu sortait du même garage que Saints Row. Alors casser des trucs oui, mais forcément ça allait être un peu plus sophistiqué dans le divertissement.

Pourtant Red Faction : Guerrilla c’est pas du Saints Row. On est sur Mars, certes, dans un univers pas vraiment crédible : allons donc, on peut respirer sur Mars. On roule en bagnole, on casse encore du minerais à coup de masse mais on a mis de l’air respirable sur Mars… mais la fantaisie n’est pourtant pas vraiment de ce monde terne et oppressé, terriblement utilitaire. Quelques bâtiments génériques, mais essentiellement des usines et des ouvrages de défense. La fantaisie n’est pas dans le jeu non plus. En dehors des éléments ludiques concrets, pas grand-chose ne dépasse. Service minimum sur l’histoire, sur les séquences vidéo… Pas de gras dans ce Red Faction : Guerrilla. Deux camps font écho aux bâtiments civils et militaires : les travailleurs et les soldats vendus aux exploiteurs. Le fun est dans l’action, rien que dans l’action. Plaisir de jouer avec les lois de la physique : trajectoires, explosions, effondrements.

La masse, à la fois outil et arme. Symbole prolétarien aussi. Le héros est un travailleur.

Les séquences de combat sont des éléments perturbateurs : des grains de sable dans la mécanique de destruction, des intrus dans le corps à corps entre le joueur et le jouet qu’il doit consciencieusement casser. Parce que Red Faction : Guerrilla c’est autre chose que de tuer des gens. C’est le plaisir de casser les objets, transgression plus innocente mais aussi plus inhabituelle : peut-être plus choquante en fin de compte. Casser son jouet, c’est pas un crime virtuel, mais c’est moche… C’est peut-être pour ça qu’il y a une cause juste, un vrai mobile moral qui légitime le geste : la Red Faction. Le casseur est gentil, on le suspecterait presque d’être communiste (bien des éléments jouent avec cette couleur, même si c’est de façon superficielle), et il casse les choses des méchants, qui sont des militaires. Ca fait passer la pilule. Parce que merde, casser son jouet quand même…

Les ruines sont toujours tristes. Même quand elles résultent du juste châtiment des méchants.

Ce qui est cassé reste cassé dans Red Faction : Guerrilla. C’est aussi ce qui rend mon dernier tour de piste émouvant. Ce pont je l’ai pulvérisé pour porter un coup à la propagande de l’oppresseur, en visant méticuleusement les pièces stratégiques de l’édifice. Là j’ai cassé une caserne, une fois, par désœuvrement, ou alors pour évacuer la déception d’une mission ratée. Cette usine je l’ai cassée par défi dans un moment d’audace, car elle était bien gardée. Ai-je tué les gardes pour mieux casser, ou cassé puis tué les gardes par nécessité ? Je ne me souviens plus. De toute façon tuer les gardes ça n’est jamais une fin en soi : il en arrive toujours de nouveaux quand ça commence à se savoir qu’il y a du grabuge, et si on tarde trop on finit, quelque soit notre énergie destructrice, explosé, écrasé, cramé au milieu des carcasses fumantes de véhicules, cadavre parmi les cadavres.

Tourisme dans les Badlands. Certes mal fréquentée, cette zone offre avec ses dunes un relief propice aux enfantillages gymnastiques que le jetpack encourage. Un moment de détente que le héros savoure toutefois sans lâcher sa masse.

En attendant la dernière mission, ou plutôt pour la repousser, j’ai erré dans des lieux déjà visités, pratiqués, théâtres de moments évanouis. C’est un peu comme revenir dans les lieux de son passé dans la vraie vie. Une maison, un quartier, un lycée qui ont été nôtres mais ne le sont plus, peuplés du souvenir de gens qui ont été, des choses qu’on a faites, de l’ennui qui reliait les moments où il se passait quelque chose. On peut aussi faire ce tour après la fin du jeu, pour une expérience un peu différente. Le monde est alors évacué d’une grande partie de sa tension, donnant pour le coup l’impression de parcourir un cimetière. Evidemment, tout cela est un peu mélancolique.

Ce qui est étonnant c’est que les concepteurs ont semblé saisir ce sentiment et vouloir l’accompagner. La couleur musicale de la dernière phase du jeu, loin d’enfoncer les portes héroïco-épiques à renforts de trompettes et de tambours, nous plonge dans une ambiance bizarre, calme et un peu triste. Comme si elle nous invitait de manière anticipée à la nostalgie du joueur face au jeu terminé.

En commençant Red Faction : Guerrilla, cassant mes premiers murs à la masse, je ne pensais pas qu’au bout du chemin il y aurait la mélancolie.

Il y a 2 Messages de forum pour "La nostalgie, camarade"
  • rhed308 Le 20 septembre 2013 à 11:06

    Ahhh RFG !!! Il reste pour moi un des meilleurs Open World de cette génération sur consoles de salon. Pas de fioriture, tout est pensé dans l’optique de combattre l’EDF y compris dans les missions secondaires et les quelques à-côtés proposés.
    Il offre en plus un challenge tout à fait correct et une durée de vie honorable. Selon le meilleur jeu de "bac à sable " de 2009 (et limite depuis 2009) où l’on incarnerait le vilain petit canard qui démolit les châteaux des autres pendant que la maîtresse à le dos tourné.
    Je laissais le pont le plus tard possible pour gagner en temps de trajet tout en me disant tel un vicieux à chaque passage, bientôt je vais te détruire à coup de roquette thermonucléaire.

    Sa suite se veut à priori plus conventionnelle avec un TPS à couloir. Je le ferais bientôt pour voir ce qu’il vaut mais je ne m’attends pas à des merveilles.

    PS : 2009 que je considère comme une très bonne année de jeu vidéo avec des nouvelles licences ou des suites différentes. J’ai plusieurs jeux que j’ai beaucoup apprécié contrairement à leur suite sortit 2 à 3 ans plus tard qui ne prenaient pas la direction souhaitée. Plusieurs licences comme Bad Compagny ou encore Infamous sont tombées dans un cahier des charges "en mettre pleine la vue" pour au final de rien offrir de concluant.
    2009 a apporter des choses différentes, et ensuite l’essai n’a pas été confirmé. Et là on peut rajouter Darksiders, et peut être Red Faction pour le coup (je verrais quand j’aurai l’épisode Armageddon)

  • Anthony Jauneaud Le 20 septembre 2013 à 12:11

    Content que le jeu plaise. Et très bon texte !

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