10. Fonds marins

Final Fantasy XIII

L’exercice des impossibles

Vous savez ce qui est le plus gênant lorsqu’il s’agit d’évoquer Final Fantasy XIII ? C’est cette propension spontanée et quasi-systématique qu’ont ses détracteurs à lui reprocher le manque d’espace et de liberté qui en caractérise les deux premiers tiers.

Fin 2011 sortait The Stanley Parable, petit bijou méta d’humour et d’inventivité qui nous rapportait notamment ce qui apparaît comme une évidence : le jeu vidéo n’offre pas de liberté, mais une illusion de liberté, circonscrite au game-design et dont on ne peut s’émanciper. Ainsi, les choix offerts aux joueurs dépendent avant tout du champ des possibles défini par le jeu, et un choix n’existe que si les développeurs ont bien voulu le créer. Un champ des possibles garant de l’expérience vécue par celui qui s’y adonne et qui tend à devenir toujours plus permissif au fil des années, des évolutions technologiques, des multiplications des mondes ouverts et des gameplay émergents. Concrètement, cette « liberté » si adulée ne consiste ni plus ni moins qu’à diminuer les restrictions selon les intentions des développeurs et le genre investi. Et parmi ces restrictions figure, loin devant toute autre considération, l’espace de jeu accordé au joueur. On ne compte plus les softs faisant de l’immensité de leur univers un argument de vente imparable et les réactions euphoriques dont elles s’accompagnent. Aussi la sortie de Final Fantasy XIII ne pouvait-elle que diviser les joueurs à l’aune du postulat allègrement répandu à l’époque de sa sortie fin 2009 : « Y a que des couloirs, c’est nul ».

Chemin entièrement contenu dans des murs infranchissables, le tout visible dans le champ : tu vois mon fils, ça c’est un couloir.

Pas question pour autant d’aller contre un consensus tel que les ventes de ses deux suites en ont eu pour leurs frais, pas plus que de défendre passionnément un titre appréciable mais aux défauts évidents. Non. De sa progression hachée par de multiples cinématiques loin d’être toujours utiles (typiquement, effet d’annonce d’un combat sans apport d’une quelconque information) à son caractère casual exacerbé (potions qui redonnent des PV à l’ensemble du groupe, PV entièrement restaurés et altérations d’état guéries après chaque combat...), en passant par des trajets interminables, un scénario surexplicatif (tunnels de dialogues pompeux exprimant les émotions du moment et les morales à en tirer) ou le design parfois ridicule de ses créatures, le blockbuster de Square Enix a mérité à juste titre certains des multiples reproches qui lui ont été faits. Certains, parce qu’il en est justement un qui ne tient pas, ou en tout cas dont la cohérence aurait dû prévaloir sur les jugements hâtifs qu’il a engendrés : les couloirs. On peut reprocher pas mal de choses à Square Enix. Pas le fait d’avoir été à l’origine d’une proposition de gameplay qui s’adresse intimement aux joueurs, hélas à la seule condition que ceux-ci acceptent littéralement de jouer le jeu. Final Fantasy XIII est par ailleurs l’un de ces rares exemples de prises de risque visant à établir une expérience de jeu en parfait accord avec l’histoire contée. Et dont la substantifique mœlle, nous le verrons, dépasse allègrement le cadre d’une simple histoire de couloirs. Vous l’aurez compris, retour sur un titre aussi accessible que déstabilisant.

Simulacres et simulation

FF XIII vs. Xenoblade Chronicles.

Six mois séparent les sorties japonaises de Final Fantasy XIII et de Xenoblade Chronicles. Deux visions drastiquement opposées du JRPG, le second présentant notamment une large panoplie de maps tout à la fois immenses, sublimes et particulièrement jouissives à parcourir. Un titre d’une ampleur folle et dont l’ambition va totalement à l’encontre de ce que nous propose FF XIII, qui attire d’autant plus les procès d’intention qu’il succède à un Final Fantasy XII qui donnait précisément tout le loisir au joueur de parcourir de vastes espaces quand et comme il l’entendait. Il n’en fallait pas plus pour qu’une large part des joueurs s’emporte face au parti-pris linéaire du soft, et que celle-ci passe à côté de ce qui en fait justement la spécificité. Car avant d’être linéaire ou dirigiste, ce qu’il est fondamentalement, Final Fantasy XIII est liberticide. Volontairement liberticide, s’entend, et pas uniquement parce que Square Enix voulait tabler sur le plus grand nombre d’acheteurs possible. Un parti-pris qui conditionne la totalité de l’expérience de jeu, jusqu’à certaines habitudes des joueurs sur lesquelles les développeurs les invitent à s’interroger. Il y a dans le jeu un ressenti prégnant du manque d’espace, une volonté d’oppression qui obligent les joueurs à filer droit. D’expérience, ceux-ci chercheront à explorer les moindres recoins du monde pour tenter d’emprunter des chemins annexes à celui qui leur est ouvertement désigné comme impératif à la progression. Dans Final Fantasy XIII, ces chemins n’existent tout simplement pas. Et ils n’existent pas parce que l’histoire prend place sur Cocoon.

Oui, Cocoon, cocon en français. Soit l’idée d’un endroit où le confort est roi, un havre de paix que l’on aurait tout à perdre à s’en éloigner. Nourriture, électricité... tout est produit et géré par les fal’cie, des entités mystiques prenant soin des habitants de Cocoon auxquels ils confèrent le privilège d’une vie paisible. En outre, les fal’cie peuvent choisir des humains et les doter de pouvoirs magiques, faisant d’eux des l’cie afin de leur faire accomplir une tâche précise. À la tête de tout ce beau monde, le fal’cie Orphan, source d’énergie d’Eden, fal’cie qui contrôle Cocoon et qui prête son nom à la capitale. Sous les ordres des fal’cie se situe le Sanctum, organe gouvernemental chargé de la politique, lui-même à la tête d’une armée subdivisée en plusieurs branches. Ce que FF XIII nous fera comprendre assez vite, c’est que sous airs d’utopie, Cocoon accorde une place prépondérante à la hiérarchie et à l’ordre établi, à tel point que le Sanctum a mis en place la Purge, une opération visant à déporter vers le Bas-monde quiconque sera entré en contact avec ce dernier. Le Bas-monde, aussi appelé Pulse, est une immense planète dont les cieux abritent Cocoon. Dans le passé, Cocoon et Pulse se sont affrontées lors d’une guerre qui a fait de la seconde une menace malgré sa défaite. La première séquence de FF XIII se déroule en pleine Purge, déclenchée suite à la découverte d’un fal’cie de Pulse près d’une cité de Cocoon. Mais la situation dégénère lorsque la vérité éclate au grand jour : la Purge n’est pas une déportation, mais un homicide massif.

Cocoon, petite sphère flottant dans les cieux de Pulse, à l’écart du monde sauvage.

Bien que choyés, les habitants de Cocoon mènent une vie d’un conformisme total et soumise à la pensée dominante. Il suffit d’un contact avec Pulse, fut-il lointain et immatériel, pour être immédiatement traité comme un paria par le reste de la population, laquelle a été élevée dans la peur du Bas-monde. Les personnages incarnés pendant le jeu deviendront des l’cie de Pulse et cette simple appellation suffira à terroriser les humains de Cocoon en dépit des bonnes intentions affichées et d’un comportement qui ne se distingue en rien de la normalité. Par tout cela, FF XIII invoque les thématiques qui feront l’essence du jeu et que le gameplay aura à cœur de retranscrire : conditionnement, déterminisme et liberté.

Joueur vs. spectateur

En plus du manque d’espace, on a souvent reproché au titre l’aspect nébuleux de son scénario. Et c’est là qu’intervient le fait de devoir « jouer le jeu ». Il faut jouer le jeu, vivre le jeu, prendre le temps de s’imprégner de l’univers et donc accepter les partis-pris qui nous sont imposés, pour questionner les choix de level-design et ainsi comprendre ce que le jeu a à nous dire. Plus facile à dire qu’à faire, à une époque où jeux vidéo et cinéma ont eux-mêmes du mal à prendre leur temps et jouent volontiers la carte de la surenchère explicative au mépris de toute compréhension sensorielle. Mais ici, ne pas jouer le jeu revient à ne pas ressentir, et ne pas ressentir implique fatalement de passer à côté de tout ce qui n’est pas clairement explicité. Nouvelle évidence : le joueur n’est pas un spectateur.

La raison d’être des couloirs sonne alors comme une évidence. Il y a couloirs parce que Cocoon n’est en réalité pas tant l’idéal de vie qu’il semble être, qu’un endroit où règnent enfermement, uniformisation et soumission inconsciente à un avenir tracé de toutes pièces. Traverser de longues lignes droites permet au joueur de ressentir la nature de l’univers dépeint sans que des dialogues n’aient besoin de tout lui expliquer. Le jeu est blindé de décors sublimes que l’on ne peut parcourir que des yeux ? Il l’est parce que des petites portions de la map sont réduites à cette simple fonction : celle de les admirer. Et les admirer provoquera inévitablement de la frustration, de la colère et de la mélancolie chez le joueur. Soit exactement les mêmes sentiments éprouvés par les personnages qu’il incarne. Et c’est en cela que FF XIII est intéressant. Par la force des choses, il permet aux joueurs, et uniquement aux joueurs, de s’identifier à des avatars qu’ils peuvent tout à fait trouver insupportables en parallèle. Vanille et Hope en savent quelque chose.

La vue est sublime, le joueur n’y mettra jamais les pieds.

La linéarité proposée répond à la même logique, celle de symboliser le destin, thématique centrale du jeu. Oui, le destin, soit un futur prédéterminé par des entités supérieures et qu’il ne serait pas possible de transgresser. Ainsi, il n’est possible d’explorer Cocoon que sur des rails menant d’un point A à un point B, et il ne sera jamais possible de s’en écarter. Difficile de traduire mieux que cela, par le prisme du gameplay, l’envers du décor qui nous est présenté et le parcours intérieur de personnages qui chercheront à se libérer de l’unique chemin (d’un point de vue concret comme symbolique) que d’autres ont tracé à leur place. Il n’échappera d’ailleurs pas au joueur que seules les villes sont peuplées sur Cocoon, toutes les autres zones étant soumises au contrôle de l’armée et révélatrices d’une déliquescence présentant la véritable nature de ce monde (champ de ruines et d’ordures, élevage de monstres-robots...). Même la côte de Sunleth, seul réserve naturelle de Cocoon, est interdite au public. Bref, des routes peu agréables à parcourir et où l’envie d’en finir (finir le niveau au plus vite ou carrément arrêter le jeu), en plus de faire écho aux pensées de nos avatars, ne semble dire qu’une seule chose : la liberté se mérite. La liberté recherchée par Lightning et sa bande (ne plus être soumis au bon vouloir des fal’cie), comme celle de pouvoir enfin gambader à l’envi entre deux monstres occis. Une logique de contraste se pose ainsi lors de notre arrivée sur Pulse, au sein d’une vaste plaine régie par la loi du plus fort, à l’image de ce chocobo se faisant dévorer dès notre arrivée. Il n’y est plus question de soumission mais de liberté, jusque dans cet univers naturaliste s’opposant clairement à l’aspect matériel et artificiel de Cocoon. S’offre alors à nous un immense terrain de jeu, dont les quelques couloirs sonnent comme les vestiges d’un passé où les fal’cie régnaient en maître sur des humains aujourd’hui disparus.

A contrario, il aura échappé à beaucoup que les personnages passent leur temps à voyager de manière ascendante et descendante. C’est en haut de la cité suspendue qu’ils trouveront le fal’cie de Pulse, lequel les fera chuter jusqu’au lac Bresha peu après leur combat. Traverser Palumpolum se fera des égouts jusqu’aux plus hautes tours de la ville, pour plus tard atteindre le Palencia, vaisseau alors en plein vol dont la structure imposera au joueur de grimper jusqu’à son sommet au sein duquel se trouve le fal’cie Barthandelus. La traversée de la cinquième arche consistera à descendre le plus bas possible, tandis que la visite de la tour située sur Pulse (le BAS-monde, donc) sera une escalade jusqu’à son dernier étage, là où prendra place le combat contre le fal’cie. Et la bataille finale contre Orphan aura lieu en haut du berceau d’Orphan. Par ces procédés, les développeurs font ressentir en permanence aux joueurs, à l’échelle du jeu où d’une simple zone, la hiérarchie verticale initialement présentée, et les places successives que ceux-ci y occupent au fil de leur aventure. Pour le spectateur, Final Fantasy XIII ne raconte au final rien d’autre que le renversement, par les opprimés, de ceux qui dirigent leur vie. Que la cinématique finale se passe sur une plaine de Gran Pulse, peu de temps après la victoire finale et le lien symbolique créé entre Cocoon et Pulse (le gigantesque amas de cristal qui les relie), achève d’ailleurs ce ressenti. Le joueur, lui, aura également vécu une vraie mise en abyme.

The Matrix has you

La notion de lien est omniprésente dans FF XIII.

Malgré les louanges qu’il a pu susciter, le système de combat du jeu a également eu ses détracteurs. Le choix « attaque automatique » principalement. Un choix qui, comme son nom l’indique, choisit à la place du joueur les attaques à effectuer. Mieux, ce sont les meilleurs choix possibles qu’il sélectionne. L’essence de la mise en abyme se situe précisément ici. Durant les premières heures, les personnages ont peu de capacités, il est donc plus rapide de sélectionner l’option « attaque automatique », dans la mesure où l’on ne nous offre pas vraiment de choix alternatif. Mais instinctivement, le joueur cherchera à personnaliser l’expérience de jeu en choisissant lui-même les attaques à effectuer. Choisir « fauchage » pour une attaque de zone, ou « attaque » pour une attaque ciblée, par exemple. Après tout, l’option automatique est bien sympathique mais peu immersive du fait du martelage du bouton croix. Pour autant, le choix personnel s’avérera vite inutile puisque jamais plus efficace que l’attaque auto, et surtout guère différent du fait du peu d’options envisageables. Bien qu’ayant d’abord refusé de se soumettre à l’option la plus évidente, le joueur finira fatalement par y revenir et se sentir emprisonné par les limites évidentes du gameplay, conditionné qu’il est à effectuer le même geste. Le choix proposé s’avère vite illusoire, fausse alternative visant à rappeler le libre-arbitre du personnage/joueur tout en appuyant son inutilité. Tels les habitants de Cocoon, les joueurs n’ont qu’une liberté d’action factice. Et tels les premiers bridés par les fal’cie, les seconds le sont par les développeurs. Dès la première heure de jeu, sans que le joueur n’en prenne conscience, FF XIII a établi un parallèle intime entre deux entités (les joueurs et leur avatar) qui chercheront constamment à se libérer des chaînes du destin (tâche du fal’cie, game-design) qu’on leur impose. À exister par eux-mêmes sans jamais y parvenir.

Les événements du jeu mèneront les personnages à apprendre que leur nature de l’cie avait un but tout autre que celui imaginé à l’origine : en réalité, leur épopée s’est toujours faite sous surveillance du fal’cie Barthandelus, lequel souhaitait entraîner la bande afin de lui faire gagner en puissance. Suffisamment pour détruire Orphan sur lequel, on le rappelle, repose l’existence de Cocoon. Un personnage secondaire, Raines, leur dira ceci au milieu du jeu : « les fal’cie vous surveillaient et vous guidaient, [...] leur existence est liée à la création et la survie de ce monde, […] détruire eux-mêmes leur création irait contre leur nature ». Récapitulons : les fal’cie créent un monde, Cocoon, et désignent de manière aléatoire des humains pour les charger d’une tâche, faisant d’eux des l’cie. Ici, la tâche de nos personnages est de détruire Orphan, et par extension Cocoon, ce que les fal’cie ne peuvent faire eux-mêmes du fait qu’il s’agit de leur création. Pour se faire, ils devront parcourir le monde pour gagner en puissance et ainsi atteindre l’objectif dont ils sont esclaves. Nous avons vu plus haut que le lien entre l’cie et joueur est évident. Celui entre fal’cie et développeurs l’est donc tout autant. Ainsi, les développeurs créent un jeu (FF XIII) et désignent de manière aléatoire des humains pour les charger d’une tâche, faisant d’eux des joueurs. Des joueurs qui devront nécessairement parcourir l’univers du titre pour gagner des compétences et ainsi finir l’aventure que l’on a pensé pour eux. L’existence des développeurs est liée à la création et à la survie du jeu. Pas de développeurs, pas de jeu. Pas de joueurs... pas de jeu non plus. Le joueur est ici le l’cie des développeurs, un intermédiaire, une marionnette, comme il l’a toujours été dans l’histoire du jeu vidéo. Leur tâche est de finir le jeu avec les outils qu’on leur a offert, et rien d’autre.

Tout prend alors une autre ampleur. Les magies, stratégies et améliorations des capacités sont autorisées dès que nos avatars sont devenus des l’cie, une fois qu’une force supérieure (fal’cie comme développeurs) nous aura permis de sortir du carcan dans lequel nous étions enfermés jusqu’ici (personnages, donc joueurs, aux capacités basiques et limitées). Une identification dont la logique pousse le game over à intervenir dès lors que le leader (seul personnage que l’on contrôle) mourra. Pas de leader, pas de joueur, donc pas de jeu. D’où le fait que la possibilité de composer soi-même son équipe n’intervienne qu’une fois que tous les personnages seront mus par une même volonté : celle de ne pas se soumettre au destin, à ce futur préétabli par les fal’cie. Le lieu de cet accord commun et de cette nouvelle mécanique de gameplay ? Au sommet de Cocoon, une fois atteint le dernier étage du Palencia. Au sommet de la hiérarchie. Après que le joueur a pu contrôler chacun des membres de l’équipe en tant que leader, aux moments précis où ceux-ci devenaient déterminés à reprendre le contrôle de leur vie.

Peu de temps après, le nombre de rôles accordés à chaque personnage, jusqu’ici limité à trois, s’étend à la totalité des rôles possibles. Par exemple, Lightning a accès au rôle de tacticien, ce qui lui était impossible avant. À ce moment-là, les personnages s’apprêtent à rejoindre Pulse, à quitter Cocoon. Ils se sentent libres. Le joueur, à la vue des nouveaux choix qui lui sont proposés, éprouvera le même sentiment. Problème, la bande se retrouve bloquée dans la cinquième arche, endroit qui sert à entraîner les l’cie pour les rendre puissants. La retranscription dans le gameplay est simple : quand bien même l’apprentissage des nouveaux rôles (et des capacités qui leurs sont associées) débute au niveau 1, le nombre de points de compétence demandé pour les développer est le même que pour les rôles de niveau bien supérieur. Et bien sûr, les capacités apprises aux niveaux 1 sont insignifiantes dans l’évolution des personnages. Nous en sommes alors à près de vingt heures de jeu, les ennemis ont longs à abattre et n’offrent guère plus de points de compétence qu’avant. Il serait vain de multiplier les combats pour obtenir des capacités qui n’auraient qu’un minimum d’impact sur les personnages. Naturellement, le joueur préférera donc continuer d’améliorer les rôles qui sont les siens depuis le début du jeu. Par cette simple nouveauté de gameplay, l’essence du jeu se rappelle à nous : nous sommes désormais libres de faire ce que nous voulons, mais ne gagnerions que très peu à le faire. Et le joueur de continuer à suivre l’ordre établi, de se soumettre à des choix qu’il croit être les siens quand ils sont en réalité dictés par un parti-pris de game-design. Il est peut-être aussi là, ce moment où le joueur prend conscience que le cristarium, le système d’évolution des personnages, prend l’apparence d’une ligne droite que l’on ne peut fragmenter à son avantage. Logique jusqu’au-boutiste : le dernier stade d’évolution du cristarium ne sera accessible qu’après avoir terminé le jeu, donc après s’être libéré des mécanismes qui nous entravaient (les personnages viennent alors de vaincre Orphan). De plus en plus puissant, le joueur pourra donc rosser du monstre à la chaîne avec n’importe quelle attaque qu’il aura lui-même choisi, en dépit des caractéristiques défensives de ladite créature.

Pilule bleue

S’appuyant sur les travaux du théoricien du jeu vidéo Jacques Henriot, Sébastien Genvo (maître de conférences HDR et membre du centre de recherche sur les médiations) rappelle que « jouer, c’est faire l’exercice des possibles : le joueur doit avoir le sentiment que le résultat de ses actions va avoir une répercussion signifiante dans le cours des événements à venir et que tout n’est pas joué d’avance ». À l’inverse, jouer à Final Fantasy XIII, c’est faire l’exercice des impossibles. Le joueur doit avoir le sentiment que le résultat de ses actions ne dépend pas que de lui et qu’il est prisonnier de quelque chose sur lequel il n’a qu’un minimum d’impact. À l’image de l’épilogue, et contrairement aux habitants de Cocoon terrorisés par l’inconnu, FF XIII fera ressentir à son utilisateur que la liberté passe par l’inconnu, par l’ouverture au monde. Nos personnages recherchent cette liberté et ne pourront l’obtenir qu’en traversant eux-mêmes l’inconnu, le penchant chaotique du monde qu’ils connaissent, entre autres révélateur de leurs démons intérieurs auxquels ils ne cesseront de se confronter. Autrement dit, l’accomplissement personnel et la prise en main de notre propre vie passe nécessairement par une prise de risques et sa propre mise en danger. « Je prends les devants », dira Hope. « Tu t’en crois capable ? » lui rétorquera Lightning. « Le problème n’est pas de savoir si je peux. »

En faisant en sorte que des mécaniques traditionnelles de gameplay et de game-design se mettent au service du propos de son jeu, Square Enix nous fait ressentir ce constat à une échelle plus intime que jamais. Telle une leçon de vie que tout un chacun gagnerait à mettre en application. Bien sûr, un nouvel article serait nécessaire pour tenter d’expliquer les limites qu’engendre cet ensemble de parti-pris. Mais comme les défenseurs de Final Fantasy XIII aiment à le rappeler, la saga s’est construite sur des épisodes qui se servaient des acquis du passé pour toujours proposer quelque chose de nouveau. À tenter de déstabiliser son audience autant qu’à prendre la main des nouveaux venus, l’éditeur s’est aliéné une large partie de ses fans de la première heure, ce qu’il savait sans doute inévitable. Qu’importe alors l’impopularité du titre et de ses deux suites : Square Enix s’est montré cohérent, s’est mis en danger à travers un blockbuster qui encourageait ses joueurs à faire de même, à lutter contre le confort. Cruelle ironie que beaucoup d’entre eux aient préféré s’y recroqueviller.

Il y a 15 Messages de forum pour "L’exercice des impossibles"
  • cKei Le 3 mars 2015 à 12:28

    “un choix n’est donc possible que si les développeurs ont bien voulu le créer”

    Pas complètement en fait ;) Pour regarder pas mal de speedruns, on s’aperçoit que bien souvent il est possible d’abuser le jeu, d’exploiter des mécaniques qui ne sont pas prévues par les développeurs initialement. C’est ce que l’on appelle le Gameplay Emergent.

    Sinon, bien que je ne remette pas en cause ton article, il y a une chose qui fait pour beaucoup dans l’acceptation de la liberté relative : c’est la sensation qu’éprouve le joueur. J’entends bien le pourquoi de ces partis pris, mais cela ne fait pas du jeu une œuvre plus agréable à parcourir, et je n’ai pas pour autant ressenti l’attachement aux personnages que tu sembles décrire. En gros pour moi soit le concept est mal fait/exploité, soit c’est qu’il ne correspond pas à ce que recherche le joueur. Parce qu’on aura beau proposer un parallèle profond entre l’expérience du joueur et le propos du jeu, si cette expérience n’est pas bonne alors elle n’aura servi à rien.

    Si la liberté offerte par disons, FFIX, n’est que simulée par l’ajout de phases en plein air sur la worldmap et un level-design plus tortueux et visuellement inspiré que celui souvent aseptisé de FFXIII, la sensation ressentie par les joueurs en est tout autre. Et c’est ça qui prime finalement.

    Parce qu’encore une fois malgré l’importance du voyage et de la manière de voyager dans FFXIII, je n’en ai pas retenu grand chose, puisque je ne savais ni où j’allais ni pourquoi j’y allais : je me suis contenté comme beaucoup de joueurs de suivre le seul chemin possible, en no-brain, parce que le jeu ne faisait pas l’effort (du moins c’est ma sensation) de me laisser faire autre chose.

    D’autre part, quand on arrive par la suite sur Pulse, on a une sensation de soulagement, l’oppression ressentie sur Cocoon s’estompe. Seul problème, le couloir a beau être plus large et proposer quelques ramifications, la zone est tout de même bien vide. Il y a bien quelques quêtes annexes à se mettre sous la dent, mais pour un habitué de la série la comparaison avec les anciens est peu flatteuse et la variété de ces quêtes trop pauvre : combats, combats et combats.

    Personnellement j’ai bien aimé FFXIII le temps que ça a duré. Bien sûr que certains choix me laissaient perplexe en cours de jeu, mais finalement on s’y fait et on arrive à prendre du plaisir (syndrome de Stockholm ?). Le soucis c’est qu’une fois le jeu rangé, il m’a laissé un gout assez amer. L’histoire ne m’a pas marquée, et si les concepts derrière le système de combat était intéressant au final le jeu tout entier manquait de saveur.

    Donc encore une fois, même si l’on peut louer l’envie de Square de ne pas se cantonner à ce qu’il sait faire et les partis-pris bien tranchés et désorientants, il eut été bon que le développeur ait plus les joueurs en tête comme finalité dans l’élaboration de son game-design.

  • Jehros Le 3 mars 2015 à 12:48

    J’ai bien conscience des pratiques du speedrun et du TAS, mais j’ai préféré ne pas en parler pour éviter trop de digressions. C’est aussi sous-entendu quand je parle de "jouer le jeu".

    "J’entends bien le pourquoi de ces partis pris, mais cela ne fait pas du jeu une œuvre plus agréable à parcourir"

    Je suis d’accord, c’est même exactement ce que je dis. Le jeu n’est pas agréable à parcourir, mais paradoxalement c’est totalement cohérent avec le propos qu’il véhicule. Et évidemment, il y aurait des milliers de choses à dire là-dessus, sur les limites que cela engendre, etc... Sans doute même philosophiques. Mais mettre déjà en avant la cohérence du game-design m’apparaissait d’autant plus important qu’on ne retient généralement, en effet, que l’aspect pénible du jeu.

  • Mithrandir Le 3 mars 2015 à 15:19

    J’ai quand même du mal à croire que tout cela était sciemment pensé par les développeurs. Bien sûr comme toute analyse d’oeuvre, mais étant développeur j’ai tendance à penser que des équipes différentes bossaient sur ces différents endroits et après ils ont tout mit ensemble à l’arrache. D’où l’effet difforme de l’expérience, pas forcément voulue.

    D’ailleurs sur Pulse seule la plaine est immense, dès qu’on va vers les autres zones (comme la grotte), on se retrouve dans un level design pauvre à base de couloirs.

    Après c’est vrai que c’est très intéressant, mais ça ne fonctionne pas. Le jeu/univers est tellement frustrant et repoussant quon a pas du tout envie de s’impliquer ou de s’investir. Ajouté à ça comme tu l’as dit une narration omniprésente pour ne rien dire qu’on lâche bien vite. Comme cKei rien ne m’a marqué, j’ai oublié l’histoire.

    De plus si on suivait cette logique à fond ça voudrait dire que sur Pulse on deviendrait enfin libre du Cristarium et de nos compétences limitées. Or le cristarium est toujours aussi linéaire et on utilise toujours majoritairement la commande automatique pour empiler les actions.

  • Hapax Le 3 mars 2015 à 23:36

    C’est marrant parce que je joue en ce moment même à FFXIII et je ressens exactement ce que tu décris au niveau du gameplay et de l’expérience qu’il procure. D’abord de la frustration sur Cocoon, ne pas pouvoir choisir mon leader m’a fait complètement rager dans un premier temps, pareil pour le level-design qui même pour un FF est carrément asphyxiant.
    Puis sur Pulse je me suis calmé, c’est plus beau, on est plus libre. On relativise quand même très vite devant le principes des quêtes annexes dont la moitié sont un peu soûlantes et consistent en des allers-retours.

    Du coup étant plongé en ce moment dans le jeu je trouve ton article extrêmement intéressant. J’avais du mal à expliquer les choix des devs, et ton article permet quand même de mettre en lumières certains aspects ou plutôt liens sur lesquelles je n’avais jamais réfléchi. Je ne pense pas que les devs aient raté FFXIII, les choix de gameplay et de level-design sont tellement à contre courant de ce qui se fait aujourd’hui dans le jeu vidéo ... J’y voyais plutôt une volonté des devs, une volonté obscure, mais une volonté quand même
    Maintenant comme tu le rappelles tous ces éléments ne font pas de FFXIII un bon jeu.
    Mais ça lui donne quand même une couleur particulière.

    Tout jeu vidéo doit il être agréable à jouer ?
    Un bon jeu vidéo laisse t’il forcément un bon souvenir au joueur ?
    Ton article a le mérite de poser de bonnes questions je trouve.
    Des bisous.

  • Elekami Le 4 mars 2015 à 01:01

    Bien que j’imagine que cette analyse a pris du temps pour être faite, ça reste à mes yeux de la pure branlette intellectuelle, assez prétentieuse ("simulacres et simulation", lol).
    Même si la démarche de faire passer un jeu bancal comme Final Fantasy XIII pour une oeuvre raffinée et conceptuelle est louable en théorique, dans la pratique tout ça est juste impossible.

    Les développeurs de Square-Enix font preuve d’un manque de finesse évidente. Il n’y a aucune réflexion implicite dans l’histoire ou autre, tout est appuyé de façon lourde par des cinématiques encombrantes qui le sont elles aussi bien souvent (lourdes). Peu de place est laissée à l’interprétation. Ils ne sont pas capables de proposer un semblant de profondeur dans une histoire (certes travaillée mais relativement confuse) mais auraient pensé à laisser un énorme double niveau de lecture tout au long du jeu ? Laisse moi rire...
    Quant au level-design, il a souvent été assez moyen dans la série, et cette linéarité était déjà présente dans FFX. Toriyama aime faire des jeux comme ça, tout bonnement.

    J’ai faillis m’étouffer sur la partie concernant le gameplay, que je trouve hors de propos. Donc on nous sert des combats soporifiques pendant 90% du jeu (où on se contente effectivement souvent de marteler une seule touche) pour nous faire passer un message ? Ça va trop loin, là... (j’attends la justification pour les "quêtes annexes" ultra reloues).

    Après, extrapoler sur la verticalité, les couloirs, tout ça... on peut s’y amuser, mais c’est comme s’arrêter sur chaque plan d’une séquence de film pour regarder où est la lumière et où est l’ombre, c’est de l’asticotage de poireau, FFXIII reste un gros jeu commercial conçu dans l’ère du temps (= graphismes qui t’en mettent plein la vue, cinématiques à gogo, combats pseudo-dynamiques), essayer de "lire entre les lignes" d’un tel jeu c’est aussi faire preuve de naïveté, à mon humble avis. La différence c’est sa linéarité asphyxiante, même si c’est loin d’être le seul jeu à laisser peu de place à l’exploration...

    Enfin bon si jamais S-E veut s’amuser à faire des jeux bidons à jouer pour apparemment nous faire réfléchir sur les mécanismes des jeux vidéo, grand bien leur fasse, ça plaira peut-être à trois-quatre gugusses...

    (Je ne considère pas FFXIII comme singulièrement mauvais, mais ses défauts amputent une trop grosse part de l’éventuel plaisir de jeu pour moi... qui est primordial dans un jeu vidéo, oui.)

  • wuthrer Le 4 mars 2015 à 09:15

    Ok.

    J’aime beaucoup ta manière de voir les choses, et effectivement d’après moi elle fait sens. Que ça soit au travers du paradigme théorique que tu construis, que dans les souvenirs de mon expérience.

    Après par contre, je ne peux pas m’empêcher de penser que ça reste mal fait, même selon cette perspective. Trop de cut-scenes inutiles et de tartinage narratif 1°er degré. C’est d’autant plus problématique que tout le blabla occupe une grande partie du jeu.

    Je loue la démarche, multiplier les parties pris risqués sur tous les plans dont se composent le jeu pour qu’ils se fassent échos et nourrissent une intention narrative, c’est intelligent et osé, d’autant plus pour la thématique de cet épisode. Mais pour que ça prenne, autant y aller franco. J’imagine que c’est ça qui a pêché, et c’est comme ça que j’explique mon ressenti par rapport à l’épisode.

    Un truc tout con : permettre au joueur d’influencer les dialogues une fois arrivé sur Pulse pour que le joueur ressente encore plus ce sentiment de liberté accordée.

    Quoiqu’il en soit, superbe article.

  • Jehros Le 4 mars 2015 à 09:37

    À vrai dire, que tout cela résulte de l’intention des développeurs ou non n’a pas grande importance en réalité. Un jeu, comme n’importe quel film ou oeuvre d’art, appartient à celui qui en fait l’expérience, à mon sens. On peut trouver autant d’interprétations d’un jeu que de joueurs, et l’intention véritable des auteurs est importante mais secondaire. Tout ce que je décris ici résulte de ma propre expérience, ni plus ni moins, et je comprends totalement qu’on s’en tienne aux défauts du jeu, qui existent, dont je suis conscient. J’ai moins essayé de lire entre les lignes que de répondre aux questions que je me posais en y jouant.

    Mithrandir : l’arrivée sur Pulse se fait toujours dans le cadre de la quête d’émancipation des personnages. Ils sont toujours surveillés par Barthandelus. C’est pour ça qu’il apparaît logique que le dernier stade d’évolution du Cristarium ne se débloque qu’après l’avoir vaincu, ce qui permet donc de nouvelles capacités, toujours plus de force (notamment avec l’amélioration des armes) et donc le choix de n’importe quelle attaque.
    En ce qui concerne les couloirs de Pulse, j’évoque brièvement des vestiges de l’époque où les humains y vivaient. C’est d’ailleurs dans ces endroits que se trouvent les fal’cie de Pulse.

  • BlackLabel Le 4 mars 2015 à 13:40

    “l’intention véritable des auteurs est importante mais secondaire.”

    Oui c’est vrai parce qu’ils peuvent se planter ou faire des erreurs grossières, tout comme une oeuvre bien conçue peut finir par se nourrir elle-même et avoir du sens au-delà des ambitions de son créateur.

    Mais si Elekami dit juste quand il parle de lourdeur du scénario, et de soi-disant double lecture fine du level-design dont parle l’article, y’a un problème, une méchante contradiction.

    L’interprétation d’un joueur peut être pertinente si elle a une cohérence, pas si le joueur voit que ce qu’il veut voir.

  • Jehros Le 4 mars 2015 à 17:09

    Effectivement, comparer le ressenti de deux joueurs risque nécessairement d’aboutir à des contradictions. Mais là où Elekami parle de l’histoire (et je suis d’accord avec ses arguments), je parle de traduction des thématiques de l’histoire par des mécaniques de jeu qui, de la même manière que la mise en scène d’un film (ombre et lumière comprise) , peuvent dire autant de choses, voire plus, que le scénario.

    Et le sujet de mon article n’est pas tant l’histoire que ce qui relève du jeu. Que l’histoire soit didactique, mal écrite, etc... n’a aucune incidence sur les questions que peuvent soulever des mécaniques de jeu. Seules choses dont j’essaie de parler ici, de la manière la plus cohérente possible il me semble.

  • Nicolas Turcev Le 4 mars 2015 à 21:19

    Je le trouve très bien moi cet article. Impressionnante analyse qui fait l’effort de ne jamais se départir d’un appui concret sur les éléments du jeu.

  • Strife Le 7 mars 2015 à 17:27

    Le souci c’est que rien n’incite à jouer le jeu, à commencer par le non-jeu que propose le titre. Et du coup on passe à côté de toute envie de ce type d’analyse car du gameplay à deux boutons à la vacuité des tâches demandées en passant par une intrigue à la fois simpliste et brouillon et des personnages souvent insipides, au mieux irritants, rien ne donne envie de s’y intéresser.

    J’ai joué avec assiduité à des jeux comme Drakengard premier du nom, que je qualifierai autant d’instrument de torture SM que de jeu-vidéo, parce qu’ils dégagaient quelque chose de dérangeant, d’intrigant, qui donne envie de s’y pencher.
    FFXIII, en choisissant un habillage J-pop caractèristique de ce qui se fait de pire en matière de J-RPG (oui, je classe ça au-delà du "ringard") , donne simplement envie de jouer à autre chose. Le postulat de base n’attise pas assez d’intérêt à mes yeux pour tenter de percer au-delà de la purge vidéoludique qu’est FFXIII. Pas faute d’avoir essayé pourtant, d’avoir un peu lutté. Mais hélàs, je n’ai pu me résoudre à porter le périple (je corrige ici un lapsus révélateur, j’avais écrit "pénible") de cette bande d’empotés de pixels ne serait-ce que jusque Palompolom qui miroitait à l’horizon.

  • Monpieddanstonplat Le 9 mars 2015 à 00:51

    Bonjour,

    je suis votre site avec intérêt depuis un moment et j’aime beaucoup ce que vous faites, comme on dit. Ceci dit, à la lecture d’articles comme celui-ci, j’ai tendance à penser que la ligne éditoriale se complaît un peu trop dans un certain intellectualisme. En fait, ça me fait penser à un épisode de Kaamelott (saison 5 ou 6, je sais plus), où Méléagant dit à Lancelot (en substance, je cite de mémoire) :
    "du courage, de la volonté, de la force... Si seulement vous aviez un peu d’humour, vous seriez le roi du monde."
    Et Lancelot de lancer un regard ébahi qui se perd dans un fondu au noir annonçant la fin de l’épisode.
    Les fans le savent : Lancelot ne trouve pas cette goutte d’humour qu’il devrait mettre dans son vin de convictions (certaines mauvaises langues prétendent d’ailleurs que la série elle-même non plus). Mais je trouve que ce site, qu’encore une fois j’apprécie par ailleurs, manque un poil de fun.
    On m’objectera peut-être que ce n’est pas l’enjeu. Qu’une lecture technique et sous-tendue par une expertise professionnelle (beaucoup de vos rédacteurs semblent faire partie de l’industrie vidéo-ludique) apporte un éclairage salutaire sur la production de jeux vidéo. Je suis parfaitement d’accord, mais en quoi ça interdit une petite vanne de temps en temps ?
    Le jeu vidéo reste du jeu : si on ne se marre pas en en parlant, c’est qu’on passe à côté de l’essence même du produit. Un article comme celui-ci me paraît d’une intelligence rare : bordel, tout ce que vous dites est très convaincant, et ce regard sur le game-design comme moyen narratif constitue à mes yeux précisément le véritable axe de lecture de la critique vidéo-ludique. Ce que vous faites à Merlanfrit, personne d’autre le fait. Mais si vous le faisiez avec humour, ça serait non seulement plus digeste, mais surtout plus en adéquation avec le sujet.
    OK, je sens bien ce qu’il y a de paradoxal à militer pour l’humour sans être drôle soi-même. Vous m’en voyez désolé, mais je ne cherche pas à donner de leçon, seulement à vous dire ce qu’un de vos lecteurs aimerait trouver dans vos articles.

    Merci pour tous ces papiers qui font plaisir ; quoi qu’il en soit, vive Merlanfrit. Et ravi, au fait, d’avoir enfin compris ce que les concepteurs de FFXXIII avaient dans le citron au moment de pondre cette bouse :)

  • Laurent Braud Le 9 mars 2015 à 09:28

    @Monpieddanstonplat : écrire un papier intéressant et agréable à lire, c’est notre petit Graal à nous. On essaie ! De plus, note bien que c’est le premier papier de Guillaume sur le site ...

  • KotL Le 9 mars 2015 à 14:18

    Très bon article, et contrairement à Monpieddanstonplat et Ekami c’est exactement le genre d’analyse qui me font rester sur Merlanfrit.
    Je n’ai pas encore trouvé de site plus pointu sur le sujet sur le web francophone, les reviews classiques je les trouve ailleurs et si je veux un ressenti plus personnel, il y a le forum de Merlanfrit ou les blogs/avis sur d’autres sites.
    Et merci Guillaume pour l’article, très juste et très intéressant.

  • Cédric Muller Le 10 mars 2015 à 16:26

    KotL, giff mana to the Merlan Frit team !

    ps : très bon article sur l’exercice des impossibles et l’aliénation des masses

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