Troisième larron trop souvent occulté dans sa catégorie par Wipeout et F-Zero, Pod : Planet of Death (Ubisoft, PC, 1997) reste pourtant l’un des jeux de course les plus magnifiques, sombres et envoûtants jamais réalisés. L’Armageddon promis par les Mayas n’ayant pas eu lieu, cela laisse une petite chance à celui suggéré par Ubi Soft ; ce qui n’est d’ailleurs pas un mal.
De même que la technologie de pointe a provoqué l’émergence du virus Pod par une surexploitation du sol d’un satellite de Jupiter, elle a permis la naissance de Pod le jeu, et son positionnement au centre de l’un des sauts graphiques les plus importants de l’histoire du jeu vidéo, symbolisé par la puce Voodoo de 3DFX Interactive. Curieuse contradiction que de choisir comme porte-étendard d’une innovation industrielle un univers post-apocalyptique où toutes les machines se sont tues.
Toutes ? Non. Il reste encore huit véhicules fringants. Ainsi qu’une fusée individuelle, dernier moyen d’échapper à ce virus fou, qui n’épargnera pas le moindre hectare de la surface de Io. Seul pourra y monter celui qui se sera révélé le plus rapide à travers seize circuits. Des environnements autrefois prospères, aujourd’hui déserts, qui attendent silencieusement leur dernière heure. Leur agonie semble encore plus belle que leur apogée, tant le travail esthétique abattu sur Pod est incroyable. Oui, les cieux sont effroyablement menaçants. Oui, la proximité de la fin ne fait aucun doute. Cela n’a guère empêché les graphistes d’Ubi Soft d’insuffler à ces aires de rien une richesse visuelle extraordinaire, entre des édifices aux architectures ambitieuses, et une hyper-coloration remarquable, qui ne cesse tous deux de surprendre et de se renouveler au fil des courses, un peu comme si le jugement dernier s’appliquait à imiter le « Blue sky in games » de l’AM2. Au-delà de l’étincellement technique, Pod fait perdre la raison et donne envie d’assister en direct à la fin du monde, qui s’annonce bien plus sublime que dégoûtante, plus hypnotique que terrifiante, plus magnétique que repoussante.
Quinze ans après sa sortie, le jeu n’a rien perdu de sa capacité de fascination. On lui pardonnera donc sans mal sa maniabilité certes immédiate de prise en main et garante de bonnes sensations, mais qui ne montre que peu de caprices de la part des bolides afin de creuser la profondeur de jeu. Cette dernière se manifeste par l’autre grande réussite de Pod : son level-design. Les circuits du championnat principal, mais aussi et surtout ceux de l’add-on Extended Time (pour la plupart regroupés par la suite avec l’original sur une réédition nommée Pod Gold) sont passionnants à parcourir et foisonnent d’idées. De la ligne droite à double-sens de Beltane aux aspirations labyrinthiques de Road 70 en passant par les virages trompe-l’œil de Plant 21, ce sont nombre de pièges, de fausses routes, de chemins alternatifs, de raccourcis cachés, de sauts, et de passages par les stands de réparation qui se succèdent, enrichissent l’expérience et donnent leur raison d’être à chacun de ces circuits, qui exigent un apprentissage plus important que la moyenne.
Ces deux immenses qualités suffisent à elles seules à justifier l’intérêt de Pod, mais n’ont malheureusement pas été en mesure de l’inscrire au Panthéon du jeu de course, en tout cas pas à la place qu’il mériterait. Avec le recul, trop de joueurs ont fini par le juger simpliste et synonyme de démo technique, négligeant le travail pourtant conséquent des développeurs. Ils ont refusé de croire qu’une physique complexe n’est en rien l’alpha et l’oméga d’un jeu de course. Comme dans toute bonne production qui se respecte, ce ne sont pas les éléments qui importent, mais leur assemblage. Et celui de Pod fonctionne à merveille : la jouabilité simple et la construction travaillée des circuits permettent d’avaler les virages de façon vive, nerveuse et sans temps mort. On ne peut de toutes manières pas se permettre de traînasser dans des lieux voués à disparaître… Il reste heureusement bon nombre de PCistes qui ont gardé de leur expérience avec Pod une trace indélébile, et qui ont accueilli avec enthousiasme son arrivée sur Good Old Games il y a de cela quelques mois. Gageons qu’Ubisoft se sera fait un plaisir de forcer le hasard calendaire.
Et bien que le 21 Décembre 2012 ait finalement vu ce monde continuer de tourner comme si de rien n’était, les fantasmes seront toujours légion. Espérons que leurs auteurs se feront aussi inventifs qu’Ubi Soft : si Pod se veut la parfaite anti-thèse de Wipeout sur le plan thématique, il n’est pas dénué d’espoir comme le démontre la séquence de fin, complètement inattendue.
On peut la considérer comme une simple métaphore de la nature reprenant définitivement ses droits, mais on peut aussi y lire qu’à l’apocalypse succédera l’amour. Certains se convertiraient au millénarisme pour moins que cela. Les adorateurs de Pod, eux, pourront se souhaiter de bonnes fêtes de fin du monde dès leur prochaine rechute.
Vos commentaires
invock # Le 27 décembre 2012 à 02:15
Ce jeu est associé de manière indélébile à l’odeur de la Pâte à Prout dans mes souvenirs d’enfance.
Je me rappelle que j’aimais plus le jeu de base que l’add-on, qui partait dans un délire psychédélique et qui se détachait trop radicalement du ton originel.
Simon Génessier # Le 27 décembre 2012 à 09:19
Concernant l’add-on je trouve que ce détachement ne concernait qu’un nombre limité de circuits (glace, bord de mer ensoleillé...). Ce sont d’ailleurs ces circuits-là qui n’ont pas été retenus au moment de sortir Pod Gold.
Tony # Le 27 décembre 2012 à 14:22
Oui bon papier, Pod me fait regretter les années 90 et son cortège de jeux de course déments et inventifs (Fatal Racing, Megarace 2, Interstate 76, Sega Rally Championship, Daytona USA, Destruction Derby 2...)
Totoyo # Le 8 mars 2013 à 20:16
Ce jeu est tout simplement mythique ! Et il l’est encore plus sur un écran full HD. Alors certes, certaines textures un peu baveuses, mais le jeu n’a rien perdu en qualité, y compris graphique. Que du bon :’) !
POD # Le 30 janvier 2014 à 17:35
Ce jeu est simplement le meilleur jeu auquel je n’aie jamais joué ! Il est fantastique, et ne vieillit même pas ! Mais qu’est-ce qu’il attendent, chez Ubisoft, pour nous ressortir une nouvelle version de ce jeu ? en gardant le charme original de base du jeu !
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