La négation du joueur

Loin des modèles établis par Rockstar, L.A. Noire place le joueur dans une situation inconfortable, plus proche du spectateur que de l’acteur. Au service de l’expérience ?
Rockstar Games
Team Bondi
2011
PS3, Xbox 360
D’une ambition démesurée, sept ans de travail tout de même, recréant à l’identique une tranche du Los Angeles de 1947, c’est peu dire que le jeu de Team Bondi fait débat. Héritier du jeu d’aventure plutôt que GTA-like, est-il à la hauteur des prétentions narratives de Brendan McNamara ? Et que penser des scandaleuses conditions de travail qui ont régné dans l’équipe, et ont contribué à la liquidation du développeur, malgré des ventes satisfaisantes ?
Loin des modèles établis par Rockstar, L.A. Noire place le joueur dans une situation inconfortable, plus proche du spectateur que de l’acteur. Au service de l’expérience ?
Et si à travers le personnage de Cole Phelps, Brendan McNamara, le producteur et scénariste de L.A. Noire passait involontairement aux aveux, nous révélant les terribles conditions de développement qui règnent dans l’industrie vidéoludique ?
L.A. Noire, Alan Wake, Heavy Rain, Deadly Premonition
Cole Phelps (L.A. Noire), mais aussi Alan Wake, l’agent York Morgan (Deadly Premonition), ou les héros de Heavy Rain souffrent tous de schizophrénie. Une façon élégante de faire une place au joueur en l’incorporant dans la construction du personnage ? Attention spoiler.
L.A. Noire, réaliste et violent, fils vidéoludique révolté de l’American Dream, confronte le joueur à la matérialité de la mort. Attention, âmes sensibles aux spoilers s’abstenir.
Troisième et dernière étape de notre périple dans les rues du Los Angeles de 1947, espace politique et paysage intérieur tragique.
Lors de notre première excursion dans les rues du Los Angeles noir, nous avons goûté l’ambiance, et arpenté le vide de la métropole étalée comme un gigantesque décor drive-in. Poser la question du décor à L.A., c’est nécessairement croiser le septième art.
En 1987, dans le Police Quest de Sierra, l’agent Sonny Bonds patrouille dans les rues de Lytton à la recherche d’un dealer surnommé l’Ange de la Mort. La ville est un plan, les voitures se composent de trois pixels en EGA. Deux ans plus tard, grâce à Access, c’est le privé Tex Murphy qui survole les rues du San Francisco futuriste de Mean Streets, en 256 couleurs et quelques polygones. Avec L.A. Noire, Team Bondi rend hommage à ces pionniers, en réalisant un jeu qui semble tenir bien des promesses du jeu d’aventure policière, notamment la gageure d’une ville étendue, tentaculaire et vivante.