En débarquant sur le célèbre site de crowdfunding, Obsidian Entertainment n’a pas seulement comblé les fans du studio, il a aussi montré comment faire une campagne efficace et intelligente pour réussir — et dépasser — son objectif.
Les fantômes de la belle époque
Pour Obsidian, les 1 100 000 $ nécessaires au développement de Project Eternity sont depuis longtemps atteints. Composée d’anciens de Black Isle et d’Interplay ayant bossé sur Baldur’s Gate ou Fallout, l’équipe menée par Feargus Urquhart a, depuis sa création en 2003, offert aux joueurs une quantité respectable de bons titres. Pas toujours des chefs-d’œuvre, pas toujours des succès, mais des propositions intéressantes comme le mal fini mais formidable Alpha Protocol, l’immense Fallout : New Vegas ainsi que les suites de Neverwinter Nights et de Star Wars : Knights of the Old Republic. Considéré un temps comme la petite sœur de BioWare, Obsidian a continué son petit bonhomme de chemin, bon an, mal an, sans perdre son âme [1].
Le credo de la société basée dans le comté d’Orange en Californie est simple : des RPG complexes et recherchés, grâce un travail conséquent sur l’écriture et les dialogues. C’est donc sans surprise que leur arrivée sur Kickstarter se fait avec Project Eternity, un jeu de rôle à l’ancienne — comprendre par là, comme en 1997 —, qui se veut finalement très classique. En prenant appui sur la nostalgie des joueurs, Obsidian déclare d’emblée son ambition : rendre hommage, retrouver l’esprit et améliorer les jeux qui utilisaient à l’époque l’Infinity Engine, à savoir la série Baldur’s Gate, les deux Icewind Dale et enfin Planescape : Torment.
Depuis que le projet a été officiellement dévoilé, pas un jour ne passe sans une petite mise à jour sur le site, qui alimente le contenu avec une étonnante ouverture. Non content d’éventer l’histoire du jeu, les développeurs vont jusqu’à détailler les races, les peuples, les pays, les classes, les ennemis et tous les sous-systèmes que proposera Project Eternity à sa sortie en avril 2014. Nous sommes en terrain connu, de l’heroic-fantasy frontale, sans ambages comme à la grande époque — comprendre, encore une fois, comme en 1997. Le gameplay semble bien avancé et le jeu n’a pas l’air d’avoir été pensé en une nuit, à la va-vite, quelques jours avant le début de la campagne Kickstarter.
Au delà du titre qui évoque le moteur de jeu (“infinity” versus “eternity”), les valves du bon vieux "c’était-mieux-avant" déversent un torrent de souvenirs sur le potentiel donateur. La police de caractère, le style des cartouches voire l’image-titre de la page Kickstarter évoquent Baldur’s Gate. La présence de George Ziets, ancien lead d’un add-on de Neverwinter Nights 2, en "objectif supplémentaire" (à 2,8 millions de dollars tout de même) rappelle l’époque bénie des jeux Donjons & Dragons. Le ton est donné : Obsidian ratisse large, embarquant les fans du studio avec ceux qui les avaient perdus de vue.
Dans un très bon article de Rock Paper Shotgun, intitulé "Kicking It Old School : The Peril Of Kickstarter Nostalgia", John Walker n’hésitait d’ailleurs pas à critiquer assez ouvertement les développeurs qui utilisaient la plate-forme de crowdfunding pour créer loin des éditeurs — représentés comme des capitalistes sauvages sans cœur — des œuvres innovantes... mais qui se basaient le plus souvent sur un jeu préexistant : cinquième épisode de Broken Sword, hommage aux anciens point & click de l’ère LucasArts avec le jeu de Double Fine, héritier de Total Annihilation et, donc, ce fameux Project Eternity.
Mais au lieu de tout mettre sur le dos des studios, l’auteur de l’article trouve les vrais coupables : les joueurs, qui n’iront jamais débourser un centime pour un jeu ultra original qu’ils ne comprennent pas et mettront cet argent sur un projet qu’ils connaissent ou qu’ils fantasment depuis des années (à quand un Shenmue 3 d’ailleurs ?). Je considère que son point de vue est totalement juste et il l’est d’autant plus que Obsidian a magnifiquement géré sa campagne Kickstarter qui s’est en fait déroulée en trois étapes cruciales, chacune jouant sur des cordes différentes.
Les trois jours du condor
Tout commence en mars dernier quand, après avoir dévoilé en grande pompe le développement d’un RPG South Park supervisé par ses créateurs, Obsidian Entertainment annonce une trentaine de licenciements et l’annulation d’un projet “next-gen” — probablement un jeu édité par Microsoft lui-même dont le nom de code était "North Carolina" [2]. La société a connu de nombreux revers : mauvaises ventes pour Alpha Protocol, fans déçus de voir leur Dungeon Siege massacré, et surtout un score sur Metacritic de 84 pour Fallout New Vegas, manquant d’un point un bonus contractuel de la part de Bethesda. L’information se propage sur Internet en quelques jours et chaque article participe au storytelling ambiant (et sans le moindre doute vrai). On peut lire sur Joystiq :
Our tipster tells us that the North Carolina project was "desperately needed" for the studio’s continued survival, which matches reports that Obsidian CEO Feargus Urquhart "choked up" while addressing his employees
Soit en français :
Notre informateur nous dit que le projet North Carolina était "désespérément nécessaire" à la survie du studio, ce qui recoupe les rumeurs selon lesquelles Feargus Urquhart était "très ému" alors qu’il s’adressait à ses employés
Même si nous sommes loin d’une manipulation ou d’une volonté de faire du mal, l’image que renvoie Obsidian est celle d’une société trahie par les éditeurs, qui ne croient pas dans un projet, l’annulent, et ne payent pas alors que la qualité est là. Il s’agit de la première étape.
Au même moment, la campagne Kickstarter de Wasteland 2 démarre. Le jeu est porté par inXile Entertainment et le créateur du jeu original, Brian Fargo, lui aussi un ancien de Black Isle. Quinze jours après le lancement, un nouveau objectif à 2 100 000 dollars est annoncé : le jeu sera co-développé par Obsidian et tout particulièrement Chris Avellone — qui avait travaillé sur Fallout 2 et sa suite annulée chez Interplay, Van Buren [3], puis sur Fallout : New Vegas [4]. La nouvelle ne fait pas que des heureux — Obsidian se traîne une réputation de développeur de jeux buggés, du moins jusqu’à Dungeon Siege III — mais permet encore de récolter plusieurs centaines de milliers de dollars. Il s’agit de la deuxième étape.
Il y a pas mal d’ironie dans cette situation : Wasteland, la série qui a inspiré Fallout, se retrouve dans les mains de ses créateurs. Sans épée de Damoclès sur la tête, sans management erratique [5], libéré de certaines contraintes éditoriales et financières — la campagne de Wasteland a tout de même réuni près de 3 millions de dollars ! — le jeu semble bien parti pour combler les attentes des fans. Et pour les amateurs d’Obsidian, dont Merlanfrit fait partie, l’inquiétude s’était alors amoindrie. En comptant South Park (édité par THQ), le développeur sortira donc deux jeux en 2013. Soulagement parmi les fans.
Quelque part, il n’était pas donc pas du tout surprenant de voir débarquer Obsidian sur Kickstarter. C’était même ce que l’on attendait tous. Arrive alors la troisième étape : un compte est créé fin août sur le site de crowdfunding et Project Eternity est annoncé début septembre, à grand renforts d’images et de textes teaser sur le site officiel du développeur. En quelques jours, l’objectif est atteint. Il faut dire qu’Obsidian ne fait pas les choses à moitié : en plus de Kickstarter, les joueurs motivés peuvent financer via PayPal. Le nombre de “j’aime” sur la page officielle Facebook et de “backers” sur Kickstarter débloque des étages supplémentaires dans un donjon additionnel. Et enfin, au-dessus d’une certaine somme promise, Wasteland 2 sera offert aux donateurs [6]. La boucle est bouclée.
Intelligence +5, Dextérité +5
Difficile de savoir ce qui motive réellement l’engouement autour du projet : le CV de Obsidian reste impressionnant mais “de niche”, une réédition complète et graphiquement mise à jour de Baldur’s Gate contentera les joueurs nostalgiques dès novembre et malgré tout, les vagues de mises à jours proposées sur le Kickstarter ont du mal à faire rêver tant l’univers et la proposition du jeu restent classiques. Reste que presque 56 000 personnes ont fait une promesse de don et que certains niveaux de récompenses très élevées, plus de 3 000 dollars, ne sont déjà plus disponibles.
Même si la nostalgie a énormément participé à la réussite de ce Kickstarter — comme la grande majorité des campagnes — la vraie réussite est, à mon sens, à mettre sur le compte de la souplesse d’Obsidian. Bien sûr, tous les studios qui cherchent à récolter des fonds sur Kickstarter sont ouverts d’esprit : récemment Revolution Software a modifié le design de George Stobbart pour la cinquième aventure de Broken Sword [7] après avoir reçu des centaines de commentaires de fans un peu soupe au lait.
Mais c’est réellement en modifiant et en améliorant sans cesse les récompenses que le succès s’est confirmé : en ajoutant encore et encore des étapes supplémentaires et des cadeaux, l’équipe a cherché à obtenir davantage de dons de la part des joueurs. Parfois inutiles — et donc indispensables comme ce tapis de souris Project Eternity à partir de 140$ —, souvent aguicheurs — un “expansion pack” qui n’est pas, soulignent les développeurs gentiment rebelles, un DLC mais un vrai add-on —, les cadeaux et les offrandes conviendront à tout le monde. J’étais personnellement parti pour 40 $ avant de doubler puis de tripler mon don en l’espace de deux semaines, chaque mise à jour me donnant à la fois envie de les aider tout en profitant de récompenses de plus en plus intéressantes. En visant avec justesse leur cible — tout d’abord le fan, puis le nostalgique et enfin le geek —, Obsidian a touché dans le mille à chaque fois, confirmant jour après jour un succès étonnant.
La campagne de Project Eternity est sans doute la plus paradoxale de toutes celles que nous avons pu voir jusqu’à présent : plus qu’un jeu vidéo — prévu pour avril 2014 qui plus est, soit dans plus d’un an et demi —, c’est un bout de rêve que l’on achète, un lopin de terre en pays de Cocagne : tapis de souris, t-shirt, boîte en carton, guide stratégique, fonds d’écran, carte postale de l’équipe et carte sur tissu d’un monde qui n’existe pas encore.
La campagne Kickstarter continue pour Project Eternity. En bientôt quatre semaines, le jeu aura récolté plus de 3,1 millions de dollars.
Notes
[1] Bioware a en effet récemment perdu ses deux fondateurs, plus ou moins raté son MMO Star Wars ou sacrifié sur l’autel du grand public deux licences comme Mass Effect et Dragon Age
[2] Vieille tradition chez Obsidian, chaque nom de code rappelle un état américain.
[3] À ne pas confondre avec le Fallout 3 développé par Bethesda, dont il ne reprend quasiment aucun élément. Le jeu a été annulé en 2003.
[4] Chris Avellone a d’ailleurs expliqué que quelques éléments de Van Buren se sont retrouvés dans New Vegas : le conflit entre la NRC et la Brotherhood of Steel, le Hoover Dam, la fameuse Caesar’s Legion...
[5] Le développement de Van Buren a été arrêté lorsque Titus, alors propriétaire de Interplay, a écrémé ses équipes de développement pour se consacrer sur les consoles et les jeux à licence.
[6] Obsidian a aussi annoncé qu’il suivra inXile et sa proposition de "Kicking It Forward", c’est-à-dire qu’en cas de bénéfice, le studio en distribuera 5% à des projets Kickstarter. Plus d’informations ici.
[7] Le projet a d’ailleurs été largement financé et sortira au printemps 2014 pour notre plus grand bonheur.
Vos commentaires
Pierrec # Le 15 octobre 2012 à 09:34
Lorsque j’ai vu le lancement de cette campagne, j’avais très envie de participer au financement aussi, le nom de Chris Avellone ayant bien évidemment suffit à me convaincre. Mais il y a au final quelque chose qui m’a gêné, que tu n’évoques pas dans l’article, et qui pour moi illustre un gros problème de Kickstarter en terme de création artistique.
Obsidian avait l’air d’avoir déjà une idée bien arrêtée sur le jeu qu’il souhaitait faire, et on pouvait pourtant voir sur le tableau des objectifs :
1,1 million => notre objectif initial
1,4 millions => nouvelle race, classe et compagnon
2,2 millions => nouvelle région, faction, race
etc.
On trouvait également sur ce tableau des objectifs des ports Mac/PC, des traduction multilingues, des modes de jeux additionnels et d’autres petites choses que je trouve tout à fait légitimes. C’est vraiment ces nouvelles, races, classes, régions qui m’embêtent. Ce la fait un peu "on a une idée de jeu, qu’on a longuement travaillé, un univers qu’on a voulu cohérent etc, mais si on a plus d’argent, on va farcir tout ça de contenus supplémentaires pour allonger la durée de jeu"
Prenons par exemple (au hasard ^^) Planescape Torment : y-aurait-il eu la place dans ce jeu pour un compagnon supplémentaire ? Je ne pense pas, les 7 proposés se complétaient parfaitement : Quatre compagnons indispensables à la narration (Morte, Annah, Grace, Dak’Kon) + 1 à choisir parmi 3 selon l’alignement (Vhailor, Ignus, Nordom), cela donnait une impression de complétude. Un huitième compagnon n’aurait pas su où se placer , il aurait créé de la frustration.
Idem pour les régions supplémentaires : Planescape Torment en aurait-il eu besoin ? Je ne crois pas, et pour être honnête, je pense qu’un quart des régions du jeu auraient même pu être amputées au profit de l’expérience du jeu, quitte à réduire la durée de vie.
Mon problème, c’est donc ça, quel est ce jeu auquel on peut ajouter du contenu à loisir ? J’ai peur que la réponse soit au final : un jeu qui laisse très peu de place à la narration, car la narration ça se construit en amont, ça ne se farcit pas. Un jeu donc plus proche d’Icewind Dale/BGI/BGII que de Planescape Torment.
Si c’est l’objectif initial d’Obsidian, pas de problème, mais s’il désirait créer quelque chose plus proche de PT comme le trailer semblait le laissait entendre, alors j’ai peur que ce système d’objectifs inhérent à Kickstarter le gâche un peu.
Voilà, je voulais juste râler.
Anthony Jauneaud # Le 15 octobre 2012 à 09:45
Je comprends ta "peur" Pierrec. Mais bizarrement je fais tellement confiance à Obsidian que je vais laisser passer tout ça même si, d’une certaine façon, je préfère toujours un jeu de dix heures qui est excellent qu’un de trente qui est bon. Mais le fait est qu’ils en sont à créer tout et que malgré les nombreuses précisions quant à l’histoire et l’univers — que je trouve quand même pas folichon —, il reste encore tout à bâtir et donc à rythmer.
Nous verrons en 2014.
Steph # Le 15 octobre 2012 à 10:51
Avec ce titre (Kickstarter pour les nuls) je m’attendais à une explication fine des mécanismes et des enjeux de cette plateforme de financement.
On peut tout de même se demander à la lecture de l’article si cette manière de financer un projet n’est-elle pas, pour le coups, qu’une simple adaptation des créateurs à une époque de crise du crédit ? En résumé maintenant que les banques - passablement frileuse et réfractaire à l’idée de prendre des risques - ne prêtent plus, on se tourne directement vers les gens.
Le truc se plante. Tant pis. Les risques étant partagés, impossible de reprendre l’argent, tout le monde y perd à hauteur de son investissement. (mais je ne suis pas sûr d’avoir bien saisis le principe dans ce cas là).
Et si ça marche ? L’autre éventualité, celle que l’on souhaite à tout projet de ce type finalement, c’est le succès. Qu’en est-il dans ce cas là ? Est-ce que les personnes qui auront contribué à la mise en orbite du bidule pourront profiter de ses retombés ?
La réponse sur le site de Kickstarter set assez claire :
En bon français : non. Les créateurs conservent l’intégralité des droits.
En clair, Kickstarter peut être vu une coopérative dont les membres seraient exclu de la propriété de ce que les moyens qu’ils ont mis à disposition ont permis de produire… Vu comme ça je n’arrive pas à ne pas qualifier ça de vol.
Il faut se protéger, non ?
Faut-il y réintroduire un peu de rationalité ? Peut-être sous sa forme la plus visible avec quelques formules mathématiques. En effet, si les études de marché ne sont pas l’alpha et l’oméga de l’origine d’une réussite, elles ne sont pas tout à fait pour rien dans la viabilité d’une entreprise. Ne parait-il pas évident que des projets comme ceux présentés sur Kickstarter devraient vendre autre chose que du rêve ?
Sociologie du pigeon (volatile à la mode)
Qui donne ? Parce qu’en définitive il me semble bien que les projets en cours ne reçoivent rien d’autre que des dons sans aucune contrepartie si ce n’est une vague obligation de tenir les promesses faites. Et encore, dans ce cas là les conditions d’utilisation du site font comprendre qu’il serait bien que les donateurs ne retirent pas leurs billes. En effet, rien de plus désagréable que d’avoir à rendre des comptes, surtout à des personnes à qui on ne demande que leur argent, surtout pas leur avis.
Attention, il est légitime d’avoir envie de créer des choses. Il est tout autant légitime de chercher tous les moyens disponibles pour faire advenir ces choses. En revanche, on peut s’interroger sur la légitimité de faire porter tous les risques (inhérent à ce type de projet) à d’autres par le biais de ce crowd funding.
L’autonomie dans tout ça ?
Une autre chose que met en avant votre petit travail, c’est le caractère extrêmement délicat et potentiellement pervers de ce mode de financement.
De manière classique, l’autonomie des créateurs et des employés est limitée, il est vrai, par toute une série de contraintes qui pèsent sur leurs décisions et leur soif de création (rentabilitée, études de marché, etc.). Ces contraires peuvent même être très lourdes (cf. le cas Rockstar). Or, en temps normal, Kickstarter se présente comme étant une solution à ce problème d’autonomie des créateurs, présentant le système comme plus souple, plus "flexible" et mettant à distance ce type de pression.
Mais l’article me fait penser que l’on est peut être allé très vite de Charybde en Scylla ! Des exigences parfois - souvent ? - idiotes des banques et des éditeurs, on passe aux exigences, non moins redoutables, des donateurs. C’est-à-dire au torrent de la geekerie la plus insupportable lorsque l’on s’oppose à ces désirs (et Shane en sait quelque chose). En effet, que faire lorsque qu’il faut changer, pour attirer plus de fonds, certains éléments du jeu, tout en lésant une partie des précédents donateurs qui, eux, trouvaient les choses très bien en l’état ?
Bref, je suis très curieux de cette "chose" qu’est kickstarter parce qu’entre une autonomie mutilée ou en voie de l’être, et le fait de n’avoir comme seule assise qu’un consentement tout sauf éclairé, il me semble que la situation est difficilement tenable. Peut-être n’est-ce finalement qu’un pis aller compte tenu de la période bancaire, et que lorsque les cieux seront plus clément ces gens là retourneront se financer auprès des institutions dont c’est le rôle. Ou alors kickstater se sera transformé en une de ces institutions. Car il faut être un anarchiste extrême pour vouloir ce mode de production qui, peut-être plus que tout autre, semble soumis à l’aléa des désirs de la foule.
Je m’excuse de ne pas raccourcir le bidule mais je dois partir, j’espère que c’est au moins à peu près clair.
Je note enfin l’apparition de l’expression des goûts et des préférences de "Merlanfrit" dans l’article… Quelle chose étrange. Brrrr, Weyland-Lefevbre n’est plus très loin ;)
Pierre-Léo # Le 15 octobre 2012 à 11:03
Quelque chose me choque dans ce pourtant très bon article : tu insinues qu’il existe des fans de Dungeon Siege.
Anthony Jauneaud # Le 15 octobre 2012 à 11:09
Merci pour ton commentaire et oui, je ne peux m’empêcher de partager mes "goûts et préférences" !
Pour répondre en détails :
Il ne faut pas voir Kickstarter comme un site de collaboration mais comme un site où tu fais un don. Dans ce Téléthon on trouve de très nombreuses choses (stylos, films, livres, sites, entreprise, etc.) qui cherchent des financements. Parfois il s’agit de simplement donner de l’argent pour une idée, parfois il s’agit de pré-acheter un produit. C’est le cas de Project Eternity : on y pré-achète le jeu. On peut simplement donner 15$ ou en donner 1500 si on en a envie de manger avec Chris Avellone.
Il existe des alternatives à Kickstarter qui proposent eux un retour sur investissement, mais cela existe surtout en Europe pour des raisons légales. Du coup, quand tu dis :
Il est encore trop tôt pour connaître la réponse. Faster Than Light vient de sortir sur Steam et il a été l’un des tous premiers jeux financés par Kickstarter. Peut-être que dans un futur proche, nous allons voir des compagnies fermer, des histoires sordides de détournement de fonds, etc. et les donateurs se retrouveront sans rien. Les prochains gros jeux sont censés sortir en 2013, nous verrons à ce moment là si l’on peut faire confiance aux développeurs.
Autre point où j’ai envie de rebondir :
Je suis tout à fait d’accord. On a vu des choses positives (je le cite dans l’article mais la modification du design de George Stobbart était plutôt bienvenue), mais on risque aussi de voir des choses négatives se produire. La qualité d’un produit AAA passe aussi par la lourdeur de grosses entreprises et de grosses machines comme Ubisoft ou EA. Un blockbuster américain qui a coûté 150 millions de dollars aura un minimum de qualité, ne serait-ce que technique.
Pierrec le formule aussi, en voulant proposer un produit parfait et qui ratisse large, les développeurs risquent de se retrouver à faire un jeu mou et moyen. Là, je fais confiance à Obsidian qui ne m’a encore jamais déçu. Mais je suis du genre à faire confiance sans doute trop facilement.
Poisan # Le 15 octobre 2012 à 11:40
Bien que je partage l’analyse de RPS, est-ce que c’est vraiment étonnant ou même très grave que Kickstarter favorise des projets « de nostalgie » ? J’ai l’impression, comme le montre ton article, que ces projets se montent quasi-exclusivement sur des noms. Quel meilleur gage de confiance ? Comme le modèle de Kickstarter repose sur un principe de fan-funding, il est tout à fait logique que les plus gros budgets soient débloqués par des projets tirant profit de la nostalgie du grand public.
Il ne faut pas oublier que la plupart de ces développeurs continuent d’être édités en parallèle par de « vrais » éditeurs sur des projets de jeux modernes, plus ambitieux ou en tout cas plus innovants. Le fait que ces deux voies existent simultanément me plaît plutôt, d’autant que la plupart de ces genres old school ont pratiquement disparu sous cette forme-là.
Il est plus problématique que le modèle Kickstarter devienne un business à part entière, complaisant et démago, avec toutes les dérives que cela implique. Il est par exemple assez curieux de voir que les joueurs plébiscitent ainsi des auteurs et leur originalité, alors que dans le même temps la moindre décision artistique peut-être contestée par ces mêmes joueurs. Ce qui marchait, à l’époque, c’est que les auteurs avaient plus ou moins les pleins pouvoirs. Ici, je partage à fond l’avis de Pierrec. À quoi peut ressembler un jeu d’auteur qui aurait été remanié, rallongé, recomposé, même indirectement, par les exigences et les lubies souvent contradictoires de son public ?
Martin Lefebvre # Le 15 octobre 2012 à 13:09
@Steph : Weyland Lefebvre ???? Pas compris. En tout cas comme nous n’avons pas le niveau de validation universitaire pour produire une analyse rationnelle, j’ose au moins espérer que nous avons le droit de nous débattre au niveau de l’opinion. :)
En tout cas il faut penser Merlanfrit comme un banc de poissons plus que comme une conscience collective : nous ne sommes pas tous d’accord, pas sur tout en tout cas, et nous n’écrivons pas de la même façon ni sur les mêmes sujets...
J’aurais tendance à te rejoindre dans la défiance quant à Kickstarter, comme je l’avais fait quand j’avais interviewé Tom & Bruce. Au mieux c’est du préachat très optimiste, au pire c’est de l’investissement sans récompense pour les risques, et en effet ce n’est pas très honnête (mais pas du vol, on n’est pas des industriels contre la piraterie tout de même). D’ailleurs, malgré ma sympathie pour Obsidian, sympathie teintée de défiance tout de même, je n’ai pas filé une tune et je ne donnerai rien avant que le jeu soit une réalité... Kickstarter, très peu pour moi.
En quelque sorte c’est le modèle inverse de Minecraft, qui sort une alpha très vite et demande alors légitimement aux joueurs : si vous aimez ça, payez de suite.
Et oui les récompenses, du T-shirt bonus au personnage en plus montrent que l’entreprise repose avant tout sur le merchandising...
J’espère que de bons jeux sortiront de KS (FTL est bien, mais il était quasi bouclé), mais la procédure ne me plaît guère.
Steph # Le 16 octobre 2012 à 18:26
@Martin : Weyland-Yutani est "la compagnie" d’Aliens, sorte d’entité hégémonique et qui parle par la bouche de tous ses employé : "La compagnie veut que", "la compagnie aime que" et je veux et aime ce qu’elle veut et aime. Pour le reste, je vous laisse cette affaire ou j’irai sur le fil approprié.
Oui, j’ai relu l’itw dont tu parles, mais elle n’aborde cette question que très en surface et ne fait pas mention de l’éthique dans ce genre d’affaire. Et l’article d’Anthony a clairement le mérite de mettre en avant cette difficulté - a qui profite kickstater ? Y’a-t-il réellement un bénéfice mutuel, etc. - même s’il ne le fait pas tout à fait directement.
Pour ce qui est du mot de vol, nous sommes bien d’accord (?!) mais, pour ma défense, c’est dans un contexte que je parle, c’est-à-dire la reprise d’un modèle de coopérative à la différence près que certains se font exproprier des fruits de leur investissement (qui n’en est pas un, plutôt un don). Précision pour précision, on est tout de même loin de l’utilisation que font les majors des mots "vol" et "piraterie".
@Anthony : Il semble en effet que Kickstarter ne soit pas un site de collaboration ou de promotion, seulement l’occasion pour des personnes ayants des projets de demander l’aide du public. En sommes c’est une sorte de mendicité des temps modernes, et comme faire un jeu c’est tout de même plus classe que bouffer ou survivre, on trouve plus facilement des donateurs. (attention sophisme, on peut donner à Kickstater ET aux oeuvres, mais la simple existence de ce bidule ou des gens filent leur fric sans contrepartie me semble un peu obscène) De plus en plus, ton papier me donne envie de savoir qui donne (quel type de personne) pour ce genre de chose…
Martin Lefebvre # Le 16 octobre 2012 à 18:49
Tu auras remarqué qu’ils esquivent la question, et que je n’ai pas trop pu approfondir. C’est vrai que la question mérite d’être approfondie dans un papier, si le temps le permet.
Anthony Jauneaud # Le 16 octobre 2012 à 20:24
Sinon j’apprécie très moyennement que l’ensemble des rédacteurs de ce site passent pour de simples robots programmés par maître Lefebvre et n’écrivant que selon ses désirs et ses passions. Dommage de glisser ça après un long commentaire plutôt intéressant.
Steph # Le 16 octobre 2012 à 22:30
@Martin : j’ai plus que remarqué, c’est exactement ce que je dis dans un de mes précédents commentaires. Cela se voulait plus descriptif et factuel qu’autre chose. A suivre donc.
@Anthony : je ne sais pas ce que vous/tu pensez avoir lu ou compris. Mais visiblement vous vous trompez. Tant pis pour le fond.
Martin Lefebvre # Le 17 octobre 2012 à 07:06
Purée j’ai enfin compris ce que tu voulais dire Steph.
Oui je pense qu’on est majoritairement amateurs d’Obsidian sur le site (enfin ceux d’entre nous qui jouent aux RPG), on pensait même consacrer une théma au développeur fut un temps.
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