03. Underdogs

50 Cent : Blood on the Sand

Get Rich or Reload Tryin’

Cette petite bombe vidéoludique, second jeu avec le rappeur 50 cent, a été trop souvent ignorée car jugée commerciale et stupide. Pourtant ce bon petit TPS des familles a plus d’une grenade dans son baggy.

Jouer à 50 Cent : Blood on the Sand, c’est avant tout prendre conscience de deux trois choses que l’on avait oubliées. Premièrement, le jeu vidéo a le droit d’être con. Pas con comme "No Russians" — la fameuse mission de Call of Duty Modern Warfare 2 — mais plutôt comme des adolescents qui volent dans les supermarchés et qui roulent à fond sur un scoot à quatre heures du matin. C’est démolir, faire du frag. C’est démolir des caisses et récupérer un max de thunes. C’est poursuivre une tueuse à gages en petite tenue qui a volé ton crâne en diamant.

Deuxièmement, le jeu vidéo doit arrêter de se prendre au sérieux. À force d’entendre bramer les gros balourds de Gears of War — "Maria ! Maria !" —, on avait presque fait l’impasse sur des choses simples comme faire sauter des hélicoptères et tabasser des mecs qui te parlent mal. 50 Cent : Blood on the Sand s’assume comme jamais dans un registre de jeu à licence avec en tête d’affiche le rappeur Curtis Jackson, enfant pauvre des rues, orphelin à huit ans et devenu des décennies plus tard une star internationale — 35 millions d’albums tout de même. Un self-made man qui depuis quelques années s’est improvisé acteur, producteur et héros de jeu vidéo avec 50 Cent : Bulletproof (2007, Vivendi Universal) et ce 50 Cent : Blood on the Sand, développé par Swordfish Studios et édité par THQ.

Troisièmement, et c’est sans doute le plus important, le jeu vidéo est un divertissement et un art. L’art de faire sauter des cervelles, de briser des doigts au ralenti et d’encaisser dans le buffet des kilos de plomb. Il n’y a dans le jeu aucune volonté d’originalité puisque toutes les idées de gameplay viennent d’ici et d’ailleurs. Des poursuites en jeep aux séquences de cover and shoot, en passant par les passages en coopération, 50 Cent : Blood on the Sand ratisse large et mise sur le fun, le divertissant, l’explosif.

Un jeu avant tout poétique

Car tout paraît plus simple chez 50 Cent : il veut quelque chose, il y va. Il traverse la moitié d’une ville, vole des millions de dollars, en perd la moitié en chemin, débarque dans des forteresses au milieu du désert et nettoie des palais en cinq minutes top chrono. C’est un forçat, c’est un maçon du cœur. Les mains chargées de pétoires sur-dimensionnés, il repeint les murs avec le sang de ces ennemis qui ont eu l’audace de croire lui tenir tête. Personne ne touche à 50 Cent.

L’aventure, artificiellement étirée sur une dizaine de chapitres, se veut une copie a priori sans âme de Gears of War. Tout y est : la coop, les vannes grasses, les gros corps musculeux qui se mettent à couvert et qui sortent en glissant gracieusement sur les rebords en pierre. Les plafonds sont hauts, les décors luxueux mais ruinés par le temps et les guerres… Oui, tout est là. Il manque à 50 Cent : Blood on the Sand le polish de Epic Games — on ne parle pas de Cliff Bleszinski — mais aussi sa prétention et son épuisant sérieux qui, après trois épisodes ras-les-pâquerettes, ne semble pas vouloir s’estomper. La simplicité toute relative du jeu de Swordfish Studios marque et nous parle sans doute encore plus à nous, Français, assez peu habitués aux frasques des rappeurs ricains.

Gros muscles, regard de merlan frit

Car 50 Cent : Blood on the Sand est avant tout une ode à Curtis Jackson et ses potes, son entourage. Ils sont cools, forts, increvables ; on les sélectionne dès l’entrée de jeu, incapable de savoir qui est qui. Ils sont tous pareils, interchangeables dans leur rôle de sidekick armé jusqu’aux dents. Ce jeu est un publi-communiqué géant où l’on trucide du moyen-oriental en écoutant les grands morceaux du rappeur, comme dans nos rêves interdits.

Le plus formidable reste l’étrange contradiction qui émane du jeu : devenu héros de pixel, 50 Cent est immortel et plus puissant que jamais. C’est aussi notre jouet, notre petite poupée que l’on aime voir prendre une rafale de fusil à canon scié en plein visage et tomber au ralenti, devenu soudainement mou. Il devient aussi un être limité : il ne peut pas sauter, se retrouve aimanté à tous les murets du Moyen-Orient, il ne mange pas et ne boit plus. Il meurt et revit éternellement, supplice prométhéen moderne, virtuel.

Le corps-à-corps rend invulnérable le temps de la QTE... Très utile pour se sortir de certains faux-pas

C’est à la fois infiniment triste et formidablement gratifiant que d’être devenu un héros de TPS où l’on trucide du méchant bougnoule comme jamais. Sur Sunset Boulevard, les passants marchent sur vos empreintes et dans 50 Cent : Blood on the Sand, le joueur peut vous faire tuer bêtement. Le jeu de 50 Cent est bourrin, efficace et riche en émotions diverses, presque contraires. Assumer son style, son swag comme disent les jeunes, est sans doute la marque des grands jeux. Et c’est là que se cache toute la poésie du titre : dans un fusil à pompe en or que l’on recharge à couvert, sous le feu nourri d’ennemis que l’on sait déjà condamnés car ils se sont attaqués à 50 motherfucking Cent.

Il y a 1 Message pour "Get Rich or Reload Tryin’"
  • KotL Le 18 mars 2012 à 23:58

    En plus de ça, c’est quand même un des rares jeux avec un bouton qui sert juste à insulter la maman des ennemis !

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