19. Contes gluants

Dragon Quest (série), Dragon Quest XI

Gamme d’étalonnage

Histoire et systèmes de jeu sont les deux mamelles du jeu vidéo. Concilier les deux garantit presque de livrer une copie réussie. Un autre aspect des softs, trop souvent ignoré dans la définition de l’expérience de jeu, est celui de l’équilibrage dont on tentera ici de raconter l’évolution à travers l’exemple du RPG japonais.

Il est communément admis qu’un bon jeu de combat est un jeu équilibré. Dans le Versus Fighting, qui amène un joueur à en combattre directement un autre, il est vital pour le plaisir de jeu que chacun dispose au départ de chances égales de victoire. Cela entend, de la part de l’architecte des mécaniques, de créer des combos et timings pour chaque personnages sans que l’un ne puisse prendre l’ascendant sur les autres, afin que seule la maitrise du jeu ne rentre en compte dans la résolution d’un affrontement. C’est ainsi que l’on assiste régulièrement à l’élaboration de tier lists et de matchups sur la scène VS Fighting, termes désignant respectivement le potentiel global de chaque personnage par rapport à l’ensemble du roster et par rapport à un autre combattant en particulier, chacun étant élaborés à partir de critères plus ou moins objectifs. Termes qui se retrouvent désormais employés dans l’eSport au sens large.

Une des nombreuses Tier-lists "objectives" de Super Street Fighter II, avant de passer à des exemples plus abstraits

Si ces concepts sont bien implantés dans les jeux d’opposition comme les jeux massivement multijoueurs, les MOBA et autres duels en réseau, il est bien plus rare de les retrouver dès que l’on s’intéresse aux jeux conçus pour un seul joueur. Et pour cause, sur le plan du player versus environment, on n’attend pas vraiment de l’ordinateur qu’il ait une chance de gagner, juste qu’il offre un semblant de résistance pour sublimer la victoire.

Pourtant, l’équilibrage des ennemis par rapport aux possibilités "naturelles" offertes au joueur est un élément tout aussi crucial dans l’élaboration d’un bon jeu de rôle solo. Il permet par exemple d’éviter la frustration entrainée par une opposition globalement trop puissante sur lequel le joueur se cassera les dents en boucle avant d’abandonner, dépité. Mais il donne également une raison d’être aux mécaniques de gameplay : si la "difficulté" est absente, on pourra être tenté de progresser dans le jeu en se contentant d’attaques de base au lieu de déclencher les coups spéciaux prévus, ou bien de cogiter un minimum dans un RPG Tactique, alors que c’est justement là l’objectif. Et sans challenge, point d’intérêt de jouer. Le poids de l’équilibrage a beau être transparent lorsque le soft est bien calibré, il entache l’expérience de jeu dès lors qu’il penche d’un côté ou de l’autre de la balance. Pour s’en rendre compte, il suffit d’étudier les différents styles et périodes du RPG japonais des années 80 à nos jours.

Dragon Quest, aux balbutiements d’un genre

Lorsque Dragon Quest sort sur les Famicom japonaises en mai 1986, tout reste encore à créer. Sous l’impulsion des RPG occidentaux, des expérimentations mêlant jeu d’aventure et éléments de jeu de rôle ont déjà touché l’archipel sans pour autant créer la déferlante. Ys et Final Fantasy n’existent pas encore, et c’est bien le jeu puis la série d’Enix qui vont codifier le genre.

Ne vous fiez pas à leur air benêt : il ne faudrait qu’une poignée de coups aux Slimes pour que l’aventure du Héros élu ne finisse avant même de débuter

A cette époque, les pratiquants du jeu vidéo n’ont donc pas encore acquis de réflexes typiques du passionné, et l’ajout d’un tutoriel dédié n’est pas encore un réflexe pour les développeurs ; il faut donc bien apprendre au joueur comment progresser dans le jeu avant de lui lâcher la bride. Peut-être est-ce pour cette raison que le début de Dragon Quest est aussi abrupt. En sortant du château où l’on commence l’aventure, tenter de rallier la prochaine ville d’une traite est du pur suicide. Si seules quelques slimes se présentent à notre épée, le corps de l’Héritier de Roto est encore trop frêle pour résister à plus d’une poignée d’assauts avant de passer de vie à trépas. Mais loin d’être punitive, cette façon de faire est au contraire pédagogique. Au premier game over, le joueur aura compris qu’on attend de lui autre chose que de foncer. Peut-être ira-t-il fouiller des pots pour glaner quelques herbes médicinales, ou dépenser son maigre pécule chez le marchand du coin pour améliorer ses frusques. Surtout, il pourra profiter de l’hospitalité de l’auberge pour se reposer après quelques combats. Arrivera un moment où sa patience payera : après quelques niveaux à taper sur ses gluants adversaires cela deviendra comme une seconde nature. Son physique lui permettra de s’en débarrasser sans mal, son mental de lancer des sorts pour se soigner par lui-même. Ce n’est qu’ensuite qu’il pourra envisager de vraiment lancer son périple, beaucoup moins ardu que ses tout premiers pas.

Si dans les années qui suivirent DraQue beaucoup de studios trouvèrent des façons plus sympathiques de nous apprendre les rudiments d’un jeu, ces premiers pas compliqués restaient un modèle de curseur temporairement bloqués sur hard. Les épisodes suivants de Dragon Quest reprirent la même idée comme un running gag mais la technologie et les moyens évoluant, le besoin de recourir à ce (dés)équilibrage s’est fait moins présent. Seules quelques séries ancrées dans le passé osent encore le procédé : c’est le cas des Etrian odyssey, série de dungeon crawlers volontairement oldschool qui participe de ce besoin de revenir à une ère moins facilitatrice au beau milieu des années 2000.

Etrian Odyssey : voilà une série qui a parfaitement intégré qu’un équilibrage ambitieux peut donner du sens aux mécaniques de jeu

Le juste milieu

Mais pour l’heure, les JRPG hardcore ne sont pas légion dans les années 90 car il est assez simple de balancer la difficulté d’un jeu au moyen des améliorations de statistiques et techniques accompagnant un level-up. Au pire, une difficulté temporaire peut être facilement contournée en passant quelques dizaines de minutes à taper des ennemis de base à la chaine jusqu’à ce que le niveau de l’équipe atteigne le seuil requis, comportement désigné aujourd’hui sous le nom de grind.

La courbe de difficulté d’un RPG est souvent comparable à l’allure d’une régulation de température bien optimisée.

Secret of Mana, par exemple, n’offre que peu d’embûches volontaires au joueur, du moins si l’on exclut de l’équation l’intelligence artificielle chancelante des compagnons de Randy et leur pathfinding pété. En revanche certains boss, notamment Tigror, en feront s’écraser plus d’un sur un mur malgré un niveau correct, car ils représentent un pic de difficulté par rapport aux mécaniques disponibles lors de leur rencontre. Parmi ces malchanceux, peut-être certains seront-ils tentés de tricher pour s’en sortir, ou plutôt d’exploiter des mécaniques obscures du jeu ? Dans la version d’origine, un glitch assez connu permet en effet de pousser à fond le niveau de charge d’une arme pour vaporiser un boss en quelques secondes. Ce genre d’exploit n’est pourtant pas une façon naturelle de surmonter une difficulté. On ne devrait pas obliger le joueur à choisir entre tricher ou tourner en rond des heures à chasser le lievro. L’équilibrage initial des statistiques devrait être là pour y palier. Cependant, avec l’allongement et la complexification des RPG de l’époque, il devient de plus en plus compliqué (et coûteux) pour les studios de maintenir constant leur équilibrage. Certains développeurs ingénieux vont passer outre le problème en laissant au joueur les clés du gameplay : des outils ludiques et simples d’accès qui lui laissent tout loisir de placer - figurativement - le curseur là où il le souhaite en fonction de sa créativité.

C’est le cas des jeux FromSoftware modernes, qui parsèment leur monde semi-ouvert de manières (armes, magies, upgrades) de se forger un avatar puissant du moment qu’on ne rechigne pas à l’exploration. Si dans le cas des Soulsborne l’équilibrage précaire à la sortie [1] est plus ou moins remis d’aplomb à force de patchs correctifs et d’ajustages, le joueur lui-même est actif sur la balance de difficulté. Il n’y a qu’à voir un profane et un expert évoluer avec le même arsenal ; ou, plus frappant, un même joueur recommencer une partie fraîche : l’apprentissage du monde et de ses mécaniques est une donnée importante, bien plus que le simple niveau d’expérience.

Final Fantasy VIII : n’importe qui peut faire de son personnage un dieu, avec un peu de temps

On pourrait parler de Star Ocean 2 et Octopath Traveler qui tous deux permettent de fouiller les poches des PNJ à la recherche d’objets et équipements utiles, pour certains à même de détruire tout obstacle à venir. Ou bien Final Fantasy VIII où les niveaux n’ont plus d’importance, mais qui laisse le choix de piller les sources de magie et celles tenues par les adversaires pour fortifier les caractéristiques des personnages. Mais pour reprendre notre fil rouge dragon-questien, c’est DQVIII qui va nous offrir un exemple concret.

Lorsque son héros sort de la première bourgade direction la grotte de la cascade, ses murs humides, son boss triton bodybuildé, toute la progression élaborée en 1986 se remet en branle. Les objets à récupérer, le leveling à base de slimes et d’auberge, jusqu’à ce qu’il se sente assez fort pour tenir le choc. C’est devenu un incontournable de la série, on ne tombe pas des nues devant cette boucle de gameplay désuète. Depuis le temps, la série à su se renouveler et s’épaissir dans ses mécaniques, avec des épisodes introduisant les Vocations (en gros : des classes de personnages) ou plus ponctuellement des idées novatrices, telles le commerce exploitable de Torneko. Rendre les ennemis un peu plus hargneux ou dangereux n’est plus forcément synonyme de grinding, puisqu’on peut varier les méthodes d’aguerrissement.

Si ce huitième épisode innove avec le système de tension, des équipiers aux multiples expertises, et la possibilité de se servir d’une phalange composée de monstres apprivoisés (dont on trouvait un embryon dans Dragon Quest V), c’est surtout l’Alchimarmite qui jouera le rôle de contrepoids. En soi elle n’est qu’un banal système de crafting, on place deux ou trois objets, on attend un peu et on obtient un objet différent. Dans les faits son action sur le rythme de l’épopée est énorme. L’amateur de DraQue a longtemps subi le troll de la part d’une série de jeux qui poussent à fouiller les armoires comme un voleur mais ne lui concèdent que de vulgaires Bâtons de Cyprès et autres dagues inutiles. Mais cette fois la vengeance a sonné. Grâce à son chaudron il peut désormais transformer ces rognures en Lance de fer, puis relancer de deux bouts de bois miteux pour créer une Grande Lance bien plus puissante que les armes disponibles au magasin du coin. Plus tard, une fois la pique tombée en désuétude, il y ajoutera un chapelet d’or pour redorer sa force de frappe ; sans pour autant que la progression ne devienne une promenade de santé, le challenge étant toujours au rendez-vous pour qui sort un peu des sentiers battus. En bref, avec un peu d’expérimentation le joueur impliqué va pouvoir prendre le jeu de cours, renverser des monstres qui pourtant ne rigolaient pas, détourner librement des objets banals à son profit comme par la seule force de son intellect — on imagine bien que le placement des items et des recettes n’a en fait pas grand chose du hasard, encore une fois pour éviter de déséquilibrer le jeu.

Dragon Quest VIII, ou l'art de valoriser ses rognures en arme de compet'
Dragon Quest VIII, ou l’art de valoriser ses rognures en arme de compet’

D’ailleurs le remaster 3DS, qui supprime l’attente de l’alchimie avant d’obtenir le produit fini, apparait comme un peu plus simple sans y changer grand-chose. Moins frustrant aussi de ne pas se ronger les sangs avant de savoir si la combinaison était rentable, mais difficile de ne pas y voir le spectre de la simplification à outrance du genre, qu’on ne peut plus vraiment ignorer depuis le début des années 2000.

Dark Age of Camelote

Autrefois rarement international, le jeu vidéo japonais traverse désormais bien plus volontiers le Pacifique, et l’Atlantique par ricochet. Peut-être est-ce ce qui a petit à petit entrainé la disparition des jeux conçus comme difficiles. On parlait avant de "Nintendo Hard", ou on invoquait ce stéréotype de l’asiatique bien plus compétent que l’occidental. Objectivement, beaucoup des jeux de l’époque (en particulier les platformers) manquaient justement d’équilibrage, ou n’étaient simplement pas bien finis. Faute d’autre chose à jouer ou de vrai point de comparaison, on leur passait volontiers cette tare. Mais parfois un jeu tout à fait jouable se retrouvait modifié dans ses paramètres pour une diffusion hors de l’archipel. L’exemple le plus frappant est bien sûr Super Mario Bros. 2, jugé trop difficile pour plaire aux occidentaux, dont le contenu original fût remplacé par une version modifiée du plus plat Doki Doki Panic, au gameplay assez lointain de la série phare de Nintendo. Côté JRPG, la sortie américaine de Final Fantasy IV avait notoirement revue à la baisse la difficulté globale des combats, et ce n’était pas du tout le seul cas.

Même simplifiées, les nombreuses rééditions de RPG période SNES permettent de se rendre compte qu’à l’époque l’équilibrage ne rigolait pas

Pour un passionné de JV, la tentation est grande de dénoncer le nivellement du média — évidemment en sa défaveur. D’autant qu’il est facile pour les japonophiles de tomber dans l’élitisme, de désigner toute modification du jeu original comme une perversion y compris quand elle découle d’un processus de localisation pourtant demandée. Avec notamment l’avènement des Wii et DS de Nintendo et leur "nouvelle façon de jouer" qui entraina la foire aux jeux simplistes et développés à la va-vite, puis l’arrivée des mobage et son cortège de gacha et autres mécaniques ordurières qui gangrènent peu à peu jusqu’à la production traditionnelle, on s’est mis à parler de casualisation [2] du Jeu Vidéo", comme un « c’était mieux avant » généralisé. Et d’accuser le salaryman nippon, démographie croissante qui pour pouvoir disputer des parties pendant ses temps de transport houleux a besoin de pouvoir traverser une aventure sans être gêné par un game over ou devoir chercher trop longtemps un point de sauvegarde.

La vérité c’est que le jeu du 21ème siècle n’est plus réservé à une petite partie d’irréductibles adolescents mâles mais peut être joué par différents profils. Le père au foyer overbooké, la cadre supérieure avec peu de temps libre, les lycéennes qui jouent en bande, les retraités aussi ; tous deviennent un acheteur potentiel, avec ses besoins spécifiques. Et qu’au final permettre de redémarrer FFXIII juste avant le combat en cas de défaite c’est faciliter l’accès de tous au jeu sans fondamentalement le tirer vers le bas. Même chose pour l’option de suppression des combats aléatoires de Bravely Default, puisqu’elle rend mécaniquement les boss plus difficiles avec le manque d’expérience. Cependant toute facilitation n’est pas anodine. Cette ouverture, c’est aussi ce qui entraine l’arrivée d’abus comme les boîtes de dialogue de Skyward Sword qui à chaque redémarrage viendront rappeler le fonctionnement des objets jusqu’à filer la nausée aux core et hardcore gamers. Ou bien, pour élargir le sujet aux productions occidentales, aux pointeurs de quête qui pullulent et polluent tous types de jeu au lieu de proposer les indices au joueur pour qu’il se débrouille par ses propres moyens.

Poussé à l’extrême, ce processus d’universalisation globale s’accompagne d’un nivellement par le bas des mécaniques de jeu et de l’attention à y consacrer pour avancer, et par extension d’une baisse d’attractivité de ces jeux pour le public d’origine. Espérons que ça n’arrivera jamais mais implanter un mode easy sur un Dark Souls comme certains le proposent serait, par exemple, un non-sens total. Si ces jeux fonctionnent et ont un tel succès critique, c’est justement qu’ils ont une approche impitoyable de la progression à la "marche ou crève" qui tire les capacités du joueur lui-même vers le haut, plus que celle du personnage. Leur enlever cette facette serait les faire rentrer dans le rang et les vider de leur substance. A contrario, il serait bien plus intéressant de faire venir ce nouveau public en trouvant le moyen de lui apprendre comment progresser efficacement, en usant de pédagogie pour lui expliquer la substantifique moelle du concept. Mais voilà, rendre un jeu plus accessible de façon intelligente ça demande plus de temps, de moyens, et des créatifs qui se raclent un peu la soupière. Il est bien plus facile pour le gros de la prod de charcuter l’équilibrage à grand renfort de statistiques ennemies variables, le curseur étant réglé bas par défaut et pouvant être augmenté par le joueur en début de partie, voire quand il le souhaite.

Contrairement à ce qu’essaye de faire croire l’ambiance cataclysmique du scénario, DraQue XI est une promenade de santé

Cette augmentation factice de la difficulté du jeu, c’est le choix opéré par le dernier épisode en date de notre fil rouge, j’ai nommé Dragon Quest XI. La courbe de difficulté escarpée était devenue un standard dans la série jusqu’au neuvième épisode, point charnière pour la star d’Enix qui jetait à la flotte une bonne partie de son héritage austère mais pas tant de ses combats complexes. Après un tel succès et des années d’attente, on pouvait craindre un épisode dans la même veine. Peur justifiée mais pas du tout sur le même plan : sur la forme DQXI copie-colle le concept général de l’épisode VIII avec son monde semi-ouvert, ses personnages cartoonesques et des monstres et références touchant parfois au DraQue-porn tellement le fan de Toriyama est brossé dans le sens du poil. Si ce choix sera diversement accueilli — le résultat manque de personnalité et de consistance — c’est surtout l’équilibrage du jeu qui pose problème, car il dépare dans la continuité conservatrice de la série.

Pur produit des années 2010, l’aventure de l’Éclairé n’opposera qu’une faible résistance au joueur. Trahison, les premiers pas compliqués feront place à un tutoriel classique et à des combats disputés une main dans le slip ; quant au reste de l’aventure il sera du même acabit. Il faut bien attendre le dernier quart du jeu pour trouver un semblant d’opposition, presque trop même tant les ennemis se mettent à frapper fort. Comme si l’équipe d’Horii s’était rappelé que pour se vendre un jeu se doit d’être très long, et tant pis si ça passe par du level-up idiot de dernière minute. Comment expliquer cet état de fait ? Comme évoqué quelques paragraphes plus haut, par un curseur de difficulté réglé au minimum (soit des statistiques joueurs positionnées plus hautes que celles des ennemis, ou l’inverse) dans le mode de difficulté Normal, soit le plus élevé que propose le soft pour une première partie. Dragon Quest XI possède par ailleurs un système de crafting proche de l’Alchimarmite, limitations en moins et augmentation drastique du niveau des objets en plus, au travers d’un mini-jeu aisé. En d’autre terme il suffit de s’impliquer un peu dans les quêtes annexes et autres cambriolages de PNJ pour obtenir de quoi fabriquer des objets à la puissance brute bien trop haute pour ce que les adversaires pourront en supporter.

Ce n’est pas parce qu’il est subordonné à la réussite d’un mini-jeu (enfantin) que le système de forge est moins exploitable que la vieille Alchimarmite

Quelle autre solution pour y remédier que se fixer soi-même des handicaps ? De ne pas utiliser l’arbre de compétences pourtant partie intégrante de l’expérience de jeu ? S’astreindre à laisser de côté les annexes et la forge pour ne pas trop aguerrir son équipe ? Le développeur y a pensé : il y a des options pour ça. Lors d’une création de nouvelle partie (et seulement à ce moment), vous pouvez choisir d’empêcher vos persos de porter une armure, désactiver les achats en boutique, infliger une altération d’état permanente à l’équipe ou même démultiplier les caractéristiques des monstres adverses. Appauvrir le jeu, augmenter artificiellement sa résistance, quelle bonne idée ! En somme, si vous vous définissez comme un joueur habitué vous n’aurez d’autre choix que de vous ennuyer ferme car malgré la somme de features intéressantes à développer le jeu n’a tout simplement pas été prévu pour vous.

Malgré d’indéniables qualités, DQXI est un cas d’école de JRPG rendu accessible à tous qui laisse sur le côté de la route son public de toujours par pur flemme de réfléchir intelligemment à son équilibrage vis à vis de ses mécaniques. Devant le résultat manifestement peu concluant, il en est réduit à proposer de désactiver des pans entiers de mécaniques pour proposer un semblant de défi, ce à quoi on ne peut décemment adhérer. Comme un aveu d’échec de concilier les besoins du public traditionnel avec la facilitation à l’extrême d’une cible universelle. Les périodes passent et le jeu vidéo évolue lui aussi. Cet art qu’on dit encore jeune (moins de 70 ans, une broutille) a certainement besoin de mûrir un peu plus pour se trouver, adapter le produit à son public. Au départ égocentré, il se cherche et essaye à présent de plaire à tous au risque de renier sa personnalité. Espérons qu’il achève enfin sa mue et s’aperçoive qu’à une époque qui, comme jamais, voit les expériences ludiques se diversifier, se radicaliser aussi pour coller à chaque profil de joueur, il n’a plus besoin de se travestir pour être aimé.

Dans un souci d’éviter de trop dévier du sujet, je conseille à ceux qui voudraient l’approfondir par des sujets connexes de consulter les articles suivants :

- Accessibilité vs difficulté : est-ce plus facile de créer un jeu vidéo difficile ? par Cyrielle Maurice

- Tout le monde peut-il jouer au Jeu Vidéo ? par Game Spectrum

Notes

[1] Pour les Souls, la difficulté d’équilibrer correctement le jeu fait face à des écueils multiples : la diversité des chemins suivis, celle de la construction du personnage, du nombre faramineux des armes qui peuvent de surcroit changer d’éléments et puissance. C’est également en raison des modes en ligne, coopératifs mais également compétitifs, qu’à l’instar des jeux de combat chacun doit plus ou moins avoir sa chance.

[2] L’anglicisme Casual désigne ici les joueurs occasionnels par opposition aux passionnés, mais s’utilise presque exclusivement au sens péjoratif : ceux qui, désinvoltes dans leur pratique, ne font du jeu qu’un passe-temps mais entrainent par leur simple présence un changement radical du marché.

Il y a 3 Messages de forum pour "Gamme d’étalonnage"
  • Baptiste D Le 17 décembre 2018 à 13:00

    Joli tour d’horizon !

    Je repensais justement hier à un de mes jeux préférés, Digimon World sur Playstation, qui a une communauté d’irréductibles fans, si bien qu’un épisode moderne, Digimon World Next Order, fut vendu principalement sur la promesse de remettre son système de jeu RPG/raising-sim au goût du jour. (les épisodes suivants de Digimon World ayant des systèmes totalement différent)
    Et c’est l’équilibrage qui a tout gâché. Là où le premier avait une évolution des stats relativement plates (un peu comme Dark Souls en fait), garantissant un challenge constant et une exploration ouverte, Next Order revient à une classique évolution linéaire voire exponentielle des stats, forçant un chemin pré-établi par les développeurs par peur d’ouverture. Très décevant, uniquement par l’équilibrage.

    Concernant les JRPGs plus classique, je suis maintenant très fatigué des équilibrages linéaires classiques (qu’ils demandent du farm ou pas). Mes systèmes préférés sont maintenant ceux où la possibilité existe (plus ou moins cachée) de surprendre le jeu par une progression exponentielle. Je ne savais pas que DQ8 permet ça, mais j’adore FF VIII pour cet aspect là, même si il faut avouer que l’introduction de son système au joueur est mauvaise.

  • Kefka Le 27 décembre 2018 à 01:29

    Chouette article.

    C’est dingue comme FromSoftware (Miyazaki un peu, voir beaucoup ?) a su amener l’amour que j’éprouve, comme d’autres sans doute, à ce rapport à la difficulté, à la mort dans le jeu vidéo. Je n’ai jamais réfléchi à cette question tant l’univers et tout ce qui s’y rapporte (OST, direction artistique, narration, level, ...) me fascine. Mais l’auteur soulève un point intéressant : "tire les capacités du joueur lui-même vers le haut". C’est vrai que la progression du joueur est vraiment particulière et le système d’expériences des personnages (symptomatique des Final Fantasy ma série du cœur, à défaut de connaître DQ) est presque transféré au joueur lui-même.

    Ceci dit, les Souls se rapprochent (peut-être) bien plus du VS fighting que du JRPG à l’ancienne ? Les pattern de boss semblables au système de priorités (Frame Data) ; les déplacement dans l’arène du boss qui se rapprochent du spacing-zoning dans les jeux de VS 3D pour chercher à le contourner, lui faire "whiffer" des coups (notamment avec la fameuse roulade) ; prendre en compte les coups basiques et les coups spéciaux ; une succession de morts rapides pour une douloureuse victoire, grâce à l’apprentissage... (les limites de l’analogie sans doute ? xD)

    Bref, de l’anglicisme en veux-tu en voilà mais l’idée est là. Merci pour l’article, j’attends Shadow Die Twice avec impatience en tout cas ! Bonne continuation.

  • prince2phore Le 10 janvier 2019 à 07:26

    perso je m’éclate avec DQ11. en fait sans activer les restrictions de début de partie, il suffit de moins systématiquement faire finir les quêtes annexes et tout fouiller et la difficulté remonte rapidement. vu la longueur de l’histoire c’est aussi bien, on garde du gras pour le post game et quand ça devient trop dur on arrête de filer droit pour l’histoire et on a pléthore de choses à faire pour se remettre à niveau.
    . sinon il y a simplement une des options de quête draconiene pour juste avoir des monstres plus costaud, pas testé mais ça doit le faire. bref pour moi il est super bien dosé et laisse liberté au joueur niveau difficulté. en plus le système de combat est sympa mais ne supporterait pas à mon avis une difficulté importante sur 100h de jeu, quelques pics avec les bosses ou par choix c’est bien plus agréable.
    Plus généralement mon problème avec la difficulté des jeux c’est que ne n’est souvent qu’une illusion, une fois le système bien compris et maitrisé, si ça reste difficule c’est souvent artificiel et frustrant à jouer. seuls le multijoueur et l’aléatoire permettent vraiment des défis intéressant. pour la plupart des systèmes de jeu solo c’est une question de dosage pour garder une satisfaction et un sens de progression, encore une fois bien respecté dans DQ11 pour moi après 67h de jeu (toujours pas fini la quête principale...).
    très bon article et blog ceci dit, merci !

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