Game over
Avec plus de 600 magasins au Royaume-Uni, Game écrasait le marché de la distribution spécialisée : cela ne l’a pas empêché de s’écrouler comme un colosse aux pieds d’argile. Passé sous administration judiciaire, le groupe a annoncé la fermeture de près de la moitié de ses boutiques britanniques, et licencie plus de 2000 salariés (sur 6000 en Grande-Bretagne).
Ironie du sort, Game est pris à son propre jeu. Ogre affamé de croissance, le groupe avait dévoré ses concurrents les uns après les autres, et avait réduit à la faillite les commerçants indépendants en s’attaquant à leurs marges. Son appétit lui a valu une indigestion carabinée : le rachat de Gamestation en 2007, juste avant la crise, n’est pas passé, laissant notre goinfre avec des boutiques redondantes aux loyers inabordables. Le géant local s’est retrouvé petit poucet à son tour, face à un titan de la taille d’Amazon et n’a pas pu concurrencer les prix de la distribution online, ni réagir à la politique tarifaire très agressive des supermarchés, qui sont prêts à rogner sur leurs marges pour attirer les consommateurs.
Si l’on compatit au sort des 8000 employés de la multinationale [1] (qui possède près de 200 enseignes en France, dont on ignore pour le moment le sort), il n’y aura pas grand monde pour regretter Game. Ni les éditeurs énervés de voir les jeux d’occasion poussés agressivement, ni des clients harcelés par les incessantes offres de précommandes, et de moins en moins attirés par des tarifs peu compétitifs et un choix se limitant, à moins d’un coup de chance dans les bacs d’occasion, aux dernières sorties. Suite aux difficultés financières qui s’accumulaient depuis un an, Game s’est retrouvé dépourvu d’assurance pour les impayés, et s’est ainsi vu privé de titres attendus : d’abord une partie du catalogue Ubisoft, puis coup fatal des nouveautés Nintendo et EA ; un distributeur de jeu vidéo incapable de proposer à ses clients un titre aussi populaire que Mass Effect 3 était condamné.
La crise de la highstreet
Certes, le cas Game est particulier : le distributeur a multiplié les erreurs de stratégie et n’a pas su remettre en cause à temps ses pratiques commerciales. Il faut aussi prendre en compte le contexte britannique ; pour diverses raisons c’est tout le secteur de la distribution qui est en crise dans l’archipel [2], d’autant que la concurrence sur les prix s’y montre particulièrement vive. Ce n’est pas un hasard si beaucoup de gros joueurs français ne passent plus que par les boutiques en ligne britanniques, aux prix attractifs et aux promotions incessantes. Difficile dans ce cas de généraliser le destin de Game. Mais si l’américain Gamestop, qui possède la chaîne française Micromania, et dont les pratiques commerciales ne sont guère éloignées de celles de Game, semble dans une situation autrement saine, son avenir est loin d’être garanti. Car on peine à trouver aujourd’hui l’apport d’une chaîne de boutiques « spécialisées » dans le jeu vidéo.
Bien sûr, les éditeurs ont pu se satisfaire de l’effet publicitaire de tels magasins, affichant leurs derniers titres et en faisant la retape à coups de pancartes. Mais internet est aujourd’hui une solution bien plus efficace, d’autant que les publicités s’affichent directement à l’allumage des consoles, et que les démos se téléchargent en un coup de manette. Il est vrai qu’une importante part des joueurs rechignent à connecter leurs machines, mais la présence physique du jeu vidéo par le biais d’une échoppe dans les rues piétonnes ou les centres commerciaux ne va plus de soi. Amazon et les services en ligne prennent le pas sur le mall , qui risquent fort de devenir une amusante relique des temps passés, évoquant la nostalgie de la consommation pré-internet.. La disparition de Game est d’autant moins regrettable pour les éditeurs que cette publicité avait un coût jugé dispendieux : la mise en avant par le distributeur des produits usagés, lui assurant des marges que les produits neufs sont bien loin de lui garantir. Seuls à la rigueur les éditeurs de série B et les constructeurs ont quelque chose à attendre des boutiques de jeu qui offrent un espace d’exposition à leurs produits ; ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Sony a travaillé de concert avec Game pour le lancement de la PS Vita, en prenant bien soin d’apposer des scellés sur les machines indiquant qu’elles restaient la propriété insaisissable du géant japonais. Electronic Arts par contre, ne semble pas avoir eu à se plaindre des ventes du dernier Bioware, que les clients britanniques ont pu se procurer partout ailleurs que chez Game.
Un service discutable
Du point de vue du client, il faut bien reconnaître la faillite totale du modèle proposé par les chaînes vidéoludiques. Si l’opportunité de revendre des jeux finis pour en acheter de nouveaux, les programmes de fidélisation et le simple avantage de pouvoir se payer un jeu sur un coup de tête en rentrant d’une journée de travail sont à mettre au crédit des magasins, ces avantages sont loin d’assurer la viabilité d’un modèle économique des plus fragiles. Revendre ses jeux pour en acheter de nouveaux, mais à quel prix ? A cause de leurs charges fixes (salaires, loyers), les boutiques sont obligées de rogner à l’achat et de surcharger à la vente. Sans chercher longtemps sur internet, on trouve bien souvent des jeux neufs moins chers que ceux proposés d’occasion par Game et Micromania. En 2012 la méfiance des clients pour le grand méchant web n’est plus ce qu’elle était il y a quelques années encore.
Ces considérations bassement économiques sont difficiles à contester, d’autant que le jeu vidéo est une « commodité » : chaque exemplaire du jeu est strictement interchangeable, malgré ce que les bonii exclusifs à tel ou tel distributeur voudrait nous faire croire. On peut se lamenter sur la fin des boîtes de carton et des manuels, celle-ci est actée, au point qu’on voit mal – toute considération sur les DRM mise à part – la différence entre une version en dur d’un jeu et son équivalent digital sur Steam ou le PSN ; la PS Vita est d’ailleurs la première console à proposer immédiatement tous les titres de son catalogue en version dématérialisée. Si pour le moment les prix des jeux en téléchargement ne font pas concurrence agressivement à la distribution physique, afin de ménager des partenaires commerciaux, l’équilibre des forces peut changer à tout moment. Sur PC, la marche vers le digital paraît inexorable, et même Amazon se prépare et concurrence Steam aux USA en vendant des jeux à télécharger. On peut évidemment regretter que disparaisse de la sorte la possibilité de partager ses jeux, le prêt, la revente d’occasion... tout en reconnaissant que la distribution physique n’offre qu’un piètre service.
Serait-on prêt à payer plus cher un service de qualité, que les chaînes de la distribution seraient incapables de nous le fournir. Les salaires et la routine commerciale (« souhaitez-vous précommander le prochain… ? Vous avez un email ? ») imposée aux employés n’aident pas attirer des vendeurs compétents (comme ont pu l’être il y a bien longtemps les disquaires de la Fnac par exemple) ; il y en a pourtant, mais leur marge d’action paraît bien mince : tous les magasins se ressemblent, et mettent peu ou prou les mêmes jeux en valeur, selon des décisions prises au niveau national. Les joueurs chineurs se sont depuis longtemps découragés : à quoi bon retourner un bac d’occasions rempli de PES défraîchis ou de spin-offs dont personne ne veut, en espérant trouver une improbable perle, alors qu’il suffit de commander sur internet, où les commerçants ont la possibilité de servir la longue traîne ? Tous semblables, avec leurs affreux bleus ou leurs tristes gris et violets, leurs néons et leur musique hurlante, les magasins de chaîne évoquent plus le hard discounteur – hors de prix — que la librairie où il fait bon traîner et toucher les livres, et où le libraire met en avant les ouvrages qui lui tiennent à cœur.
Game over pour les boutiques spécialisées ?
Une autre expérience d’achat est-elle possible ? Les doutes sont permis. Certes, il existe des boutiques indépendantes qui ressemblent à de véritables cavernes d’Ali Baba, et où il fait bon chiner. Mais elles se spécialisent généralement dans l’import ou l’occasion pointue ; le marché du jeu vidéo tel qu’il existe actuellement n’offre pas de réel espace pour un spécialiste. D’un côté les jeux grand public font la course au blockbuster, et les quelques titres à succès se vendraient aussi bien au supermarché que dans une boutique spécialisée. D’autre part, la véritable diversité provient des développeurs indépendants, mais ceux-ci ont depuis longtemps délaissé les boutiques pour vendre leurs jeux en ligne. Plus généralement, la fonction de conseil du vendeur semble avoir été transférée à internet : que ce soit en fréquentant un forum ou en lisant les dizaines de tests publiés, le joueur peut se faire un avis avant d’acheter. Le service attendu d’un vendeur se limite donc à proposer un prix attractif et une disponibilité rapide… ce que les sites internet font très bien.
Si les boutiques spécialisées venaient à disparaître, les regretterions nous longtemps ? Rien n’est moins sûr. Toute nostalgie mise de côté, il y a longtemps qu’elles ne sont plus un acteur central de la culture vidéoludique, elles en constituent plutôt un frein. Game et Micromania vendent du jeu vidéo comme du yaourt, c’est sans scrupule aucun qu’on changera de crèmerie.
Notes
[1] Ceux-ci s’inquiètent d’ailleurs à juste titre du paiement de leurs indemnités de licenciement et en Irlande certains d’entre eux ont décidé d’occuper les boutiques en guise de protestation.
[2] La high street –- la rue commerçante de centre ville — connaît une réelle crise, même dans les villes les plus cossues ; certains analystes prédisent que près de 40 % des boutiques devraient disparaître dans les années à venir au Royaume-Uni
Vos commentaires
Sylvain # Le 28 mars 2012 à 09:17
C’est vrai que le triste sort de cette chaine me laisse assez indifférent. Ils nous ont tellement "arnaquer" pendant des années... Trop mauvais vendeurs, trop gourmands, trop tout. Après c’est moche pour les licenciements, c’est sur.
Longanimité # Le 28 mars 2012 à 10:08
Du coup je suis bien d’accord. Il est tout à fait naturel qu’un terme soit mis aux activités des distributeurs physiques qui tiennent d’une certaine imposture. Imposture en ce sens que ces boutiques présentent à la fois des inconvénients (prix élevés, concentration de l’occasion,...) sans les avantages (offre absurde, manque de professionalisme,etc...) mais subsistant grâce, je pense, à la bête méconnaissance des réseaux de distribution moins institutionnels (Internet, tout simplement).
Après je ne dis pas que c’est souhaitable pour tout le monde (je voudrais pas être à la place des employés), mais je suis loin de verser ne serait-ce qu’une larmichette.
Steph # Le 28 mars 2012 à 11:10
Je ne peux m’empêcher de remarquer qu’il manque quelque chose pour appuyer l’évidence du déplacement des habitudes de consommation vers l’internet. Au moins quant à sa proportion.
Sinon cet édito "qu’ils s’en aillent tous" reste très amusant. J’avoue qu’a choisir entre les boutiques de jeux à la con type Groslardmania et la vente en ligne, cette dernière ne souffre pas de désavantage criant, pour les raisons que tu invoques. (le raisonnement peut etre d’ailleurs transposé a la presse en ligne sans probleme) En revanche je ne sais pas pourquoi, mais les deux types de la boutique à l’enseigne bleue rue Victor Hugo a Lyon me sont sympathiques et j aime bien de temps en temps m’y arrêter pour discuter un peu.
Et que le fait de ne pas pouvoir prêter un jeu ne soit pas gênant est très révélateur de l’epoque, non ? C’est quand même sympa de pouvoir permettre aux amis de découvrir quelque chose qui nous a touché.
Laurent # Le 28 mars 2012 à 11:42
Vivant dans l’un des "trous noirs" de l’ADSL, le "tout dématérialisé" évoqué ici comme possible concurrent des boutiques reste pour moi un lointain concept... J’aimerais donc que les revendeurs physiques continuent d’exister, mais pas sous n’importe quelle forme. Comme justement remarqué dans l’article, les Micromania et autres Game ressemblent aux enseignes Hard Discount, je ne m’y sens pas vraiment chez moi. Lumières sombres (chez Micromania), bruitages assourdissants du dernier Call of Duty qui tournent en boucle sur les bornes, public de "Kévin" et bacs d’occase blindés de trucs sans intérêt...
Et pourtant, les boutiques sympa, ça existe, généralement sans les marques connues au dessus de la porte. Mais forcément, ça doit être plus compliqué à faire vivre.
Guy Vault # Le 28 mars 2012 à 11:44
Game, MOUAH, j’ai pas non plus un excellent souvenir. J’ai passé commande une fois sur leur site. Je n’ai jamais reçu le produit (annoncé en stock mais en fait non). Cela a été la galère pour se faire rembourser. C’est regrettable pour les employés, mais comme Sylvain, la disparition annoncée de cette chaîne ne me fera ni chaud, ni froid.
Concernant le dématérialisé, j’étais pas du tout favorable à l’époque où Steam commençait à se faire un nom. Trop accroché à mes versions boîtes. Finalement, je constate que pour un joueur patient, ça vaut largement le coup - en terme de place (surtout lorsqu’on habite un petit appart), d’économie (en période de solde, chopper un jeu vieux d’un an pour 5€, c’est imbattable) et de souplesse (son compte et ses jeux accessibles all over the world - connecté au net^^).
Ekyrby # Le 28 mars 2012 à 12:11
@Laurent : c’est marrant, dans mon boulot on n’appelle pas ça un trou noir, mais une "zone blanche" :p
Si l’ADSL vous est inaccessible, je ne peux que vous conseiller le satellite, les offres actuelles proposent un service au niveau de l’ADSL urbain pour un prix pas trop élevé.
Pour revenir au sujet principal, je regrette pas vraiment de voir disparaitre Game (hormis les pertes d’emplois), ça faisait trop grande chaîne dans un domaine ou je préfère le personnalisé. M’enfin comme je pratique très peu l’occasion...
Martin Lefebvre # Le 28 mars 2012 à 13:07
Je ne pense pas que la prochaine gen de console soit entièrement démat’. A priori on se dirige plus vers le modèle PS Vita où les jeux sont disponibles en démat’ en plus d’être en dur. Enfin après je ne suis pas dans le secret. Par contre, la gén d’après risque fort d’abandonner le dur : c’est assez largement dans l’intérêt des développeurs et des constructeurs je pense, et les problèmes de "trous noirs" vont bien finir par disparaître.
Pour ce qui est de Game France, je n’ai pas d’infos. Apparemment le groupe est plus ou moins indépendant de la maison-mère, je ne sais pas ce qu’il va devenir. Game France vendait Mass Effect 3 par exemple. Il faudrait mener l’enquête, interroger les responsables... J’aurais bien aimé mener un reportage, réaliser des entretiens avec des vendeurs de Game France, mais je n’ai pas vraiment le temps (ni les compétences journalistiques). C’est malheureusement la limite du web amateur... On va voir ce que vont faire les pros, Eurogamer a bien bossé en GB, je suis certain qu’en France Yukishiro de GK ferait ça très bien.
Si ça intéresse quelqu’un de faire un reportage sur le sujet, en allant interroger des vendeurs, ou si des salariés de Game France veulent témoigner, on est très preneurs. :)
JiPé # Le 28 mars 2012 à 16:38
On a deux Game à Valence depuis bientôt 10 ans (au début c’était Score Game) et je n’y vais plus depuis qu’un indé a ouvert il y a 2 ou 3 ans. Le gérant galère un peu et fais surtout son chiffre sur l’occaze et le matériel "de compétition" (clavier tunning, lunettes anti-fatigue et casque audio de luxe...). Il vend ses jeux 5 à 10€ moins cher en neuf et pour brasser une communauté local, il organise certains dimanches des tournois Fifa, CoD et Street.
Il ne voit pas d’un bon oeil l’éventuelle fermeture du Game en centre-ville. Si le gros magasin ferme, ça risque de devenir plus compliqué de se faire fournir et ça fera pas forcément des clients en plus qui préféreront sans doute acheter sur le net.
En tout cas son magasin est une bonne surprise et on y est toujours bien accueilli, sans ça il resterait vide :|
Steph # Le 29 mars 2012 à 11:51
@Martin : D’après Kotakusi on est pas dans la démat’ on sera bien dans le verrouillage complet. Avec un fonctionnement comme ce que l’on peut trouver sur steam mais sur la "PS4", c’est à dire que le jeu serait attaché à l’ID PSN.
Honnêtement, voir des entreprises verrouiller autant des produits comme ceux là me paraît irréaliste. Comment faire accepter qu’on ne puisse plus se prêter quoique ce soit ? Transposer aux livres, je crois qu’il faudrait diviser le nombre de mes lectures par 10. Prêt des amis, bibliothèque, etc.
Martin Lefebvre # Le 29 mars 2012 à 14:55
Personnellement j’ai un côté très collectionneur-fétichiste : je veux posséder les oeuvres que je fréquente... Après avec les DRM, possède-t-on réellement ce qu’on achète ? C’est un débat intéressant, sur lequel il faudrait revenir.
Pour le moment je prendais avec des pincettes les rumeurs de Kotaku, ça me paraît suicidaire en l’état actuel de demander aux consoles d’être en permanence online. Après c’est peut-être une fuite orchestrée, pour préparer le terrain à quelque chose de moins radical mais qui serait vu comme un soulagement.
J’entends bien pour le prêt... c’est vrai que c’est assez inquiétant. Je dépense une fortune en JV et en produits culturels chaque mois, mais aurais-je été si accro sans le piratage de la cour de récréation et les bibliothèques ?
Après je suis un gros client de Steam, qui avec ses promos me permet de goûter plein de choses différentes, tout en filant de la tune aux dév... ca me gêne pas qu’il y ait des DRM sur un jeu à 5-10 €, c’est jamais que le prix d’une location longue durée. Evidemment ce n’est pas parfait ; tout cela montre que le capitalisme n’a pas forcément les outils adéquats pour gérer la propriété intellectuelle dans un monde où le dématérialisé prend de plus en plus d’importance. Mais je vois mal en l’état actuel comment le plus souhaitable, la licence globale, pourrait être mis en place aisément.
De ce que je lis des dév, ce n’est pas tant le principe de l’occase sur un vieux jeu qui les embête que la pratique de Game / Gamestop qui consiste à revendre des jeux pour quelques euros de moins juste après leur sortie. Après leur position n’est pas toujours très crédible, même si elle est compréhensible, d’autant que les studios sont souvent très fragiles économiquement.
Bref, gros débat, sur lequel il faudrait revenir un jour ou l’autre.
Jack # Le 2 avril 2012 à 03:31
Bon article, qui montre bien qu’au delà des déboires de Game, on peut effectivement s’interroger sur l’utilité des boutiques de jeux vidéo.
J’ai 20 ans, et je me vois mal interroger un vendeur dans une boutique Micromania pour lui demander quels sont les derniers bons jeux qu’il aurait à me recommander.
Il y a de bonnes chances pour que ce vendeur soit incompétent, et il me suffit de comparer les tests de trois-quatres sites de journalisme vidéoludique pour avoir un bon aperçu de ce que vaut réellement un jeu.
Si je veux acheter une copie matérielle du jeu, j’attrape la boîte en faisant mes courses au supermarché.
Si je suis fainéant, je commande sur Amazon.
Et je peux aussi attendre un peu avant de le télécharger pour pas cher sur Steam.
Aujourd’hui, il m’arrive encore souvent d’entrer dans une librairie pour feuilleter des bouquins au hasard des rayons, sans être sûr d’ acheter quoi que ce soit à la fin.
Mais il ne m’est jamais arrivé d’entrer dans une boutique de jeux vidéo, parce que je ne saurais vraiment pas quoi y faire.
Comme l’explique l’article, les boutiques n’apportent aucun avantage palpable, et la combinaison des sites de journalisme vidéoludique et des boutiques dématérialisées enterre largement les Game ou Micromania.
Eh oui, à l’heure d’Internet, certains systèmes de distribution ont définitivement fait leur temps !
etienne # Le 2 avril 2012 à 17:53
Effectivement, ce modèle de distribution semble condamné à terme.
Il est cependant assez injuste de s’en prendre aux acteurs du systême : ils sont tributaires d’une industrie culturelle banalisée qui les a toujours empêché de toutes façons d’attacher à l’acte d’achat d’un DVD une valeur ajoutée de conseil, donnant une valeur symbolique et ritualisée à cet acte d’achat, justifiant un lieu de vente dédié, comme on pu et su le faire les librairies ou les disquaires.
Contrairement aux disquaires indépendants, dont certains on survécu uniquement grâce à l’attachement au vinyle, aux conseils prodigués par le vendeur, ou encore à la distribution de pressages indés, l’achat de JV est un acte banal. La décision se fait en amont (sites de critique, forums, bouche à oreille), et il n’y a pas ou peu de fétichisme envers l’objet (ce qui n’est pas le cas de la nostalgie du vinyle, qui a connu plusieurs décennies de gloire et jouit d’un attachement affectif pour certaines générations).
Les coûts de fabrication et de conditionement des boîtes font que seuls les produits AAA ou de l’autre côté les très mauvais clones se trouvent dans les rayons (espérant jouer sur l’ignorance des clients potentiels) : la même chose partout. Paradoxalement, ce qui aurait pu sauver ces boutiques, à savoir le jeu indé, n’est distribué qu’en démat’ en raison de ces coûts de distribution et de conditionnement : quel intérêt à acheter plus cher ce qu’on peut trouver sur Amazon ou à côté du rayon pâtes à Leclerc pour les gros titres, sachant que de l’autre côté les produits de niche ne sont vendus qu’en dématérialisé ? On ne voit pas bien comment ils pourraient s’en sortir.
Ce que les vendeurs de jeux de plateau ou de cartes ont réussi - fidéliser une clientèle "communautaire", où le magasin peut aussi être un lieu d’échange entre clients - les boutiques de JV ne peuvent le faire, puisqu’elles vendent ce qu’on trouve partout. Ces boutiques ne survivent dans les galeries marchandes que parcque les familles peuvent y laisser leur fiston pendant les courses, et au moment de l’achat de consoles pour les parents qui n’y connaissent rien.
Enfin le marché de niche de l’occasion se casse la gueule à cause des politiques des éditeurs, de la concurrence des cash converters, et des promos Steam...
Il est donc injuste d’imputer cet échec à l’avidité ou l’incompétence des professionnels du secteur : c’est la structure même du marché du JV qui les condamne à terme, de la même façon que les supermarchés ont tué les "drogueries" ou les "épiceries" généralistes il y a 50 ans.
L’auteur a raison de relier cette crise à la crise plus générale du commerce "high street" : pourtant ces boutiques et les autres fournissaient des emplois - certes mal payés et inintéressants - à des jeunes actifs peu diplômés et contribuaient à l’animation des centres des villes petites et moyennes.
Il n’y a pas qu’en Angleterre que cette crise s’étend, le phénomène est parfaitement observable en France, et il n’y a pas de quoi s’en réjouir spécialement.
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