Ce jeu gratuit vous propose de suivre un professeur de lettres dans ses débuts à la tête d’une classe de… sept ados. Serious game ? Pas vraiment puisqu’il se passe en 2027. La prophétie de Mark Zuckerberg s’est réalisée et la vie privée n’existe plus. L’enseignant est donc en mesure d’espionner en temps réel les chats, forums et autres murs de réseaux sociaux de ses élèves. Possibilité dont il pourra tirer parti dans ses rapports avec eux…
Après avoir replongé dans les prémices d’Internet (Digital : A Love Story), Christine Love en imagine un futur proche. Sa qualité d’écriture très supérieure à la moyenne lui permet de brosser une galerie de personnages attachants (tendance emo-manga, quand même) à travers les codes de la culture geek, chaque évolution des différentes intrigues étant mise en scène par les procédés de communication modernes devenus innés dans l’univers du jeu.
Seulement, à l’heure des fortunes générées par les applications Facebook (Farmville, Sims Social…) où le salut passe par l’interaction du réseau, Don’t take it… est un pur trip de nerd solitaire. Paradoxe du web 2.0 qui fait que malgré nos 837 amis virtuels, nous ne nous sommes jamais sentis aussi seuls devant nos écrans. Il suffit de cliquer pour faire défiler des textes et, parfois, de choisir entre deux options, ce qui n’influe pas énormément sur le déroulement de l’histoire. Il est impossible de passer à côté du moindre texte, le « jeu » vous rappelant toujours lourdement à l’ordre. Et ne comptez pas non plus utiliser des objets comme dans Phoenix Wright ou autres Dating Sim.
En tant que jeu, donc, aucun intérêt. Et pourtant, on reste scotché devant ces amourettes à l’eau de rose numérique. Et l’on se prend à rêver d’un vrai jeu exploitant les réseaux sociaux avec une telle maîtrise narrative. Game designers, au travail !
Vos commentaires
Pierre-Léo Bégay # Le 12 décembre 2011 à 11:13
/Attention chérie, ça va sévèrement spoiler//> Ce que je trouve brillant, c’est que les choix ne passent pas uniquement par le fait de choisir telle ou telle réponse (ce qui est présent de manière très éparse ici) comme dans la plupart des jeux d’aventure, mais aussi et surtout dans le fait de s’introduire ou non dans la vie privée des personnages. Lors de ma première partie, je n’ai pas pu résister à la tentation et je me suis senti particulièrement sale, ce qui ne m’a jamais empêché d’aller espionner le moindre petit message. A ce moment là, je me suis dit que c’était vraiment brillant, que le jeu, en utilisant justement ce qui en fait un jeu (l’interactivité), arrivait à me mettre de manière non-didactique face à ma propre perversité. Malheureusement, j’ai fait la bêtise de lancer une deuxième partie pour vérifier comment le jeu s’adaptait à un joueur honnête, et quelle déception en découvrant que ma partie avait été un rêve éveillé ayant marché uniquement parce que j’ai réagi comme Christine Love avait prévu que je le fasse.
Concrètement, le game design du jeu est donc inexistant, mais se construit plus que dans d’autres jeux par l’imagination du joueur qui pense se trouver face à un jeu aux ramifications riches et complexes tant qu’il suit (inconsciemment, c’est important) le chemin que Christine Love lui a tracé.
Laurent # Le 12 décembre 2011 à 14:14
Le problème, c’est que l’illusion dont tu parles peut aussi s’effondrer dès la première partie. Parfois j’étais tellement pris dans les dialogues "IRL" que je voulais absolument découvrir la suite et là, j’ai la conscience du prof qui me dit "hé bro, si on lisait un peu tous ces messages en attente :wink:wink:wink" Et du coup je me demande si Christine Love n’est pas un peu trop "fière" pour laisser le moindre de ses dialogues non lus. Ça m’a particulièrement marqué lorsqu’il faut lire l’espèce de forum sur la série animée fictive. Perso je m’en fichais complètement mais non, il FALLAIT que je le lise ^^
Pierre-Léo Bégay # Le 12 décembre 2011 à 19:51
Je suis évidement d’accord, mais on peut supposer que Christine Love a soit parié sur la perversité du joueur, soit joué sur le meta-jeu. Ou on peut juste lire son blog et se rendre compte (en tout cas dans mes souvenirs) que c’est un jeu qu’elle s’était imposée de faire en un mois.
Dans tous les cas, je garde un excellent souvenir de Don’t take it personally, même s’il est mine de rien plus cadré et moins dingue que Digital.
Martin Lefebvre # Le 13 décembre 2011 à 12:49
J’avais adoré Digital, mais j’ai été personnellement très déçu par Don’t Take it Personally... C’était peut-être dur pour Christine Love d’égaler l’intégration de l’interface et e l’histoire qui était une des grandes forces de Digital, et on peut lui être gré d’avoir essayé de se renouveler.
Mais bon sang, je n’y ai pas cru 30 secondes à ce pitch alambiqué. Je trouve l’écriture très forcée, je n’aime pas trop le style manga assez cliché, et le jeu commence par te retirer la main. Mais le pire c’est sans doute qu’étant prof j’ai beaucoup de mal avec la représentation des relations dans la classe, qui me paraissent totalement caricaturales, autant que le sont les ados du jeu... Et ça enlève pas mal de force au propos. Dans Digital Love arrivait à nous donner le goût d’une période qu’elle n’a pas connu, là elle étale des clichés sur les murs de la salle de classe...
Après j’ai vraiment arrêté très très vite tant la déception était forte.
Laurent Jardin # Le 13 décembre 2011 à 13:50
Justement, le style manga assez cliché "indique" que les relations dépeintes dans le jeu sont dans la veine de ces mangas un peu gnangnan mais accrocheurs (si on est dans un trip un peu régressif ^^). Du coup je ne pense pas que Love cherchait à donner une vision réaliste ou fidèle du milieu scolaire. C’est un contexte bien adapté au projet mais on aurait pu imaginer le jeu dans un hôpital, une start-up, un cabinet d’avocats...
Pierrec # Le 14 décembre 2011 à 09:16
Je suis assez d’accord avec tout ce qui est avancé mais pour ma part, je trouve que l’illusion d’interactivité est une des plus grande force de ce jeu. Il n’est quand même pas facile d’accrocher un joueur 40 minutes à un jeu qui pourtant ne lui laisse aucune liberté. Je veux dire, quitte à, le joueur pourrait préférer tout arrêter pour plutôt se lire un manga.
Certes, ça n’a pas marché pour Martin, mais ça a marché pour moi et plusieurs d’entre vous apparemment. Rien que pour ça, je trouve que c’est une réussite
Martin Lefebvre # Le 14 décembre 2011 à 09:36
Bah c’est tout de même pas Christine Love qui a inventé le Digico hein. ^^
Et puis dans le genre digico à l’école, quand tu as en tête les Persona, la comparaison est difficile.
Laurent Jardin # Le 14 décembre 2011 à 10:28
Sans être un spécialiste du genre, je sais que Christine Love n’a pas inventé le Digico ^^ Mais l’utilisation qu’elle en fait me paraît habile : Don’t take it... ne pourrait pas être ramené à un simple manga ou livre puisque le fonctionnement du réseau social n’a plus de raison d’être en dehors d’un écran d’ordinateur. Mais je suis d’accord, il y aurait sans doute beaucoup mieux à faire avec le concept.
Pierre-Léo Bégay # Le 15 décembre 2011 à 14:21
@Martin Lefebvre : Je trouve la comparaison avec Persona un étrange. Don’t take it est très classique dans sa conception mais le cache à tout prix, quitte à se jouer du joueur et des réflexes qui sont siens (on a parlé plusieurs fois d’illusion, et le terme me semble plus qu’approprié), tandis que les Persona, ne tentent jamais d’aller plus loin dans le genre du Digico scolaire, seulement plus profondément - avec des dialogues particulièrement réussis et parfois originaux.
Encore une fois, le jeu de Love est aussi branlant que les Persona sont solides, et c’est précisément pour ça qu’il y a, je pense, beaucoup plus à dire sur Don’t take it.
Martin Lefebvre # Le 15 décembre 2011 à 15:06
Oh oui la comparaison est pas super pertinente, je te l’accorde... C’est juste que les Persona réussissent à sonner juste sur l’école, ce qui n’est pas le cas selon moi du jeu de CL. Après les objectifs ne sont évidemment pas les mêmes.
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