Die and retry and die
Alors que F-Zero en est réduit à soubresauter au sein de Nintendo Land et que Wipeout est orphelin de son développeur historique, quelques Polonais ont choisi de faire comme si de rien n’était. Quand la course futuriste est esseulée, délaissée par la majorité, elle se lâche derechef et repousse ses limites. Gare aux impétueux qui oseraient la suivre : il est d’ores et déjà gravé dans le marbre qu’ils exploseront en plein vol.
Débarqué sur l’e-shop de la 3DS en Octobre 2013, Airace Speed est à rapprocher de cette lignée très confidentielle de jeux de course futuriste abhorrés par les claustrophobes, ces productions qui se complaisent dans des environnements majoritairement confinés où la lumière du jour pénètre rarement voire jamais. On peut penser ainsi à Ballistics ou The Charge. Mais là où le premier sanctionne avec soudaineté mais sans violence l’absence de réflexes surhumains, là où le second n’impose pas le temps comme juge de paix, Airace Speed ne montre aucune indulgence de bout en bout, condamnant à mort toute rencontre un peu trop prononcée avec un obstacle.
A sa seule description, il n’y a pourtant pas lieu de soulever quelque interrogation : le jeu compte dix-huit circuits, à travers lesquels on ne côtoie aucun adversaire. Le temps et les proéminences environnementales sont les seuls et uniques ennemis. Cette solitude sur la piste n’est pas de nature à susciter l’appréhension au premier abord. Quelques heures de jeu, et un nombre incalculable d’explosions plus tard, c’est avec un sens suraigu de l’humilité que votre serviteur a dû renoncer à la collecte de l’intégralité des médailles d’or récompensant la rapidité (sur quinze circuits) ou l’endurance du joueur (sur les trois restants, proches du principe de The Charge). Si vous parvenez à récupérer suffisamment de médailles pour débloquer l’intégralité des tracés du jeu, considérez déjà cela comme un immense accomplissement.
Airace Speed est une épreuve de force qui ne s’encombre guère du moindre état d’âme. C’est l’archétype du jeu outrageusement difficile, qui absorbe le joueur pour l’engager dans un combat acharné contre lui-même ; contre sa patience, son sang-froid, sa maîtrise de soi. Un parfait instrument de mesure de son amour-propre. Qu’importe la longueur de l’expérience. Qu’importe le courage, la détermination ou la ténacité dont on soit capable. Quels que puissent être les aspects de notre personnalité ou ceux éventuellement plus spécifiques à notre profil de joueur, Airace Speed nous exècre. Il abomine tout ce qui traverse ses entrailles. Tout au long du temps que l’on a la folie de lui consacrer, il n’aura de cesse de vomir son fiel. De nous regarder de haut. De nous dire « non ». Ou « merde ». Ou « rien à foutre ». On cherche encore. On ne trouvera jamais.
Airace Speed est plus qu’une course d’obstacles. Il est un obstacle à lui tout seul. Un mur. Une entité froide, sans émotion, ni la moindre trace d’humanité. Le constat peut porter au pléonasme puisqu’il est simplement question d’un assemblage de pixels et de polygones, mais les créations humaines où les auteurs cherchent à insuffler un tant soit peu d’eux-mêmes ne sont pas ce qui manque. Ici, il semblerait que les développeurs se soient mis en mode pilote automatique, laissant leurs mains tapoter leurs claviers tout en manipulant leurs souris de façon machinale, sans se rendre complètement compte de ce qu’ils érigeaient. Comme si la robolution s’invitait déjà dans la création de jeux vidéo. Et dans le bêta-test.
Passons. Il est évident que les choix conceptuels d’Airace Speed ont été faits en connaissance de cause. Pourtant, il faut bien regarder un tant soit peu en arrière. Airace premier du nom avait débarqué sur DSiWare et lorgnait vers des horizons plus posés, proches de ceux de Plane Crazy sur PC. Airace Tunnel, parachuté au même lieu, était certes annonciateur de ce qui allait venir mais modérait encore sa vélocité, permettant une plus grande complexité dans la conception des obstacles. Pour ce troisième volet, dans l’enchaînement continu à pleine vitesse des poteaux, des barres fixes horizontales ou obliques (voire tout cela regroupé sur quelques mètres d’intervalles), des disques de béton ajourés fixes ou tournoyants, et des couloirs en trompe-l’œil, le tout parachevé d’une gestion relativement sévère des dommages lorsque le vaisseau subit la maudite étroitesse des parois, il y a toutes les bonnes raisons de se demander quel événement a pu se dérouler dans les locaux de QubicGames pour que l’on se soit décidé à exploser à ce point en radicalité. Cette intransigeance peut d’ailleurs être chiffrée : à l’heure où ces lignes sont écrites, on comptait 389 intrépides ayant inscrit leur nom au tableau des meilleurs temps du premier circuit. Ils n’étaient plus que 114, soit moins du tiers initial, à s’être hissés au dix-huitième.
Airace Speed est donc la preuve définitive que la course futuriste ne se fait plus d’illusions. Bien que des rumeurs fassent état de la présentation d’un nouvel épisode de Wipeout sur Playstation 4 lors de l’E3 2014, elle a pris acte de son impossibilité à retrouver la place qui était la sienne durant la seconde moitié des années 90. En conséquence, elle peut n’en faire qu’à sa tête sans que l’on trouve grand-monde pour s’en émouvoir. Airace Speed est peut-être le plus parfait parangon de cet état d’esprit, un anti-héros déraisonnable, symbole d’un sous-genre qui, à la manière d’un autre trentenaire au bord de la rupture, découvre qu’après avoir tout perdu, il est libre de faire ce qu’il veut.
Vos commentaires
l’âne frotteur # Le 28 mai 2014 à 15:58
pauvre vieux...
l’âne frotteur # Le 29 mai 2014 à 08:21
ah ok c’étaitt pour introduire the next penelope
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