Surgelé

Brigador

Deuxième chance sur Novo Solo

J’ai toujours eu un problème avec le concept de mecha. Un robot guerrier, pourquoi pas, mais si gros ? N’y a-t-il pas un problème avec un centre de gravité si haut ? Un missile bien placé, et la machine bascule le nez dans le ruisseau. Voyez Star Wars : même quatre pattes ne suffisent pas à éviter ce genre de désastre. Et bonne chance pour relever le colosse d’acier en pleine bataille.

Autant dire que j’ai lancé ce Brigador avec une pointe de doute. À dire vrai, il y a d’autres choix que les mechas : chars plus raisonnables, parfois de simples camions, ou bien hovercrafts qui glissent souplement sur le champ de bataille. Passant de l’un à l’autre, me voici mercenaire à Solo Nobre, ville minière de la planète Novo Solo, déchirée entre trois factions.

Premier contact

Dans la jungle vidéoludique, la première impression est la seule qui compte. Un gameplay qui doit se mettre en place le plus vite possible, tout en laissant des possibilités de développement. Maniabilité trop abrupte ? le joueur lâche prise avant de la maîtriser. Jeu trop superficiel, c’est l’abandon après quelques parties. Il y a bien d’autres petits poissons dans la mare de la production actuelle pour s’embarrasser d’un titre à moitié mal fichu.

Brigador a bien failli faire les frais de cette loi impitoyable, car il perd à première vue sur les deux tableaux — je passe sur son titre, à mi-chemin entre le fromage coulant et le parfum de luxe. Le but se résume à détruire décor et ennemis à bord de son gigarobot, tandis que les commandes de ce dernier sont malaisées. Avec un écran rendu vite illisible par les décors et les tirs, on a du mal à repérer son blindé, rarement au milieu de l’écran ; sans parler de la minuscule flèche indiquant son orientation — résultat, on avance n’importe où, sans rien comprendre. On peut bien sûr modifier le mode de conduite [1]. Mais pourquoi diable s’acharner à comprendre un titre à la fois abscons et bourrin ?

C’est donc sans trop de surprise que Brigador a connu un tonitruant échec commercial à sa sortie en juin 2016. Une raclée caractéristique de la difficulté de la scène indépendante, selon l’interview qu’en a tiré Nathan Greyson de chez Kotaku. Bien sûr, observer c’est agir, dirait ce bon vieux Heisenberg : au final, le studio indépendant a pu profiter de ce petit rebondissement médiatique, et assurer finalement la viabilité de l’entreprise.

Sauvé par le néon

Arrivé après la bataille, et surtout après la sortie de l’édition Up-Armored un an après — qui revoit a peu près tous les pans du jeu — j’ai tout de même eu failli abandonner précocement. Le repêchage n’a tenu qu’à un fil : la direction artistique. Et en premier lieu cette bande-son entêtante de Makeup and Vanity Set, violente, brutalement sortie de l’intro d’un Carpenter.

À sa suite, la direction graphique est certes envahissante et — c’est un euphémisme — criarde. On l’a souvent qualifiée de cyberpunk, probablement pour sa distopie éclairée par quelques néons. Il n’y a pourtant pas grand-chose de punk dans Brigador, et bien peu de cyber : l’inertie des bécanes est plus mécanique que cybernétique. Quelle que soit sa définition, il y a quelque chose de touchant dans ces maisons de poupées que l’on traverse sans ralentir, ces quartiers fins comme de la dentelle, ces décors dessinés pixel par pixel et qui n’existent que pour être anéantis d’un coup.

Les descriptions textuelles sont à l’avenant. Non qu’on comprenne véritablement l’objet du conflit ; elles sont rédigées dans un langage administratif assez hilarant. Suffisamment, en tout cas, pour qu’on prenne la peine de les lire à chaque fois qu’on débloque un nouveau canon ou un véhicule.

Restons tank kill

Aggrippé par l’ambiance, impossible de résister au plaisir d’une partie de plus, avec ses temps de chargement de l’ordre de la seconde. Soudain, la magie opère : le shmup décérébré devient tout d’un coup un jeu tactique d’une finesse inattendue. Lorsque la moindre cartouche peut abattre un immeuble, il est difficile de planquer notre véhicule, surtout s’il se meut avec une énorme inertie. Les échanges si rapides au début se font avec plus de prudence à la fin d’une partie. Une volée de balles par-ci, un recul tactique, un contournement avant d’asséner le coup fatal en combat rapproché. On pense à World of Tanks, qui a su imposer un certain dynamisme de la lenteur. S’il est beaucoup plus véloce, Brigador conserve quelque chose de ce gameplay plus porté sur l’intelligence que les réflexes. Qui se mélange au tourbillon de couleurs de Diablo 3.

Assez technique dans le fond, surtout à cause de la variété des armements, Brigador impose, au bout d’un moment, de se pencher sur des détails, comprendre précisément l’utilité de chaque flingue, d’utiliser le camouflage ou les fumigènes à bon escient. Malheureusement, le gros défaut de la campagne principale est d’imposer un équipement que l’on ne peut pas consulter. C’est donc en mode freelance que le jeu fait voir toute sa richesse. Les objectifs y sont toujours les mêmes ; c’est l’éventail des builds possibles qui fait varier le jeu. Car les possibilités sont nombreuses : char d’assaut rapproché, tûk-tûk à mortier, mecha sniper, plutôt zone d’effet ou cible ponctuelle, pour ne citer que les plus descriptibles.

Voilà que je m’emballe. Ne nous méprenons pas : Brigador n’est pas le jeu du siècle, ni de l’année. Il occupe toutefois une place particulière dans ma bibliothèque, au rayon des petits jeux que je suis heureux de lancer régulièrement. Un rappel, également, qu’il faut parfois s’obstiner un peu pour apprécier un titre à sa juste valeur.

Notes

[1] Ma recette : direction relative pour les tanks et les mechas, et la direction absolue (non-isométrique) pour les hovercrafst.

Il y a 1 Message pour "Deuxième chance sur Novo Solo"
  • Karim Le 27 janvier 2018 à 03:54

    Merci pour cette découverte, la conclusion résume très bien une flopée de titres que j’ai pu essayer (ou non) et qui demande un minimum d’investissement, après c’est le pied niveau gameplay. A essayer.

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