Disponible début février 2013 en Europe, Ni no Kuni : Wrath of the White Witch est l’une des premières incursions du studio japonais Ghibli sur le terrain du jeu vidéo, par l’intermédiaire de Level-5 (Dragon Quest VIII, Professeur Layton) . La démo, présente sur le PSN, offre un peu moins d’une heure de jeu et pourtant permet de saisir d’emblée qu’il ne s’agit pas d’un JRPG comme les autres.
Tout jeu de rôle japonais se doit de posséder un thème musical de combat mémorable, quelque chose d’entraînant, de rythmé, de surprenant, mais qui arrive à ne pas rendre fou après des dizaines d’heures de jeu. Si certaines séries comme Tales of se contentent de morceaux plutôt passe-partout, d’autres comme Final Fantasy offrent des pistes épiques que l’on écoute encore et encore. Ces morceaux constituent en quelque sorte les garants d’une tonalité propre au jeu. En lançant la démo de Ni no Kuni : Wrath of the White Witch, le joueur habitué restera silencieux quelques instants, le temps d’écouter. Quelques notes fragiles de cordes et de vents, un tempo faible, aucun cuivre ou aucune percussion. Une minute de musique et le morceau semble enfin démarrer, incapable de rattraper l’impression d’ennui qui se dégage. Pourquoi ?
Le compositeur derrière Ni no Kuni : Wrath of the White Witch n’est autre que Joe Hisaishi, star au Japon, collaborateur fidèle de Hayao Miyazaki [1] et l’un des piliers de Ghibli. Il est capable d’écrire pour de gros orchestres : sa partition pour Le Château ambulant ou le poème symphonique de Nausicaä le prouvent sans problème. Mais les premières minutes sur la démo sont surprenantes, et dans le mauvais sens du terme. Il a fallu attendre de découvrir tous les systèmes qui composent le jeu pour saisir la cause du “problème”.
Version PS3 d’un jeu sorti à l’origine sur Nintendo DS, Ni no Kuni : Wrath of the White Witch raconte l’histoire de Oliver, un petit garçon qui perd sa mère et qui se retrouve transporté dans un autre monde (le “Ni no Kuni” du titre). Là-bas, seul en terre inconnue, il pourra peut-être la ramener à la vie. Tout au long de son périple, accompagné par le roi des lutins — avec un doublage à accent gallois très prononcé —, un minuscule bonhomme jaune qui ne paye pas de mine, Oliver ira aider les uns et les autres. Des courses, des sauvetages, des coups de main. Pour l’aider à affronter ses adversaires, il s’entoure de petites créatures rappelant fortement les Pokémon, qui évoluent mais restent toutes au format de poche.
Un à un, les éléments de gameplay se dévoilent et répètent ce même motif de petitesse. Dans Ni no Kuni, on récupère des essences de courage ou d’amour, que l’on redistribue ensuite. Le champ de bataille laisse parfois apparaître des orbes lumineux aux effets bénéfiques ; il faut alors courir derrière l’ennemi, lui glisser entre les jambes ou l’esquiver. Tout cela évoque un combat inique, David contre Goliath. La démo donne l’occasion de voir Oliver face à des adversaires immenses mais des obstacles ridiculement petits : il faudra par exemple aider un garde à retrouver du courage pour entrer dans une des villes.
L’esprit de Ghibli n’est pas loin au fond : il s’agit avant tout de petites histoires qui forment l’arrière-plan d’une aventure plus importante mais à laquelle le spectateur ne participe presque jamais. De Kiki à Sophie, les héroïnes de Ghibli sont des aides, des assistantes hors-pair plus que des guerrières et des combattantes ; leur rôle est essentiel pour que la grande aventure que l’on ne voit pas — la guerre le plus souvent, qu’elle soit entre les hommes et la Nature dans Princesse Mononoké et Ponyo sur la falaise, ou entre deux nations comme dans Le Château ambulant — se déroule comme il faut.
Mais à la différence de la majorité des films du studio, le héros de Ni no Kuni : Wrath of the White Witch est un petit garçon qui aide ou affronte des puissances supérieures. La grande méchante, la fameuse sorcière du titre, est une figure lointaine et qui délègue inlassablement ses coups, envoyant pion sur pion affronter Oliver.
Finalement, en y réfléchissant bien, malgré les défauts évidents de cette démo — trop courte, sans didacticiel, parfois brouillonne —, on comprend mieux pourquoi Joe Hisaishi s’est retrouvé à composer un tel morceau pour Ni no Kuni : Wrath of the White Witch. Il s’agit d’un jeu de petites choses, de petits monstres et de petits systèmes tout comme les grandes scènes chez Ghibli sont en fait les les plus petites : la “cérémonie” du thé de Ponyo sur la falaise, le bacon qui grésille du Château ambulant, le balai-brosse que Chihiro utilise pour récurer les bains...
Cette thématique, Level-5 l’a déjà approchée avec Dragon Quest VIII, qui gardait l’esprit de la série avec une aventure plus proche d’un conte que d’un grand roman d’heroic fantasy. La série concurrente de Final Fantasy a pour marque de fabrique cette charmante et plaisante petitesse. Elle est toutefois portée par les compositions épiques et magistrales de Koichi Sugiyama qui a, semble-t-il, toujours travaillé avec un orchestre en tête. Lorsqu’il écrit le thème de Dragon Quest en 1986, c’est avec une partition pour un ensemble conséquent et non pour la simple carte son de la NES et la même année, un concert symphonique est donné au Japon. Sa musique est parfois ronflante, pioche allègrement dans le classique et le baroque ; mais elle donne un ton et un rythme uniques au jeu.
Il faudra attendre le 1er février pour savoir si la musique de Joe Hisaishi tient sur sa longueur le jeu comme celles de Sugiyama ou Nobuo Uematsu avec leurs séries respectives. La promesse de la démo et le pedigree des studios impliqués semblent prédestiner Ni no Kuni : Wrath of the White Witch à devenir un JRPG “de petite stature” ce qui fera sans doute du bien aux joueurs fatigués de sauver le monde jeu après jeu.
Pour continuer sur les "Battle themes"...
- N’hésitez pas à écouter ce morceau remarquable de Tales of Vesperia.
- Motoi Sakuraba est parfois capable de pondre de formidables musiques, comme le thème de Baten Kaitos.
- Koichi Sugiyama a aussi quelques belles pistes dans son sac, comme ce Boss Battle de Dragon Quest IV.
Notes
[1] Il a aussi participé à la majorité des films de Takeshi Kitano avant la fin de leur collaboration au début des années 2000.
Vos commentaires
Denys # Le 24 janvier 2013 à 14:33
Je n’ai fait que la version DS, mais j’ai trouvé que ce thème de combat était rafraichissant, justement, loin des habitudes. Cela dit, je suis d’accord sur le fait qu’il met trop de temps à décoller, surtout que les combats sont généralement courts !
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