Vous cherchez un petit jeu casual, dans les 15€. Vous allez voir votre fournisseur favori, consultez les critiques en vogue. Deux titres vous interpellent : d’un côté, un donjon crawler à cartes semble beaucoup plaire, malgré son thème rebattu et une direction artistique douteuse. De l’autre, un échiquier aux pions en forme de mecha — encore eux — bénéficie encore de l’aura de FTL, le précédent jeu du studio. Vous hésitez encore. Vous avez bien raison : ce sont fondamentalement les mêmes méchanismes.
Vous voulez bien faire de petits matchs, mais pas contre un opposant humain : il faut attendre d’en trouver un, c’est stressant, désagréable si l’un des deux se révèle être mauvais joueur. Pas de risque chez Slay the Spire et Into the Breach, qui orchestrent de petits combats en solo. Généreux, l’adversaire artificiel se permet même de révéler au joueur ses prochains coups. Cette asymétrie est, dans les deux cas, au cœur du système de combat. Bien plus satisfaisant qu’un joueur qui cache ses intentions, cela résout du même coup la question de l’intelligence de l’opposant. Bien sûr, il y a des contreparties : l’IA a toujours l’avantage du nombre, et le joueur doit particulièrement économiser ses points de vie, qui ne remontent pas automatiquement d’un combat à l’autre.
En raison de cette information quasi-parfaite, chaque tour aura donc la forme d’un petit puzzle. Le jeu de cartes sera plus calculatoire, à tel point que l’on aura intérêt à conserver un bloc-notes sur un coin de la table pour y griffonner des additions (voire quelques multiplications). Du côté des gros robots, l’arithmétique est plus simple, mais s’y ajoutent des opérateurs spatiaux : en décalant les protagonistes sur la grille, on modifie tous les calculs ... heureusement pour le débutant, une option permet de redémarrer un tour par combat lorsque l’on a omis une variable dans l’équation. De fait, la tactique est bien plus intéressante chez ITB — avantage qu’égalisera STS lorsqu’il faudra composer son deck entre les batailles. Sans être négligeable, modifier les capacités de son équipe reste assez limité dans ITB. Pour le jeu de cartes en revanche, c’est évidemment central.
Temps de calcul
Avant tout, vous cherchez un petit jeu, car votre temps est limité. ITB et STS convergent justement vers les mêmes durées. Un tour dans le combat prend quelques secondes ; le combat, quelques minutes au total ; compter en gros une heure pour terminer le jeu. Sans être spécialiste du comportement, ces temps semblent en gros correspondre aux différentes phases de l’attention humaine. On y voit respectivement le temps de réflexion pour une opération complexe ; celui d’une concentration sur un travail ponctuel ; enfin, l’attention soutenue. Chaque joueur fonctionnant différemment, la longueur totale d’une session pouvant être ajustée plus finement grâce à la fragmentation en 3 ou 4 morceaux, donjons de STS et îles dans ITB. Que c’est beau : le jeu vidéo s’adapte naturellement à l’esprit humain.
Attendez, une heure pour terminer ? Il faut donc qu’il y ait de la matière à rejouer des parties bien différentes. Or, dans les deux cas, les premiers runs laissent planer un doute sur la question. Chez STS, il n’y a (pour l’instant) que deux personnages, chacun muni d’un nombre apparemment limité de stratégies. S’ils sont plus nombreux dans ITB, l’espace de combat paraît minuscule, presque étouffant pour l’habitué au tactical. Dans les deux cas, on a bien vite fait le tour des monstres. On sent bien que les deux jeux ont tenté de freiner artificiellement la progression : un système absurde d’expérience chez STS interdit l’accès à toutes les cartes ; chez ITB, le contenu est verrouillé par les achievements qu’obtient le joueur, comme chez son grand frère FTL. Si l’on passe outre ces manœuvres assez pitoyables, y’a-t-il vraiment un intérêt à jouer plus de quelques heures ?
Recombinaisons
C’est certain : en quelques runs, on a fait le tour du propriétaire, on peut même aller jusqu’à une victoire. Pour ce qui est de la maîtrise, par contre ... souvenez-vous : il fallait bien des heures de vol pour dompter Faster Than Light. Il en faudra probablement moins pour nos deux compères, mais on passera tout de même du temps à discipliner l’aléatoire du cheminement. Composer un deck dans STS est une affaire bien délicate — percevoir les combinaisons, ne pas céder à la tentation d’ajouter trop de cartes. Perdre des runs à tester telle carte avant de la rejeter. Malgré tous mes essais, je n’ai toujours pas réussi à achever la Flèche avec l’approche ninja — shurikens à gogo, petits coups nombreux — de la Silencieuse. Pour autant, chacune de mes nombreuses tentatives était bien différente des autres.
C’est le miracle du joueur d’échecs, qui s’émerveille de découvrir une nouvelle combinaison au bout de 50 ans de pratique sur un plateau de 8x8 cases — dimensions reprises telles quelles dans ITB. Peu d’éléments, mais tant de combinaisons. Chacune des 8 équipes de trois robots a sa stratégie propre, qui nécessite une nouvelle manière de penser ; lorsque l’on s’en est lassé, il reste encore à assembler nous-mêmes de nouvelles équipes. En repérant les cartes à l’avance, on peut forcer la construction d’un deck donné pour STS ; encore faut-il les obtenir précisement ... ou bricoler avec ce que le donjon veut bien nous lâcher.
Comment résister alors à l’appel d’une nouvelle partie ? En cas de défaite, il faut absolument redémarrer pour se remettre en selle. En cas de victoire, il faut absolument essayer cette nouvelle technique, cette nouvelle carte que l’on a aperçue au dernier run, cette nouvelle team de mechas que l’on vient de débloquer. On sait bien qu’on finira par se lasser et passer à autre chose ... tout en laissant le jeu bien en vue dans sa bibliothèque pour la prochaine fringale de casual game entre deux grosses sessions. Notamment Slay the Spire qui, encore en early access, garde de la matière en réserve — dont un alléchant troisième personnage.
Ainsi Slay the Spire et Into the Breach jouent, au moindre détail près, sur les mêmes registres, jouent des mêmes méchanismes pour inciter le joueur à redémarrer une partie. Vous vouliez savoir lequel choisir ? Le plus étonnant, finalement, c’est que rien n’interdit de cumuler les deux.
Vos commentaires
Mr_Tea # Le 7 mars 2018 à 15:00
Amusant, je joue aux deux, je n’avais pas fait le rapprochement.
J’ai commencé à lire l’article en me disant "mouai, c’est capillotracté tout ça".
Maintenant je ne peu plus ne pas voir la ressemblance.
Vraiment bien vu.
Laisser un commentaire :
Suivre les commentaires : |