Pour ses vingt-neuf ans, Dragon Quest s’est fendu d’un petit cadeau, un spin-off bourrin et passionnant intitulé Heroes. Ce jeu-somme, qui remixe les dix épisodes canoniques déjà sortis avec un gameplay très orienté action, semble être l’occasion rêvée de revenir sur la série crée par Yuji Horii à la suite de Wizardy et qui a donné naissance, directement ou indirectement, à quelques perles du JRPG comme Final Fantasy ou Pokémon...
Il a semblé, pendant quelques années entre la sortie de Dragon Quest VIII (2006, PS2) et celle de Dragon Quest VI sur DS (en 2011), que la série phare d’Enix (devenu Square Enix) avait enfin le vent en poupe en Occident. Sans jamais arriver à atteindre les sommets de sa concurrente — et désormais petite sœur — Final Fantasy, la franchise a lentement, mais sûrement, pris ses racines par chez nous après vingt ans d’absence.
Cette impression n’a pas duré bien longtemps. Une fois le remake du sixième opus sorti, la source s’est tarie, gardant pour elle les jeux plus ou moins nécessaires (le spin-off Wii), quand ce n’est pas directement un épisode canonique (le X, entièrement online). Depuis le début de 2014, nos téléphones portables ont vu ressurgir des portages corrects qui annoncent aussi bien la politique nostalgique de Square-Enix [1], qu’une volonté de s’ouvrir à notre vieux continent (du I au VIII, en sautant le VII toujours inédit chez nous).
Quelles sont les raisons derrière cette frilosité de la part de Square Enix Eidos ? Une réponse valable, mais pas la seule, tient sans doute dans la nature paradoxale de Dragon Quest. De tous les RPG japonais, il s’agit probablement du plus occidental, du plus européen, baignant dans un médiéval fantastique pépère alors que Final Fantasy, Star Ocean ou Tales Of s’obstine à mêler à leurs univers de vaisseaux spatiaux, de modifications génétiques et de lasers géants.
De son côté, la série de Yuji Horii évoque la simplicité des contes et légendes germaniques et slaves avec ses églises, ses rois, ses châteaux, ses malédictions et ses accents. On y parle d’anges, de messagers célestes, d’alchimie. On est accompagné par des héros terre-à-terre et pragmatiques, qui sauvent le monde à la suite d’un rêve ou d’une prophétie, quand on ne va pas se battre avec femmes et enfants en faisant grandir son tigre à dents de sabre domestique.
Derrière ce classicisme européen, se cache aussi un caractère réac évident (le V et son obsession du mariage en est le meilleur exemple), porté par un habillage quasi antédiluvien : les effets sonores, les combats et l’interface sont d’époque, dans un tour par tour posé et raisonnable. C’est d’ailleurs à mes yeux, le mot qui résume au mieux la série. Il s’agit d’aventures raisonnables, dans un monde raisonnable, avec des règles et des coutumes raisonnables. On y grinde paisiblement, on prie pour sauvegarder, on fait bien attention à dormir régulièrement à l’auberge, on économise à la banque pour ne pas trop souffrir en cas de défaite. Raisonnable et comfortable.
La raison du succès mitigé de la série en France tient peut-être à ça, et ce, malgré le nom d’Akira Toriyama (Docteur Slump, Dragon Ball) au générique. Nous sommes après tout le second pays du manga et, par-dessus le marché, grand consommateur de J-pop, de sushis et de ramens. Devant la rigueur et la simplicité très chrétienne de Dragon Quest, nous restons de marbre. Finalement, peut-être que tout cela manque d’exotisme ? Pourtant, pour qui sait se plonger dans une aventure de Yuji Horii, il y en a à la pelle [2].
C’est pour partager notre amour du JRPG, ainsi que pour accompagner la sortie du spin-off Dragon Quest Heroes, que nous vous avons préparé une théma sur cette passionnante série de contes et de légendes. Lacez vos bottes, chargez vos sacs d’herbes médicinales, car nous partons faire un tour au pays des gluants, ces charmantes créatures en forme de goutte devenues depuis 1986 le symbole de Dragon Quest.
Dans cette thématique :
- Melting potes, à propos de Dragon Quest Heroes,
- Le Renard, à propos de Dragon Quest IV,
- Nom de famille, à propos de Dragon Quest V,
- Les aventures du guerrier dragon, à propos de Dragon Quest VII,
- La possibilité du ciel, à propos de Dragon Quest VIII,
- Crise d’adolescence, à propos de Dragon Quest IX.
Contes gluants
- La possibilité du ciel (Dragon Quest VIII, Dragon Quest (série)) Par André Balso
- Le Renard (Dragon Quest IV : L’Epopée des élus, Dragon Quest (série)) Par Martin Lefebvre
- Crise d’adolescence (Dragon Quest IX, Dragon Quest (série)) Par Colin Fourtet
- Les aventures du guerrier dragon (Dragon Quest (série), Dragon Quest VII) Par Emmanuel Touchais
- Melting potes (Dragon Quest (série), Dragon Quest Heroes) Par Anthony Jauneaud
- Nom de famille (Dragon Quest V : La fiancée céleste, Dragon Quest (série)) Par Martin Lefebvre
- Gamme d’étalonnage (Dragon Quest (série), Dragon Quest XI) Par Colin Fourtet
P.-S.
Quelques dates au Japon :
Dragon Quest (1986 sur NES),
Dragon Quest II (1987 sur NES),
Dragon Quest III (1988 sur NES),
Dragon Quest IV (1990 sur SNES),
Dragon Quest V (1992 sur SNES),
Dragon Quest VI (1995 sur SNES),
Dragon Quest VII (2000 sur PSone),
Dragon Quest VIII (2004 sur PS2),
Dragon Quest IX (2009 sur Nintendo DS),
Dragon Quest X (2012 sur Wii, porté par la suite sur WiiU, PC, Android, iOS et 3DS),
Dragon Quest XI (prévu pour 2016 sur 3DS, NX et PS4).
Notes
[1] À lire : "Pourquoi Square Enix ressasse-t-il le passé ?" datant de l’année dernière par Nicolas Turcev.
[2] À lire : "Yûji Horii et Dragon Quest, la légende continue" en premium chez Gamekult.
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