13. La criée

Pokémon Go

Au comptoir avec Pokémon Go

Phénomène de l’été occupant le monde entier et attirant l’attention des médias les plus sérieux, Pokémon Go est aussi le candidat idéal pour s’embrouiller sur Facebook ou Twitter. Qu’on soit pro, anti ou juste sceptique, le jeu en réalité augmentée de Niantic ne laisse pas indifférent et nourrit toutes sortes d’analyses.

C’est ainsi qu’après une promenade déroutante dans un parc lyonnais investi par des chasseurs de Pokémon, Jérôme Dittmar publie sur Facebook une photo dont la légende compare cette invasion de joueurs au film Body Snatchers (et ses remakes).

De quoi faire bondir Nicolas Turcev, qui lance alors un débat au cours duquel chacun dessine peu à peu sa vision de Pokémon Go, de ses conséquences, limites ou promesses. Une longue conversation où il est question de virtualité, de ville, de partage, d’imaginaire, d’interface, de mémoire ou de contrôle des foules.

Nous nous sommes dit que cet échange méritait de s’échapper de FB. Nous vous en livrons ici une version légèrement remaniée et mise en forme.

« Il est encore temps de revenir parmi nous, Nicolas » — JD

Nicolas Turcev 25 juillet, 18:33 :  :/

Jérôme Dittmar 25 juillet, 18:55 : Il est encore temps de revenir parmi nous, Nicolas

Nicolas Turcev 25 juillet, 19:08 : Parmi les vieux jeux ?

Jérôme Dittmar 25 juillet, 19:15 : Dans un monde où tu marches dans un parc sans tenir en laisse ton portable. A moins que ce soit lui, qui te tienne en laisse. Plus sérieusement je pense que la collectionnite est une perte de soi. Une perte de soi dans l’infini. Donc l’ennui. Puisque le but d’une collection est de ne jamais aboutir.

Nicolas Turcev 25 juillet, 19:17 : La collection est un prétexte, c’est pas la finalité de Pokémon GO, tu le sais bien. Ou tu fais semblant de pas savoir.

Jérôme Dittmar 25 juillet, 19:18 : Si le but est de sortir de chez soi, bravo Pokémon.

Nicolas Turcev 25 juillet, 19:20 : La finalité c’est le jeu, au sens le plus pur. C’est affirmer que le monde n’est pas qu’un théâtre macabre, mais aussi le plus beau terrain de jeu qui soit. Pokémon GO permet de se réapproprier l’espace réel et de le voir sous un prisme plus jovial. C’est la rencontre aussi.

« S’il faut ça pour réenchanter le monde, alors au secours ! » — JD

Jérôme Dittmar 25 juillet, 19:25 : Sur l’appropriation je ne vois pas de quoi tu parles, les gens se posent ici ou là uniquement parce qu’il a été déterminé un point d’accès. Et il ne s’agit pas réellement d’un terrain de jeu, l’interaction avec l’espace est conçue à partir de cartes satellites et non d’une expérience du contexte. Et s’il faut ça pour réenchanter le monde, alors au secours ! Pour ce qui est de la rencontre, je vois surtout des gens le nez collés sur leur portable. Qui se regardent pas. Se parlent parfois. Après je ne doute pas que cela peut être amusant.

Nicolas Turcev 25 juillet, 19:30 : Le début de ton message prouve que tu n’as pas joué au jeu et que tu n’en conçois pas tous les usages. Le gameplay même du jeu t’incite à bouger, changer de zone pour trouver différents Pokémons. Les points d’intérêts fixes ne servent que par intermittence. Il y a en revanche effectivement une critique qui peut être formulée sur l’intensité de l’interaction avec l’espace, mais elle est déjà bien présente. Le simple fait que les joueurs évoluent non plus seulement dans leur territoire connu, mais aussi à la marge, dans des petits espaces proches d’eux mais qu’ils n’avaient pas l’habitude de coloniser, révèle cette appropriation de l’espace. Long story short : les gens peuplent dorénavant des espaces qu’ils ne peuplaient pas avant, même si c’est à la marge de leur espace connu. Et je ne dis pas que ça “réenchante le monde”, juste que ça permet, toute proportion gardée, d’en projeter une nouvelle image, ou en tout cas une image alternative de celle qu’on se bouffe tous les jours. Ensuite la rencontre elle n’est pas constante, tu ne parles pas à tous les gens qui jouent. Mais tu ne peux pas nier que le contact est favorisé par l’impression de proximité qu’une activité ludique partagée dans un même espace crée.

Jérôme Dittmar 25 juillet, 19:33 : J’ai bien vu comment ça fonctionnait. Mais cela ne change rien à ce que je disais plus haut. Et on n’a pas besoin de Pokémon pour tout ça. Encore moins de son image. Quelle image d’ailleurs ?

Nicolas Turcev 25 juillet, 19:36 : J’explique que le jeu t’oblige à te déplacer et à varier, au moins un minimum, tes endroits de chasse. Je ne vois pas en quoi c’est compatible avec ta critique sur l’immobilisme.

Jérôme Dittmar 25 juillet, 19:41 : Je ne parlais pas que d’immobilisme. Je t’ai répondu plus haut. Peu importe que le jeu te demande de bouger. Le rapport à l’espace reste le même. Le jeu n’est pas conçu comme une vraie chasse au trésor qui prendrait en compte les singularités de l’espace où il se joue. Ce qui me plairait beaucoup plus. Là je vois mal l’intérêt profond.

« Le joueur est obligé de composer avec les singularités de l’espace dans lequel il se trouve » — NT

Nicolas Turcev 25 juillet, 19:49 : Eh bien, si en réalité. Les pokémons sont différents en fonction de l’espace sur lequel tu te trouves, par exemple. Et par défaut, par son fonctionnement même, le joueur est obligé de composer avec les singularités de l’espace dans lequel il se trouve. Si ton pokémon apparait dans un lieu privé, le joueur va devoir composer avec cette donnée, arranger voire subvertir l’espace pour arriver à ses fins. Il y a une histoire récemment, où une arène de combat se trouvait au milieu d’une sorte de lac/fontaine qui n’était pas vraiment ouvert au public ou au tourisme. Un couple de joueurs a décidé de prendre son kayak et de pagayer pour aller se rapprocher de l’arène et l’obtenir. De telle sorte que le lieu, qui d’ordinaire suscitait l’indifférence, est devenu une sorte d’attraction, une sorte de lieu de tourisme. Ce genre d’histoire prouve clairement que les singularités de l’environnement comptent dans l’expérience. Elles ne peuvent que compter de toute façon, puisque le joueur voyage dans cet espace réel et pluriel qui se superpose mal avec le virtuel. Il est le maillon entre les deux univers et donc la variable d’ajustement entre les 0 et 1 du programme et la réalité plus complexe, plus protéiforme.

Jérôme Dittmar 25 juillet, 19:57 : Il y a donc des possibilités. Tant mieux. Mais j’ai quand même l’impression qu’il s’agit pour les concepteurs de repérer des points sur une carte sans connaissance véritable de l’espace réel. A ce niveau-là tu peux en coller un dans la Maison Blanche et bonne chance. Mais ça ne me rend pas vraiment le principe plus attrayant, car peut-être qu’il ne s’écrit pas vraiment d’histoire avec les lieux. Ce sont juste des challenges. On peut en débiter des milliers. Qui certes déboucheront sur des situations improbables et des techniques inattendues pour que les joueurs arrivent à leurs fins, mais sans quelque chose de très concret avec l’environnement et ce qui s’y déroule réellement.

Nicolas Turcev 25 juillet, 20:00 : Ce ne sont pas les concepteurs qui ont défini les points. Globalement ce sont les communautés locales qui ont soumis les points d’intérêt de leur voisinage et furent ensuite examinés en fonction d’une batterie de critères (signification culturelle, historique, artistique, communautaire, etc, etc) par les équipes de Niantic avant de les accepter.

Ensuite pour ta dernière phrase, je prends l’exemple d’un témoignage que j’ai lu dernièrement : une maman est préoccupée par son enfant autiste, qui ne parle avec personne, gamins comme adultes, et n’ose pas s’aventurer à l’extérieur, pas même dans le petit parc communal juste à côté de chez lui. Sa mère lui met Pokémon GO dans les mains, et elle assiste à un miracle : l’enfant arrive à parler avec les camarades de son âge, discute même avec les adultes des méthodes pour choper les pokémons, rigole et s’excite. Et surtout il arrive enfin à se déplacer dans ce parc qui l’angoissait tant avant, à en prendre possession, à se balader. Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose de très concret, ici, qui s’est passé dans le rapport à l’environnement, à son environnement direct, chez ce gamin ? Est-ce que ça n’a pas changé une vision ?

C’est une histoire, parmi d’autres. Pokémon GO ne changera pas de façon globale, pas encore (ça viendra sans doute), notre façon de concevoir l’environnement, mais en attendant, individuellement, il peut se passer des choses.

Jérôme Dittmar 25 juillet, 20:11 : Bien pensé donc. Mais ça ne rend toujours pas la chose plus attrayante car reste le jeu en soi qui m’intéresse autant qu’une planche à pain. Pour ce que ça apporte à certains, il y a toujours eu toutes sortes de moyens et Pokémon en est un parmi d’autres. Mais vivre un espace me semble autre chose que jouer à Pokémon. Car il reste toujours l’interface. Et un rapport à soi. Vivre un lieu le nez sur son mobile c’est un peu comme l’aphorisme de Godard sur la télévision qui te fait regarder par le bas, alors que le cinéma, par le haut.

« On peut être joueur/chasseur le matin, simple touriste le soir » — NT

Nicolas Turcev 25 juillet, 20:23 : Je trouve moi au contraire que le jeu est ouvert (dans une certaine mesure, ce n’est pas non plus un sport collectif) vers l’autre plus qu’il ne construit ou entretient un rapport à soi. De par les éléments qu’il met en place pour favoriser la réunion des joueurs, ou même de par la compétition naturelle et amicale qui se met en place entre deux amis qui jouent.

De toute façon l’interface est une donnée de nos sociétés modernes, ça fait quelques années maintenant que l’on a appris à vivre avec et elle est de plus en plus bénigne. Elle est rentrée dans nos habitudes de la vie de tous les jours, donc aussi dans nos processus de socialisation. Elle est aussi anecdotique (et paradoxalement essentielle) que l’éclairage public, pour prendre un élément qui se rapporte à la conception de l’espace. Ensuite rien n’empêche de vivre le lieu hors de l’interface. C’est le propre de l’interface que d’être optionnelle. Elle peut être une porte d’entrée vers de nouveaux espaces que l’on redécouvrira sans elle. On n’a pas Pokémon GO greffé sur les yeux ou dans le cerveau. On peut être joueur/chasseur le matin, simple touriste le soir : on additionne les rôles et les fonctions, ils ne s’annulent pas. Et à n’en pas douter que quand Pokémon GO s’évanouira (parce qu’il ne sera pas là à l’infini), les lieux eux resteront et peut-être que certains auront toujours le goût de les visiter même sans le prétexte du jeu.

Jérôme Dittmar 25 juillet, 22:00 : J’y vois plutôt une multitude de solitudes qui voudraient faire croire que le jeu vidéo n’est pas avant tout une pratique solitaire. Comme pour tous types d’expériences multijoueurs, il s’agit toujours d’un malentendu où l’on voudrait faire croire qu’il y aurait autre chose qu’un alignement de moi. C’est à peine une activité partagée. Disons qu’elle est simultanée. Les gens jouent au même endroit. Ils communiquent. Mais pour ce qui est du partage, cela me paraît quelque peu illusoire. Pour ce qui est de l’interface, c’est une question de qualité. Celle de Pokémon Go me semble assez pauvre. En tout. D’un point de vue esthétique. De celui de l’imaginaire. Du rapport au monde. C’est dur de ne pas paraître un peu condescendant, mais prendre Pokémon Go comme prétexte à l’aventure, c’est un peu insultant pour la quantité de films et de livres qui ouvrent leurs portes sur le monde en offrant des manières bien plus riches de les voir, et se les accaparer. Pour de bon cette fois, car le rapport qui se crée alors est autrement plus excitant, en tout cas dans bien des cas, qu’une caméra de téléphone portable permettant de débusquer des Pokémons. Encore une fois j’aime l’idée de chasse au trésor. Et celle de jouer avec la réalité, enfin notre espace. Mais tout le reste est d’une pauvreté peu engageante. Sans compter que ton rapport à cet espace n’est jamais vraiment celui du marcheur. Tout est sous contrôle GPS. Il n’y a pas de faille. C’est la vision d’un monde sous contrôle. D’un monde fini. Pour ce qui est de l’esprit d’aventure, c’est plutôt la mort totale.

Ce qui est intéressant c’est que c’est le premier jeu où le joueur est visible. Ce n’est pas l’arcade. Qui était un lieu. Là il n’y a plus d’espace de jeu puisque le monde est cet espace. Mais que fait-on alors de ce monde ?

C’est pas comme un jeu de cartes. Là, alors que c’est le principe, tu as peu l’impression que l’environnement est vraiment vécu, observé, etc. Cela donne plutôt le sentiment que le monde en devenant terrain de jeu est virtualisé.

« Les joueurs partagent déjà un imaginaire vieux de 20 ans » — NT

Nicolas Turcev Hier, à 00:50 : Qu’est-ce que le partage sinon celui d’un instant ou d’une passion ? Je pense qu’on oublie trop le poids de la licence dans le phénomène de Pokémon GO. Les joueurs partagent déjà un imaginaire vieux de 20 ans, des aventures et des anecdotes semblables qui les rendent plus proches, plus familiers. Je ne sais pas, ça vaut quelque chose déjà ça, non ? On peut débattre de la pertinence de cet imaginaire, de sa valeur, si c’est bon pour les enfants, etc, mais le simple fait qu’il y ait un liant, que ce jeu nous rapproche, massivement, est une raison de se réjouir, je crois. Après je ne comprends pas pourquoi tu mets dos à dos Pokémon GO et “bons plaisirs”. Il n’y a pas de hiérarchie à faire là-dedans, les fins ne sont pas les mêmes. Quand tu lis un bon bouquin de philosophie, par exemple, tu cherches activement à ouvrir ton regard sur le monde, ou au moins à le questionner. Pokémon GO, en l’occurrence, assume d’être un jeu total, un MMO, avec tout ce que ça comporte de futilité et de superficialité. Mais en même temps c’est essentiel, parce que même si ça ne permet de connecter les gens qu’à un niveau superficiel, il y a un lien faible qui se crée, c’est le début de quelque chose. Je m’en satisfais.

Pour ce qui est du rapport à l’espace, la localisation GPS ne change pas grand-chose à l’équation. Ce qui est important, comme dans tout bon roman d’aventure, c’est de laisser planer un mystère sur la façon dont tu arrives à l’objectif, que le chemin ne soit pas tout tracé. Et en l’occurrence Pokémon GO fait ça très bien puisque les pokémons sont vaguement localisés, ce qui oblige à fouiller des ruelles, des parcs, des endroits certes affichés sur une carte, mais que le joueur bien souvent découvre pour la première fois. C’est un peu opération « découvre les merveilles de ton quartier », mais ça fonctionne, parce que personne n’a cet instinct de nos jours. L’inconnu est au bout de ta rue, comme lors de tes balades en vélo dans le lotissement de tes jeunes années.

L’interface (je crois expressément) nébuleuse remplit également très bien ce rôle. Elle pousse les gens à élucider les mécaniques du jeu comme un puzzle un peu obscur, qu’ils doivent résoudre en s’entraidant, sur le net ou dans la vraie vie. En un sens tu construis collectivement le jeu et ses limites, je pense que ça favorise chez les joueurs le sentiment de contribuer à un bagage de jeu mutualisé entre tous. Le problème de ta position d’observateur dans le parc, c’est que tu ne captes que les instants statiques de l’expérience (même si personnellement, je n’ai pas du tout eu la même expérience que toi à Paris). Tu ne vois pas ce qui l’entoure, les longues marches d’un endroit à un autre, les yeux levés (même une microseconde) quand un pokéstop est placé sur un beau bâtiment, une belle œuvre d’art. Il faut arrêter de croire de toute façon que les gens regardent la ville, qu’ils ont cette spontanéité de s’arrêter et d’admirer. La plupart des gens s’en fiche royalement. Au moins Pokémon GO augmente les chances qu’une connexion s’établisse avec ce commun qu’est la ville. Ce n’est peut-être pas le meilleur prétexte (pourquoi devrait-il l’être ?), mais c’est un prétexte qui réunit énormément de gens et dans un sens c’est cette capacité à mobiliser les masses qui constitue la plus grande prouesse. Ce qui exige aussi, peut-être malheureusement, de se confiner aux plus petits dénominateurs communs, et donc de ne pas trop surcharger l’expérience avec un rapport trop formel et trop lourd avec l’espace citadin, qui déjà n’intéresse pas grand monde. Disons que tu ne peux pas faire un véritable jeu de piste à 60 millions de joueurs.

Sinon oui, le monde est virtualisé (au moins depuis que Google Maps existe), et vice versa. Quand les pokémons de ton enfance apparaissent dans ta ville, c’est aussi le virtuel qui se réalise, au sens premier, c’est à dire que le fantasme du dresseur aventurier prend corps (littéralement) dans le réel. Tu n’as qu’à demander, pour plein de jeunes et de moins jeunes, c’est un “rêve” devenu réalité. La relation va dans les deux sens. C’est d’ailleurs fantastique que notre aptitude technologique nous permette de donner vie à ces imaginaires, je trouve.

« Le jeu invite à combler un vide par un imaginaire sans réelle valeur pour notre imagination » — JD

Jérôme Dittmar Hier, à 10:51 : On va éviter de disserter sur le partage sinon on n’a pas fini. Il y a forcément une connivence nostalgique, et l’âge des joueurs, en tout cas ce qu’il semble être, se positionne vers ceux qui ont connu le jeu il y a dix ans. Ce n’est pas le problème. En revanche, dire que ce qu’il produit comme liant l’exempt de toute critique me semble plus gênant, dans la mesure où alors tu peux dire ça de tout phénomène populaire. Son simple effet de masse suffirait à le protéger de toute discussion, ce qui revient à dire la même chose que Bienvenue chez les Ch’tis doit nécessairement dire quelque chose d’important et être respecté puisqu’il draine un tiers des français en salles. On a d’ailleurs entendu peu ou prou les mêmes arguments lors de la sortie du film. Je ne critique pas la valeur de l’imaginaire propre à Pokémon en soi, la série ne m’a jamais passionné, elle m’a toujours plutôt laissé indifférent. Ce qui me semble plus discutable, c’est ce qu’il produit dans le cadre de Pokémon Go, et le discours qu’on peut entendre suite à sa sortie.

J’entends bien que Pokémon est un prétexte à l’exploration de notre environnement. Ce n’est bien sûr pas quelque chose qui me gêne puisque ce côté chasse au trésor, comme déjà dit plus haut, renvoie forcément, lui-même, à un imaginaire qui dépasse celui des Pokémon. On pourrait même poursuivre l’analogie en voyant le mobile comme un détecteur de métaux.

Là où cela devient plus problématique, c’est que le jeu invite à combler un vide par un imaginaire sans réelle valeur, ou disons puissance, pour notre imagination. Et qu’il le fait en passant par un espace qui, bien que sélectionné, demeure sans histoire, sans passé, sans lien. Le jeu n’invite pas à nouer une véritable relation avec l’environnement, si je comprends bien. Il propose effectivement de devoir inventer des stratagèmes pour arriver à ses fins, ce qui produit une histoire pour les joueurs (c’est le côté sympathique de la chose et où je veux bien reconnaître qu’il y a du partage), mais je doute qu’il invite à réellement observer et comprendre la nature des lieux visités. Une chasse au trésor traditionnelle c’est souvent une carte, comme Pokémon, mais aussi, dans le meilleur des cas, un sens qui se dessine derrière les objets disséminés. Typiquement dans le cas classique du trésor de pirates, cela invite à se projeter dans tout un scénario, et le passé se superpose au présent. L’espace est moins virtuel que partagé par la fiction. C’est disons une forme de virtualité plus haute, plus complexe.

Dans le cas de Pokémon, il ne me semble y avoir rien de tout ça. Le jeu soumet ses joueurs à un impératif arbitraire. Et cet impératif arbitraire va finir par recouvrir toute l’expérience de l’environnement. Ton seul but est d’être là, pas de comprendre de quoi est concrètement fait celui-ci. Bien sûr cela ouvre la porte potentiellement à la divagation et à l’observation, la découverte, etc. Le jeu est un moyen, un prétexte, soit. Il a ses marges, tant mieux. Mais pour ce qui est de son expérience en elle-même, tu crées moins un rapport au monde qu’un rapport à un impératif. Et comme moyen de peupler l’espace, la chasse au Pokémons n’est certainement pas le pire, mais pas non plus celui qui invite réellement à le comprendre et le faire exister. Je ne vois pas non plus comment finalement le jeu inviterait concrètement à comprendre, observer, apprécier, le monde réel. A l’inverse, les jeux de fugue comme certains open worlds, ou non, par leur esthétique propre, ouvrent vers une sublimation du monde qui me semble beaucoup plus excitante. C’est là toute l’histoire de la représentation, qui pour le coup augmente réellement la réalité.

Je vois mal en quoi débusquer un mignon Pokémon sur l’écran de mon iPhone dans un espace, certes insolite et peut-être inédit pour moi, m’invite à regarder le monde autrement. J’ai plutôt l’impression qu’en dépit de la conception des spots, on reste dans un rapport relativement lointain, avec des objectifs relativement dérisoires, ouvrant vers un imaginaire sans grandeur. Dans son principe, Pokémon Go n’invite pas, au contraire d’un jeu traditionnel, à observer un paysage, un ciel, pour ce à quoi il te renvoie, pour ce dans quoi il te projette, pour les mystères du monde qu’il peut sonder, et auquel tu vas penser, avec même lesquels peut-être tu vivras. Non, tu vas lever les yeux en l’air pour débusquer une bestiole sur l’écran de ton téléphone. Je n’enlève pas le fait que tu puisses t’en servir pour découvrir ta ville. Mais je trouve beaucoup moins excitant de le faire en chassant des Pokémon plutôt qu’en furetant de bars en restos ou en lieux, avec les mêmes moyens, c’est-à-dire un mobile géolocalisé (dont je ne peux retirer l’utilité même s’il a tendance à tuer les impondérables qui font la vie).

Sur l’espace citadin qui n’intéresse pas grand monde, c’est un peu faux dans la mesure où le tourisme de masse se porte pas trop mal.

Sur le fait de donner vie à l’imaginaire, je ne vois pas réellement de différence. Ces Pokémons ne prennent pas vie, jusqu’à preuve du contraire, ou alors on tient un miracle. Ils existent sur un autre écran qui va les superposer sur une image de la réalité. Mais cela ne les rendra pas plus réels qu’ils l’étaient déjà. Réels mais sans existence matérielle. C’est un glissement purement imaginaire, ton Pokémon a autant d’existence sur ta DS que sur ton iPhone. La différence est dans l’expérience du jeu qui te force à la mobilité, et ce côté magique de voir apparaitre un objet immatériel sur un écran supposé valider l’image de la réalité. Mais ce n’est qu’un bon vieux truc de cinéma.

Les jeux préexistant donnaient donc autant vie à l’imaginaire de la licence que Pokémon Go. Il ne s’agit que d’un effet.

Quoiqu’il en soit, Pokémon Go va certainement donner le coup d’envoi d’une vaste mode de jeux en réalité augmentée qui risquent de faire un peu d’ombre à la réalité virtuelle. C’est amusant d’ailleurs que les deux vont émerger presque en même temps, avec l’un qui te pousse à sortir, et l’autre à t’enfermer. Pas dur de savoir lequel je préfère, malgré mes critiques.

« Pokémon GO agit comme un révélateur de ces changements liés à la ville augmentée, il nous force à les voir. » — NT

Nicolas Turcev Hier, à 14:22 : Je n’ai jamais dit que le liant créé par Pokémon GO l’exemptait de la critique, c’est au contraire précisément ce que je dis plus haut. Ensuite j’ai l’impression que tu voudrais que Pokémon GO puisse prendre en compte toutes les particularités des endroits du monde entier dans son gameplay, alors que c’est très concrètement impossible. Tu compares l’incomparable, entre une chasse au trésor qui réunit 50 personnes organisée par l’office du tourisme locale et un MMO, qui en effet a besoin d’imposer un système de règles universelles qui s’imposent au joueur, et lui préconisent une méthode (qui autorise certaines largesses) pour naviguer dans le monde. Le caractère global du jeu vidéo en ligne empêche d’inclure tous les particularismes locaux. C’est le plus faible dénominateur commun dont je parle plus haut. A partir de là, tout l’enjeu sera de trouver une formule universelle qui permette au joueur d’engager son environnement, de favoriser la proximité, dans l’espoir que quelque chose se passe. Donc effectivement, Pokémon GO n’a pas d’injonction directe à observer et comprendre la nature des lieux visités, mais l’engagement massif des joueurs avec leur environnement augmente largement la probabilité qu’une connexion se crée. Il n’y a qu’à voir le nombre de bars ou autres qui ont modifié leur carte pour accueillir des boissons ou des plats Pokémon GO : c’est l’entrain collectif qui permet de bâtir de tels ponts. Il y a une systémique Pokémon GO, qui à défaut de changer notre rapport au monde - selon toi - transforme nos espaces publics, questionne notre rapport à la ville. C’est par exemple Central Park colonisé, la quiétude des parcs troublée, les routes envahies, la revanche du piéton sur la ville taillée pour l’automobiliste, les méthodes de sécurisation des espaces publics remis en cause, la délimitation public-privé durement testée, etc. De ces transformations que l’on voit apparaitre sous nos yeux, découle forcément, je pense, un autre rapport au monde. Pokémon GO agit comme un révélateur de ces changements liés à la ville augmentée, il nous force à les voir. En ce sens au moins, je pense qu’il modifie notre vision de la ville. Il y a une sorte de méta-jeu disons, ou de gameplay émergent qui subvertit complétement notre imaginaire traditionnel de l’espace public. Times Square noire de monde avec des dresseurs de Pokémon, c’est une image qui soulève des questionnements.

Pour ton commentaire sur le tourisme pour prouver l’intérêt porté à l’espace citadin, ça ne s’applique pas du tout ici. On parle de locaux qui jouent dans leur voisinage, pas de familles qui prennent la voiture pour aller capturer des pokémons à Paris. Le tourisme local pour des locaux existe, mais c’est un épiphénomène. Quant au virtuel qui devient réel, je persiste. Les pokémons sont bien plus réels que ceux que tu avais sur ta DS parce que dans le cas de Pokémon GO, tu deviens l’avatar. Je pense qu’il ne faut pas négliger l’importance de la mobilité dans ce processus de réalisation du fantasme. Ajouter cette dimension spatiale, c’est concrétiser la mécanique la plus importante du jeu, son telos : l’exploration. Tu as très clairement un transfert de fonction entre l’avatar virtuel et l’avatar réel, toi, qui permet dans une certaine mesure de dire que Pokémon s’est réalisé. Et puis tu ne peux pas non plus balayer d’un revers de main tous ces gens qui s’y croient comme s’ils étaient dans leur Game Boy.

« Ce côté je suis pris en laisse par le jeu est assez éloigné de la conception qu’on peut avoir de l’errance, de la marche, du voyage, de la découverte, de l’exotisme. » — JD

Jérôme Dittmar 21 h : La réalité ne s’oppose pas à sa simulation.

Nicolas Turcev 21 h : J’avoue.

Jérôme Dittmar 21h : Sinon : rien n’empêche d’imaginer un jeu avec un principe similaire mais avec d’autres règles, un autre imaginaire, et invitant à un autre rapport à l’espace. Peut-être pas de manière aussi simplement massive (encore que le jeu bénéficie du savoir-faire d’Ingress donc ne sort pas de la cuisse de Jupiter), mais en proposant un lien plus concret qu’un système de balises. Puisque c’est ça, Pokémon Go, un jeu de détecteur de balises en environnement réel. Pourquoi pas, mais ça ne fait pas non plus beaucoup rêver. Je ne sais pas s’il y a une transformation de l’espace public, mais il y a en tout cas une habitation, ou plutôt une traversée. On reconnait les joueurs de Pokémon Go : mobile à la main, connectée à une batterie dans la poche, avec l’air de toujours chercher son chemin. C’est inédit. Et il y a là quelque chose d’intriguant, mais qui donne pas vraiment l’impression d’une possible découverte, plutôt que les gens sont là pour une raison, qui peut être les fera bifurquer, mais qui vient assez peu d’eux-mêmes. Ce côté je suis pris en laisse par le jeu est assez éloigné de la conception qu’on peut avoir de l’errance, de la marche, du voyage, de la découverte, de l’exotisme. Je ne vois pas en quoi le jeu questionne l’espace public. Il me semble au mieux permettre de le vivre en y ajoutant de nouvelles données déambulatoires. L’interroger nécessite, je crois, quelque chose de plus profond que chasser des Pokémons. Quand bien même il faut développer des stratagèmes pour arriver à ses fins. Si on devait imaginer un scénario du pire, je dirais plutôt que Pokémon est un très bon exemple pour l’armée et la police, une preuve exemplaire pour montrer comment un simple device, un jeu d’enfant, est capable de contrôler des foules.

Nicolas Turcev 21 h :

Les phénomènes périphériques au jeu questionnent l’organisation de la ville. Tu as lu l’article de pop-up urbain sur la question ? La différenciation public-privé, l’accès aux handicapés, la sédimentation du territoire, Pokémon GO fait émerger ces questionnements, c’est une évidence. Sur le contrôle des foules par contre, tu pousses un peu… En premier lieu il y a toujours le consentement du joueur. Mais oui, le jeu dirige, donne les indications. Bienvenue dans le jeu vidéo j’ai envie de dire. On a toujours été “esclave” de la machine dans un sens.

Jérôme Dittmar 21 h : L’un des problèmes de Pokémon, c’est qu’on peut certes développer des trésors d’ingéniosité pour attraper les Pokémons, au final le jeu a le dernier mot, c’est lui qui te balade. Ce qu’il y a peut-être de nouveau, c’est que le jeu est d’ordinaire une activité séparée. Et sans dire que ce rapport change complètement, la place que le jeu prend dans l’espace public effrite quelque peu cette nature. Il y a un côté jeu de rôle grandeur nature à échelle démesurée.

Nicolas Turcev 20 h :

C’est cette démesure qui te titille.

Mais je pense que s’il n’y avait pas autant de joueurs et que le phénomène ne serait pas aussi visible, tu n’aurais pas tout à fait le même avis. Penses-tu la même chose d’Ingress par exemple ?

Jérôme Dittmar 20 h : Je ne pensais pas grand-chose d’Ingress, car évidemment le phénomène n’avait rien de comparable, et je ne me suis jamais trop penché dessus.

Nicolas Turcev 20 h : En fait je pense qu’il faut voir Pokémon GO comme un add-on de Google Maps, sauf qu’au lieu de te rendre dans un bar entre potes, tu vas dans un parc capturer des pokémons avec tes amis.

Jérôme Dittmar 20 h : Add-on de Google Maps c’est bien vu.

Nicolas Turcev 20 h : Disons que tout l’indique. C’est le même mec qui a créé les deux après tout.

Jérôme Dittmar 20 h : La continuité logique.

Nicolas Turcev 20 h :
 Même qu’à l’entendre, Google Maps n’était que le point de départ pour arriver à une expérience sociale comme Pokémon GO.

« La ville n’aura pas le souvenir de ce que Pokémon a produit » — JD

Jérôme Dittmar 20 h : Des cartes au territoire.

Jérôme Dittmar 31 min : Il y a un problème dans la définition des lieux soi-disant transformés du texte de Gargov (ndlr : l’article de pop-up urbain cité plus haut), que je découvre tardivement. Ils ne le sont jamais. Jamais parce que seul le jeu les reconfigure, leur donne une autre fonction. Le réel lui reste sourd. Il s’en fout. Et l’Histoire aussi. On peut bien invoquer le souvenir des joueurs qui va créer une histoire, elle ne sera jamais celle qu’on va écrire. C’est donc éphémère. La ville n’aura pas le souvenir de ce que Pokémon a produit. Il n’y a pas de réalité au sens où l’évènement peut marquer la mémoire d’une ville par-delà ceux qui ont vécu l’évènement.

Nicolas Turcev 21 min : C’est tout à fait vrai ce que tu dis, mais je ne pense pas que ça soit vraiment l’angle de Gargov dans son papier. Il me semble qu’il se focalise plus sur le soulignement des tensions et phénomènes citadins déjà préexistant, par Pokémon. Disons que son angle c’est de dire que le jeu agit comme une loupe sur les problématiques de la ville intelligente, qui existent déjà depuis un certain temps, donc que ces transformations précédent en réalité Pokémon GO. Et je pense que l’Histoire se rappellera, pour le coup, de la transformation de nos villes en smart cities.

Jérôme Dittmar 18 min : Oui, en effet. Mais c’est le fait de dire que le jeu transforme la ville sur lequel je tique un peu, car ce n’est pas une transformation. C’est plutôt “une occupation provisoire déviante”.

Après peut-être qu’à terme ce jeu ou d’autres pourront vraiment transformer un lieu. Après tout, cela tient surtout à la nature d’un évènement qu’il aurait pu générer.

Nicolas Turcev 16 min : « Déviante » haha. Allez, je te l’accorde. Je suis plutôt d’accord pour dire que Pokémon GO à lui tout seul ne marquera pas nos villes, mais c’est le signe (le plus significatif jusqu’à présent) d’un plus large mouvement.

Jérôme Dittmar 10 min : Oui, le jeu fait plutôt dévier l’environnement durant le moment où il est occupé. Par nature il ne change pas. Le jeu ne laisse pas de traces.

Et ce n’est pas comme le skate, qui transforme concrètement la ville en terrain de jeu, modifie la nature des éléments urbains, leur donne des dizaines de possibilités d’appropriation. Le couple vidéo de skate et pratique du skate est l’un des combos les plus puissants et passionnants et mal étudiés sur la manière dont on s’approprie une ville, et le rapport à l’image qui peut nous souder à elle. Pour le coup, plus qu’une histoire, c’est une vraie cinéphilie qui s’est produit. On pourrait croire que YouTube va permettre ça, mais j’en doute. Après, peut-être que le temps me contredira.

Il y a 18 Messages de forum pour "Au comptoir avec Pokémon Go"
  • cKei Le 31 juillet 2016 à 17:46

    Discussion intéressante mais je déplore qu’elle parte un peu en affrontement caricatural entre le vieux réac et le jeune progressiste.

    Il ne faut évidement pas faire de ce jeu la version 2.0du guide du routard dont le but serait d’ouvrir notre regard sur le monde, de nous faire découvrira des ressources insoupçonnées de notre environnement. Ça n’est qu’une petite application (qui perso me laisse de glace niveau ludisme) censée réunir les dresseurs dans une chasse grandeur nature plutôt que coincee dans un monde virtuel, et le fait que ça fasse crapahuter les gens n’est qu’un effet collatéral et relativement anecdotique. La preuve ce week end, j’ai vu de mes yeux deux personnes essayer de chopper les bestioles à portée, éventuellement sortir dans le quartier qques minutes. Ont-ils pour autant visités ? Non. Le guidage les a emmené là, puis là, puis ils sont rentrés sans mieux connaître les environs, que ça ne leur apporte qque chose.

    Donc je confirme que pokego ne semble pas être le remède miracle contre l’oisiveté ou la solitude. Mais qui a dit ça ?

    Cependant il ne faut pas minorer les apports potentiels de sa pratique. Clairement elle en a, Nicolas les a évoqué. Est-ce que ça reste mineur ?possible, et alors ? On aurait tout à gagner à prendre chaque avancée aussi circonscrite soit -elle pour une victoire .

  • cKei Le 31 juillet 2016 à 18:08

    D’ailleurs juste une réflexion sur le caractère social : pour la petite histoire je suis dans le TGV. De la place, j’avise un écran qui tente d’inciter le dialogue entre voisins de places . Le train c’est l’échange personnifié. Je remarque en revanche que les gens font au mieux la gueule et évitent de se regarde, s’adresser la parole.

    En revanche dans pokego le dialogue, la rencontre est bien présente. Dès amitiés se créent entre joueurs que la caricature présente généralement comme d’incorrigibles timides ou inadaptés sociaux. Les gens coopèrent discutent de leurs prises , de leurs tactiques. Ça n’est pas magique ( contrairement à ce que beaucoup d’articles essayent de vendre) mais sa arrive.

  • Anonyme Le 31 juillet 2016 à 18:14

    Discussion qui aurait pu être intéressante mais qui se révèle rapidement être illisible du fait que l’une des personnes n’ait pas joué au jeu (voire même pas essayé, et connaisse peu les jeux "principaux") et n’a pas plus chercher à comprendre l’expérience vécue par beaucoup de ceux qui ont été pris au jeu. Dommage car cela aurait pu produire une belle critique/analyse.

    PS : J’ai été définitivement perdu au moment où j’ai lu "contrôle des foules".

  • Julien Le 31 juillet 2016 à 18:17

    Je le savais bien moi que les jeux vidéo c’était mauvais pour le cerveau.

  • Nomys_Tempar Le 31 juillet 2016 à 18:45

    Échange intéressant.
    cKei à crut y déceler un affrontement caricatural entre le vieux réac et le jeune progressiste. Ça n’est pas mon cas. Les points soulevé par J.Dittmar peuvent sembler vieillots mais ça n’est pas le cas. Par exemple, la question du partage ou plutôt de l’illusion du partage au sein d’un système fermé est loin d’être réac.

    Pour ma part je n’ai pas jouer à Pokemon GO, mais la périphrase : “une occupation provisoire déviante”, m’a parut tout à fait juste pour décrire les jeux dadas et situationnistes. Pokemon GO en est un descendant direct, il en partage donc les limites. En tous cas c’est la lecture que j’en fais à posteriori.

    Par contre que Pokemon GO soit "le signe (le plus significatif jusqu’à présent) d’un plus large mouvement" selon N.Turcev me fait me demander : quel est, selon lui, ce plus large mouvement ?

  • Stéphane Le 1er août 2016 à 01:46

    Un large mouvement de trous du culs qui sillonnent ma rue toute la nuit, toutes les nuits, en groupe, et en veilant bien à rire fort, à crier fort, et à mettre FORT le volume de leurs smartphones ou tablettes, ça c’est une certitude.Bravo, on a réussi à créer une source de nuisance quotidienne supplémentaire.

  • Saï Saïmon Le 1er août 2016 à 09:55

    Un large mouvement ? Un mouvement jeune, blanc, urbain, de classe moyenne... Amplifié par un miroir médiatique.
    Désolé mais c’est tout sauf un large mouvement, c’est juste que quand la classe socio économique dominante se passionne pour quelque chose, elle s’imagine que c’est la société entière qui lui emboite le pas.

  • Athome Le 1er août 2016 à 11:30

    A mon avis c’est surtout un début. L’univers Pokemon ne m’ayant jamais intéressé, je ne testerai sans doute jamais. Mais on ne peut nier que c’est une toute nouvelle façon d’appréhender le jeux vidéo. Je suis surtout curieux de voir ce qui va venir après ... et on peut être sur que certain développeurs vont vouloir surfer sur la hype ... et qui sait ... pondre une merveille.

  • Stéphane Le 1er août 2016 à 12:55

    « Le projet Pokémon Go a été créé conjointement par The Pokémon Company, Nintendo et Niantic, ancienne filiale de Google. Niantic a été fondé par John Hanke, également fondateur de la compagnie Keyhole, Inc. spécialisée dans la création de cartes géospatiales. La compagnie a été financée par In-Q-Tel, un fonds américain de capital-investissement mis en place par la CIA en 1999. »

  • Cédric Muller Le 1er août 2016 à 19:16

    « S’il faut ça pour réenchanter le monde, alors au secours ! »
    On dirait une personne qui découvre les jeux vidéo. C’est un idle game en mode non-lazy walking et ego-localisation (ah pardon, géo je voulais dire). Rien de neuf. Vivement World of Warcraft GO ;)

    "Son simple effet de masse suffirait à le protéger de toute discussion, ce qui revient à dire la même chose que Bienvenue chez les Ch’tis doit nécessairement dire quelque chose d’important et être respecté puisqu’il draine un tiers des français en salles."
    Ce n’est pas faux, mais le sophisme est un petit peu poussé. Pokémon reste Pokémon. Il ré-active les adultes en mal d’innocence enfantine.

    "Je vois mal en quoi débusquer un mignon Pokémon sur l’écran de mon iPhone dans un espace, certes insolite et peut-être inédit pour moi, m’invite à regarder le monde autrement."
    Ici, ce sont les lieux artistiques et culturels qui sont mis en avant. Rien que dans mon quartier, j’ai découvert quelques petites statues dont je n’avais pas idée de leur existence. Evidemment, j’aurais pu prendre Google Maps, mais Google Maps ne me permet pas de farm des pokéballs en faisant tourner un symbole qui passe du cube à la sphère intelligente d’un service secret.

    "La compagnie a été financée par In-Q-Tel, un fonds américain de capital-investissement mis en place par la CIA en 1999. "
    Bien joué la CIA, ce jouet est très rigolo ! J’y joue encore (la vraie question étant : sur le fond, ça va durer combien de temps ce truc ?)

    ps : chaque soir, je vois les deux pokespots devant mon immeuble s’illuminer de pétales roses et je constate des petits groupes de trentenaires depuis la fenêtre de mon appartement. Ils forment à coups de quelques centimes d’euros. J’aime bien, je souris.

  • BrookMan Le 3 août 2016 à 03:15

    @Saï Saimon : je ne sais pas d’où tu tires ce portrait sociologique qui m’a tout l’air d’être un fantasme réducteur et enclin aux raccourcis. On parle d’une appli mobile téléchargée par millions en quelques semaines. D’une part ça ne peut pas être aussi simple que ce tu indiques. De l’autre, ça a forcément une portée sociale conséquente : ce n’est pas la société entière qui est concernée par Pokémon Go ! mais bien un pan assez significatif pour qu’on puisse parler de masse et, de fait, de considérer que le jeu a un impact véritable. Si tant bien est que ce soit un mouvement urbain blanc classe moyenne etc., bah c’est pas négligeable pour autant. Les jeux mobiles sont extrêmement répandus.

  • Karim Le 3 août 2016 à 11:54

    "Quant au virtuel qui devient réel, je persiste. Les pokémons sont bien plus réels que ceux que tu avais sur ta DS parce que dans le cas de Pokémon GO"

    Je joue à Pokémon Go et j’en vois toute les qualités. Et défaut. J’adore cette conversation, dans laquelle on trouve plein de choses, d’excellent arguments, des choses auxquelles j’étais à des lustres de penser. Et j’apprend beaucoup. Donc merci pour cette publication. Je souhaitais juste réagir à la phrase que je cite plus haut.

    Sur GB, DS, 3DS, je créé une histoire avec mes pokémon, que "j’élève" qui m’accompagnent dans ma quête. On forme une équipe de 6 et on vit une aventure avec. C’est malheureusement quelque chose que je trouve moins dans pokémon Go. A capturer des Ratata par dizaines, ils en perdent de leur valeur et de leur personnalité. Certes, on peut se créer des anecdotes "Ouais j’ai attrapé ce Lokhlass dans mon lit" ou "Tiens c’est marrant, un taupiqueur sur mon pantalon" mais c’est tout. On ne va jamais s’attacher aux pokémon que l’on capture. En ça, je les trouve moins réels dans Pokémon Go justement.

  • Bobophonique Le 5 août 2016 à 01:21

    Tout cela me rappelle l’époque où les cahiers du cinéma publiaient des tartines sur le post modernisme de Loft Story. Avec le recul, ça crève les yeux : c’était une bande de fumistes dans des décors en plastoc, et nous avons plus ou moins gobé tout ça parce que nous sommes prêts à tout pour fuir l’ennui. J’ai longtemps cru à l’intérêt de parler de la culture vivante, mais je finis par penser qu’il vaut mieux consommer comme on l’entends, laisser le temps trier et décider de l’importance des événements culturels, et en attendant, on peut aussi lire Platon, hein... Bon ok. Je dois être devenu un vieux couillon. Bonne chasse, les amis !

  • Bobophonique Le 5 août 2016 à 01:24

    Et à Saï Saimon, si je peux citer nofx : "don’t f***ing call me white" ;) a bon entendeur

  • Seb Le 6 août 2016 à 23:07

    Etrangement, ce bel échange en dit plus long sur la difficulté du dialogue et de la communication que l’ensemble de son contenu.

  • Tatie Le 8 août 2016 à 08:47

    "On peut débattre de la pertinence de cet imaginaire, de sa valeur, si c’est bon pour les enfants, etc, mais le simple fait qu’il y ait un liant, que ce jeu nous rapproche, massivement, est une raison de se réjouir, je crois"
    Pour cela il y a déjà le scoutisme, dont on peut se réjouir, car il crée du liant, mais dont on peut se demander tout de même si l’imaginaire fasciste est bon pour la jeunesse ... Ah, les jeunes ...

  • BlackLabel Le 27 août 2016 à 13:55

    Là où cela devient plus problématique, c’est que le jeu invite à combler un vide par un imaginaire sans réelle valeur, ou disons puissance, pour notre imagination. Et qu’il le fait en passant par un espace qui, bien que sélectionné, demeure sans histoire, sans passé, sans lien. Le jeu n’invite pas à nouer une véritable relation avec l’environnement, si je comprends bien. Il propose effectivement de devoir inventer des stratagèmes pour arriver à ses fins, ce qui produit une histoire pour les joueurs (c’est le côté sympathique de la chose et où je veux bien reconnaître qu’il y a du partage), mais je doute qu’il invite à réellement observer et comprendre la nature des lieux visités.

    J’ai lu en diagonale mais ce passage m’a interpellé, et pointe du doigt ce qui me dérange aussi dans Pokémon Go.

    Je partage l’idée de Jérôme ; le jeu (le concept j’entends) aurait eu une pertinence si son but était la découverte de la ville où on habite (voire la région), sorte de guide touristique des monuments, du patrimoine, sous forme de chasse au trésor. Le virtuel qui nous (re)met en contact avec le réel, sachant que que généralement bien des gens ne visitent jamais par exemple les musées de leur propre ville. La quête terminée, on lève les yeux de son téléphone pour regarder le concret, le découvrir. Et les rencontres se font sur une base concrète, le partage aussi.

    Or avec PG, sous couvert de faire sortir les gens dehors, je pense qu’on les coupe du monde réel, d’autant plus lorsque les Pokémons apparaissent dans des lieux privés, où les usages s’évaporent pour certains parce qu’il y a une peluche virtuelle à collectionner. Ou encore quand certains conduisent à 15 km/h pour faire éclore les oeufs (je crois), parce qu’au-dessus de cette vitesse ça ne fonctionne plus d’après ce que j’ai entendu dire. Moi j’y vois une négation du réel, un jeu qui supplante le monde environnant parce que les joueurs se plient à ses règles.

    Juste à entendre des discussions au travail, c’est consternant les niaiseries qu’ils peuvent raconter avec un sourire béat aux lèvres. Après le travail j’ai passé 3 heures à rouler à 15 km/h, maintenant j’ai mon Pokétruc !

  • Magitruite Le 13 juin 2017 à 16:41

    "La ville n’aura pas le souvenir de ce que Pokémon a produit" : Oh que oui. Un an après la publication de ton article, on peut enfin commencer à observer les effets de la post-Pokémon Go Mania ; et comme tu l’as si bien souligné, rien n’a changé visuellement. Plus intéressant encore, le phénomène permet en outre d’observer à quel point, à l’heure d’internet, une mode peut atteindre des sommets inconnus jusqu’alors et s’écraser misérablement aussi rapidement qu’il est arrivé.
    On remarquera d’ailleurs qu’il y a 1 ans, ne pas jouer à Pokémon Go était vu comme un aveu de "ringardise", de la même façon qu’aujourd’hui y faire partie des derniers joueurs encore actifs est taxé des mêmes aprioris. Les jeux classiques plus récents, dont Pokémon Soleil & Lune ou le fangame Pokémon Uranium ont fait bien moins d’émules mais restent plus pérennes lorsqu’on regarde le nombre de joueur, le nombre d’articles et de vidéos publiés sur le sujet ou plus simplement le soin pris par les éditeurs pour continuer à faire vivre ledits jeux.
    Pokémon Go est mort, vive Pokémon !

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