Dans Yakuza 3, Kazuma Kiryu, rangé des voitures, s’est reconverti en papa poule. Il s’occupe à présent de l’orphelinat Sunshine, à Okinawa, avec pour seule aide sa fille adoptive. En face de l’orphelinat il y a la mer, une petite crique et une plage idyllique, peut-être un des plus beaux lieux de cet épisode détour, qui délaisse un temps les néons de Kamurocho pour les palmiers et le fameux ciel bleu cher à Sega.
Depuis l’orphelinat, il n’y a qu’une route de terre à traverser pour accéder à la mer. La plage est une pièce de plus, un grand tatami de sable fin, ouvert, mais intime, où se jouent les joies quotidiennes et les petits drames de la famille que s’est bricolé Kiryu. On y ramasse des objets échoués, on y prend des cours d’arts-martiaux, on y taquine le goujon, les enfants y vont bouder, ils se bagarrent dans le sable, tandis que les yakuzas mélancoliques s’en grillent une au soleil couchant, et font des tirades amères sur le sens de la vie. La plage, lieu éminemment japonais, point d’interface entre les éléments, le salé et la silice, les dunes marines et les vagues de sable.
Lieu éminemment kitanien, aussi. Beat Takeshi est fasciné par la plage, et, depuis A Scene at the Sea (1991), son troisième film, qui raconte l’histoire d’un surfer muet et de sa copine, ses personnages trempent régulièrement les pieds dans l’eau. Dans Sonatine (1993) puis dans L’été de Kikujiro (1999), ce sont les yakuzas qui prennent des vacances au bord de l’eau. La plage kitanienne est un terrain de jeu, un espace d’invention carnavalesque et ludique, où en même temps qu’on enfile le bermuda tombe la carapace, le masque hiératique. Avant que la tragédie ne reprenne ses droits.
Il y a dans Yakuza 3 un beau moment de burlesque vidéoludique, qui ne déparerait pas dans un Kitano de la grande époque. Pour consoler un orphelin, qui rêve de devenir catcheur, Kazuma et son ami Rikya enfilent leur plus belle tenue de lutteur pour faire le show sur la plage. Un combat de plus, dans un jeu où pour le moindre prétexte les passants vous agressent avant de recevoir une correction bien méritée ? Pas vraiment, mais bien plutôt le détournement bouffon des autres affrontements du jeu, leur revers satirique. Tout le sel de ce jeu de plage tient à ce qu’il ne s’agit pas ici de gagner le plus efficacement possible, mais de faire durer le spectacle et le plaisir en exécutant les prises réclamées par le public enfantin, en toute complicité avec son partenaire de ring.
Le plaisir est évidemment partagé par le joueur, enchanté de toute cette mascarade dont il est le héros.
Voir aussi :
Yakuza 4, même plage, ambiance mélo.
Takeshi no Chōsenjō sur NES. Pas de plage, mais du Kitano.
Vos commentaires
Alexis Bross # Le 19 juillet 2012 à 23:24
J’aurais bien aimé jouer à la série Yakuza si j’avais eu une PS3 tiens. À l’époque, un certain Jérôme Dittmar le vendait très bien dans Chronic’art.
C’est connu, mais j’ai retrouvé un article avec deux yakuza qui ont joué à Yakuza 3. Ils parlent un peu d’Okinawa. Évidemment, comme tous les yakuza, ce sont d’éternels nostalgiques d’un temps révolu où ils avaient du pouvoir. C’est ici que ça se passe.
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